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Loi d’amnistie : La CNDH-S exige la publication des rapports d’enquête pour garantir la vérité et la justice



Après trois (3) années de violences politiques marquées par des arrestations massives (environ 2000), des pertes en vies humaines (65 morts) et des destructions considérables de biens, le Sénégal a adopté la loi d’amnistie afin « d'apaiser les tensions. » Mais cette initiative, censée favoriser la réconciliation nationale et la cohésion sociale, divise.

Si la mesure a permis la libération de nombreux détenus, elle est aujourd’hui remise en question par les victimes et une partie de la société civile, qui dénoncent un « déni de justice. » Face à ces critiques, la Commission Nationale des Droits de l’Homme du Sénégal (CNDH-S), en collaboration avec Amnesty International et le Bureau Régional pour l’Afrique de l’Ouest du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH-BRAO), a organisé ce jeudi 27 mars à Dakar, une journée de réflexion inclusive afin d’analyser les implications de cette loi et de formuler des recommandations.

Adoptée par l’Assemblée nationale sous le numéro 2024-09, la loi d’amnistie couvre « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques ».

Mais pour de nombreuses organisations de défense des droits humains, cette amnistie, bien que politiquement justifiée, pose un sérieux problème sur le plan juridique et éthique. Pour le Pr Amsatou Sow Sidibé, présidente de la CNDH-S, il est essentiel d’avoir une approche équilibrée.

« L’objectif visé, c’est de comprendre et d’avoir une bonne connaissance des impacts de cette loi. La question qui se pose est : comment garantir la redevabilité tout en favorisant la réconciliation nationale. Nous avons une mission précise de prévention, de protection et de promotion des droits humains. Nous voulons attirer, apporter toutes les conséquences de notre approche pour réussir notre mission qui est l'approche droits humains. C'est-à-dire qu'il faut que les responsabilités soient situées et que la redevabilité aussi soit une conséquence de cette responsabilisation. », a-t-elle déclaré. 

Concertation et dialogue

Elle a insisté sur la nécessité d’une concertation plus large. « Nous voulons qu'il y ait une concertation, un dialogue autour de cette question. Et après, on va voir comment ça va se passer au niveau de l'Assemblée nationale. Donc, l'intérêt de cette rencontre aujourd'hui, encore une fois, c'est de discuter, de dialoguer, de se concerter, de voir si, à la limite, il n'est pas possible de repousser la question de quelque vote que ce soit jusqu'à ce que l'ensemble des Sénégalais, s'asseillent autour de notre table avec toutes les autorités, y compris même les autorités religieuses, pour voir ce qu'on pense de cette loi d'amnistie, ce qu'il y a lieu de faire de cette loi d'amnistie. »

Robert Kotchani, Directeur Régional AI du Haut-Commissariat des Nations unies en Afrique de l’ouest, a salué l'initiative de la CNDHS et a insisté sur la nécessité de rendre publics les résultats des enquêtes menées sur les événements violents qui ont secoué le pays.

« Je suis convaincu qu'il y a eu des enquêtes. Dans un pays aussi organisé que le Sénégal, je ne crois pas que ce qui s'est passé ait pu se passer et qu'il n'y a pas eu d'enquête. Je suis sûr qu'il y a eu des enquêtes, mais ces enquêtes n'ont pas été rendues publiques à notre connaissance. Or, il est important que la population sache. Il est essentiel que les rapports d’enquête sur ces violences soient rendus publics. Comment ces 65 personnes ont-elles perdu la vie ? Dans quelles circonstances ? Sans vérité, il est difficile de parler de justice et de réconciliation. » 

Celui a également pointé du doigt l’un des points les plus problématiques qui est l’absence de transparence sur les événements ayant conduit à l’adoption de cette loi. 

Absence de rapport

Selon M. Kotchani, la publication de ces rapports permettrait de mieux comprendre les circonstances des décès, des arrestations et des blessures, et d'identifier les besoins en matière de renforcement des capacités des forces de sécurité. "Le fait de rendre ces informations publiques (...) permet à nous autres, Nations unies droits de l'homme, Commission nationale des droits de l'homme et même la société civile, de voir quels efforts de renforcement des capacités nous pouvons faire vis-à-vis des forces de sécurité, c'est-à-dire la police et la gendarmerie notamment. (...) L'absence de rapports publics fait qu'on est dans les supputations et on a des informations qui ne sont pas corroborées toujours, qui ne sont pas toujours corroborées ou qui ne sont peut-être complètes. Or, un devoir de vérité voudrait que ces rapports soient rendus publics et que nous puissions les utiliser pour faire le plaidoyer et peut-être la formation aussi. »

Alors que la société civile continue de réclamer des garanties pour les victimes et un engagement clair en faveur de la vérité et de la justice, l’Assemblée nationale se prépare à examiner, le 2 avril prochain, la loi d’amnistie.

Pour le Pr Amsatou Sow Sidibé, « la loi d’amnistie a permis une transition pacifique lors de l’élection présidentielle de 2024. Elle soulève aujourd’hui des questions quant à sa portée et son impact. »

Ndeye Fatou Touré

Jeudi 27 Mars 2025 - 15:57


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