Le forum civil charge le Directeur général du Port Autonome de Dakar (PAD). La préférence du groupe Nicotrans dans le cadre de la concession du terminal Vraquier n’est pas du tout pour plaire à la section sénégalaise de Transparency International qui dénonce dans un communiqué parvenu à notre rédaction. Dans le rapport de présentation du projet de concession du terminal Vraquier multi produits du Port de Dakar, les autorités du Port expliquent les raisons qui ont fondées leur préférence dans l’offre qui a été retenue. Principalement il s’agit :
· Du « retard du Port Autonome de Dakar (PAD) dans les différents segments des services portuaires, notamment le traitement du trafic de pondéreux non alimentaires par des équipements de pointe préservant l’environnement, ce qui a justifié, en partie, le classement du PAD au 110eme rang sur 155 Ports par le rapport de la Banque mondiale sur l’indice de performance logistique » ;
· De « l’expérience et la notoriété du groupe NECOTRANS au plan international et son classement honorable lors de procédure de sélection d’un opérateur du terminal à conteneur et sa présence au Sénégal et dans d’autres pays africains depuis plusieurs décennies » ;
· De « l’intérêt que le groupe NECOTRANS, porte, comme par le passé à la compétitivité du port de Dakar, en lui offrant la possibilité de développer un partenariat stratégique, sur la base des dispositions de la loi 92-62 du 22 Novembre 1992 régissant les concessions du PAD considérées légalement comme des concessions domaniales et des marchés publics, des concessions de service public ou des délégations de service public au sens du Code des Obligations de l’Administration ».
Les autorités du PAD, poursuivant leur argumentaire, ont affirmé que l’Autorité de Régulation des Marchés publics a confirmé la « qualification juridique du PAD » à la demande du Directeur général du PAD « dans le cadre de la procédure de concession du terminal roulier, conformément à la lettre en date du 31 Octobre 2012 ».
Par la suite le Directeur General du PAD a mis en place par note n° 002048/PAD/DG du 14 juin 2013, un comité technique « en vue d’approfondir au préalable la portée et les limites des propositions du groupe NECOTRANS et négocier, le cas échéant, avec ses représentants qualifiés ». Il convient de rappeler que la concession que le PAD veut accorder à NECOTRANS porte sur une superficie de 91 000 m2 pour une durée de 25 années comme indiqué dans le projet de concession. Il faut aussi noter que les autorités du PAD n’ont pas privilégié la voie de l’appel d’offres pour ce marché. Sur la base d’un projet de contrat de concession, proposé par le PAD, dont l’objet et le contenu dépassent très largement une concession domaniale, plusieurs réunions de négociation se sont tenues à Dakar et en France entre le 10 Juillet et le 27septembre 2013.
Réagissant à la démarche de l’autorité du PAD, le SEMPOS a soulevé un certain nombre d’incohérences pouvant faire douter du respect des règles de passation des marchés dans la méthode de négociation de la concession et le choix de NECOTRANS. Il dénonce le risque de spoliation du patrimoine foncier du port de Dakar que pourrait engendrer cette concession. Pour le Syndicat des Entreprises de Manutention des Ports Sénégal (SEMPOS), l’argument essentiel qui semble avoir emporté le choix de NECOTRANS pour les autorités du PAD reste la capacité de ce dernier à mobiliser des financements nécessaires aux transformations infrastructurelles indispensables au PAD. Il s’avère que la proposition de NECOTRANS , relativement aux conditions de financement s’appuie essentiellement sur la possibilité du concessionnaire d’utiliser comme garantie auprès d’institutions financières Internationales, l’actif immobilier qui lui sera concédé et la part de trafic qui en découlerait.
En résume, toujours pour le SEMPOS, la redevance domaniale pourrait apporter au port 376 012 000 FCFA et la redevance variable sur le tonnage de trafic 390 000 000 FCFA ; ce qui ferait au total 766 012 000 FCFA. Ces retombées financières projetées seraient, selon le SEMPOS, en deçà des versements effectués auprès du PAD par les sociétés qui traitent des opérations pondéreuses pour les années 2011 et 2012 ; estimés respectivement à 2 700 000 000FCFA et 3 021 000 000 FCFA alors que ces dernières ne sont pas titulaires de concession ni de monopole. En appliquant la vérité des prix de la manutention qui est de 7 500 FCFA la tonne selon le SEMPOS, la Société NECOTRANS aura gagné 22 500 000 000 FCFA. Il faut rappeler que le tonnage de trafic prévu en concession est de 3 000 tonnes par an. Pour un investissement de 48 641 000 000 prévus sur 2 ans, la Société aura presque amorti ses investissements en 24 mois (45 000 000 000 FCFA).
Au regard de tous ces éléments, le Forum Civil trouve qu’il est légitime d’interroger les motivations profondes qui sont derrière cette décision. Il demeure évident qu’elle ne sert pas l’intérêt national. L’affirmer ne saurait signifier que le SEMPOS est exempt de tout reproche. la compétitivité du port est resté un défi permanent pour l’économie nationale. Au-delà de la contestation du choix de NECOTRANS, le SEMPOS est interpellé sur des propositions alternatives. Toutefois, le refus des autorités du PAD de passer par un appel à concurrence en s’appuyant sur la décision du Comité de Règlement des Différends de l’Autorité de Régulation des Marchés publics, pose un réel problème de transparence et d’équité que le Forum Civil condamne énergiquement. En effet l’objet social du port est un service public que la direction du port ne saurait feindre d’ignorer.
En refusant de passer un appel à concurrence le Port Autonome de Dakar fonde son argumentaire sur, premièrement, une décision du Comité de Règlement des Différends de l’Autorité de Régulation des Marchés publics auquel ’il fait allusion dans le « Rapport de présentation du projet de concession du Terminal Vraquier Multi produits du Port de Dakar » et sur la possibilité de faire une concession en se fondant sur les lois n°87-18 du 18 Août 1987 modifié par la loi n°92-63 du 22 Décembre 1992 autorisant la création de la société nationale du Port. Le PAD avait soutenu que l’exploitant sélectionné dans le cadre de la manifestion d’intérêts… exercera exclusivement des activités lucratives et marchandes et non des activités se service public. De ce fait selon toujours le PAD l’autorisation d’occupation du domaine public ne peut être assimilée ni à un marché public ni à une délégation de service public. Le Port en conclu que cette concession domanial ne peut être soumise au Code des marchés publics.
Le PAD semble ignorer que dans le cas de l’affaire NECOTRANS, la concession domaniale n’est pas le principale mais l’exploitation qu’en fait la dite société après avoir réalisé des investissements. Les 91 000 m2 ne serviront pour le concessionnaire qu’un espace pour pouvoir exercer une activité lucrative pour elle mais de service public pour le Port. Car il ne faut pas l’oublier l’objet social du Port est d’exploiter directement l’espace portuaire ou par le bais d’une personne privée. En tant que détenteur de la puissance publique pour la satisfaction de l’intérêt général, l’Etat du Sénégal a jugé nécessaire de transférer « à la Société national la propriété des biens et droits immobiliers de son patrimoine privé ainsi que la gestion physique, comptable et financier des biens et droits immobiliers de son domaine public lorsqu’il est nécessaire à la réalisation de son objet social » . Au regard des investissements prévus dans le projet de convention de concession, nous nous rendons compte effectivement que plus de 35 000 000 000 FCFA seront consacrés aux activités de manutention.
En matière de concession de service public, ils faut savoir que la loi de 1987 modifié en 1992 ne peut être appliquée. En effet en 2006, avec la transposition des deux directives de l’UEMOA sur les marchés publics et les délégations de service public, le Code des Obligations de l’Administration (COA) a été modifié surtout pour introduire des principes mais également pour faire cesser les multiples dérogations. Son article 25, il stipule : « les règles régissant la préparation, la passation, l’approbation, l’exécution et le contrôle des commandes visées à l’article 24 ci-dessus sont fixés par un décret portant code des marchés publics. Aucune réglementation ou procédure particulière à un acheteur public, à une catégorie d’acheteurs ou une catégorie de fournitures, services ou travaux ne peut déroger aux règles fixées par le code des marchés publics ou prises en application de ce code ".
Aussi, le Forum Civil appelle tout les acteurs au retour à l’orthodoxie dans les procédures de passation des marchés publics pour l’intérêt exclusif des citoyens.
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