Conséquences financières
Les ministres des Finances de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), réunis à Abidjan, ont pris en conséquence un certain nombre de mesures conservatoires. Les différents établissements financiers de Uemoa , notamment la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest ( BCEAO) et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) ne doivent désormais entretenir des relations qu’avec les personnes disposant d’habilitations conférées par un gouvernement légitime de la République du Mali, ce qui proscrit donc toute relation avec la junte. En conséquence, la BCEAO, suspend tout mouvement de fonds sur les comptes ouverts dans ses livres au nom du Trésor public malien. La Banque centrale n’effectue donc plus d’opérations avec le Trésor malien, à l’exception de quelques règlements en cours. Concrètement, il s’agit d’assécher le Trésor malien qui risque à terme de ne plus être en état de payer les fonctionnaires ou les militaires. Les fonds alloués chaque année au budget malien par la BCEAO en bonds du trésor sont de l’ordre de 90 à 120 milliards de francs Cfa, soit environ 10% du budget malien qui est d’environ 1 000 milliards de francs Cfa.
En revanche, la BCEAO continuera à effectuer des opérations avec les établissements de crédits maliens, autrement dit avec les banques privées. Il n’y a donc pas de risque de pénurie d’espèces au guichet des banques. Un des responsables de la BCEAO a confirmé à RFI, ce qui était précisé dans le communiqué de presse, à savoir que les banques commerciales continueront à être alimenté par la banque centrale ouest-africaine. Pour l’économiste sénégalais Sanou Mbaye, il ne s’agit pas d’un embargo aussi dur que celui qui avait frappé la Côte d’Ivoire.
Inquiétudes à Bamako...
Dans la capitale malienne, les populations sont inquiètes et craignent des pénuries notamment en ce qui concerne les hydrocarbures. Les stations d’essence ont été prises d’assaut par des automobilistes qui remplissent le réservoir de leur véhicule. D’après le président du conseil malien des chargeurs, Ousman Babalaye Ndao, le pays aurait à peu près une semaine de réserve d’hydrocarbure. En tout cas, la société Energie du Mali, qui assure la production et la distribution d’électricité a commencé à procéder à des délestages par précaution. Les centrales thermiques maliennes risquent en effet de se retrouver à cours de carburant faute d’approvisionnement en provenance de l’étranger.
Du côté des transporteurs, des consignes avaient été donnés avant l’entrée en vigueur de l’embargo, comme en témoigne Ousman Babalaye Ndao, président du conseil malien des chargeurs : « J’ai dépêché des agents au niveau des frontières principal du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, pour que le maximum de camion rentre avec le maximum de produit. C’est ce qu’on est en train de faire. Et de dépêcher les procédures douanières à ses frontières-là, juste enregistrer, quitte à régulariser par la suite. Et aussi donner la priorité aux hydrocarbures et aux vivres ». Pour l’instant, il n’y a pas d’augmentation des prix des denrées sur les marchés, ni à la pompe pour ce qui concerne l’essence.
Les exportateurs s’inquiètent également. Le Mali est le premier producteur de coton d’Afrique après l’Egypte. Les producteurs risquent de se retrouver avec des stocks importants, d’autant que la CMDT (Compagnie malienne de Développement Textile) affichait cette année l’ambition de doubler sa production par rapport à 2011 (260 000 tonnes). Les producteurs de mangue, produits périssables vendus essentiellement en Europe, espèrent que l’embargo sera levé d’ici quelques jours, car la saison va commencer.
... et dans la région du nord
Les pénuries se font sans doute sentir plus durement dans les villes du nord, occupés par les rebelles touaregs, notamment Tombouctou et Gao. La circulation entre le sud et le nord est pratiquement interrompu dans le sens sud-nord. En revanche, des gens fuient les régions du nord pour gagner Segou ou Bamako. Les opérateurs économiques et les banques de Tombouctou et Gao ont été victimes de pillages. D’après les témoignages recueillis par Ousman Babalaye Ndao auprès de patrons dans les villes du nord, c’est à Gao que la situation est la plus critique.
Source; RFI