Que s'est-il passé à Zaria, dans le nord du Nigeria, lors des affrontements qui ont opposé l'armée nigériane à un mouvement chiite il y a un mois ? Aucun bilan officiel n'existe pour l'instant. Mais les habitants dans la ville parlent de 300, 400, 600 morts, voire plus.
Le Mouvement islamique du Nigeria (IMN), qui a dénoncé un "pogrom", a déclaré jeudi 14 janvier que 730 de ses membres avaient disparu et avaient "soit été tués par l'armée, soit été arrêtés" et détenus au secret.
"Dimanche (13 décembre), j'ai compté jusqu'à 400 corps dans la morgue, puis j'ai arrêté de compter", a déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat un membre de l'équipe médicale de l'hôpital universitaire Ahmadu Bello de Zaria (ABUTH), où la plupart des victimes ont été conduites.
"Il y avait plus de 300 corps dans la rue près de la résidence de (Ibrahim) Zakzaky", le chef de l'IMN, a ajouté un journaliste local.
"Quand nous avons appelé le médecin chef de l'ABUTH samedi soir, il nous a dit que l'hôpital avait reçu 300 corps avant qu'il ne parte, et que le chiffre pouvait avoir encore augmenté depuis son départ", a-t-il précisé.
L'armée a ramassé tous les cadavres lundi 14 décembre, selon ces deux sources.
Au moins 300 tués selon HRW
Selon Human Rights Watch (HRW), "au moins 300" personnes ont été tuées à Zaria. Amnesty International parle de son côté de "centaines" de morts. Les deux organisations de défense des droits de l'Homme appellent à une enquête.
L'armée nigériane, fréquemment accusée d'enfreindre les droits de l'Homme, notamment dans le cadre de la lutte contre le groupe islamiste sunnite Boko Haram, a nié ces accusations qu'elle a considérées "sans fondements".
Mais pour la chercheuse d'Amnesty Lucy Freeman, ce n'est pas la première fois que les soldats "agissent au-dessus et en dehors de la loi".
"Il est choquant qu'un tel niveau de violation (des droits de l'Homme) puisse être commis par l'armée", estime pour sa part Mausi Segun, enquêtrice pour HRW.
Et "il n'y a apparemment aucune action qui soit menée par le gouvernement en réaction à cette situation, pour assurer aux Nigérians que (le président Muhammadu) Buhari est bien le dirigeant démocrate qu'il dit être", a-t-elle ajouté.
Les violences ont éclaté quand un barrage érigé par l'IMN pour une procession religieuse a bloqué un convoi du chef d'état-major des armées, le général Tukur Yusuf Buratai.
Deux versions s'opposent
L'armée a déclaré que des membres de l'IMN avaient tenté d'assassiner M. Buratai, une accusation formellement démentie par le groupe chiite nigérian.
La maison du chef de l'IMN, M.Zakzaky, située dans le quartier de Gyellesu, et la mosquée du groupe, la Husseiniyya, ont été détruites lors de ces affrontements, qui se sont poursuivis dans la nuit de samedi à dimanche.
Le second de M. Zakzaky, les trois fils du leader, le porte-parole et le chargé de sécurité de l'IMN ont été tués. M. Zakzaky, 62 ans, a lui-même été blessé par balles avant d'être arrêté. Il est détenu au secret depuis.
Selon un autre journaliste de Zaria, de jeunes voyous ont fait les poches des cadavres, à la recherche d'argent et de téléphones portables, sous les yeux des soldats.
Les habitants ont dit être restés enfermés chez eux pendant que les violences secouaient la ville.
"Les soldats tiraient, tandis que les chiites balançaient des pierres et des cocktails Molotov sur les soldats", a raconté un habitant du quartier de Gyellesu, qui "doute que beaucoup de chiites aient réussi à s'enfuir".
Crainte de radicalisation
Les soldats se sont retirés de la ville deux semaines après les affrontements, mais des forces de sécurité en civil semblent être toujours présentes à Zaria, et les gens hésitent toujours à parler des violences en public.
Ce n'est pas le premier accrochage entre l'armée nigériane et l'IMN, qui se bat pour la création d'un Etat islamique à l'iranienne.
Zakzaky, le chef charismatique du groupe, a déjà été incarcéré à plusieurs reprises.
Mais ces nouveaux affrontements, particulièrement violents, laissent craindre une radicalisation des membres de l'IMN, sur le modèle de Boko Haram, dont l'insurrection a débuté en 2009 suite à des clashs meurtriers avec l'armée et la mort en détention de leur chef Mohammed Yusuf. Depuis, les attaques de Boko Haram ont fait plus de 17 000 morts, majoritairement dans le nord-est.
Source : Malijet
-
Au Niger, des proches de Bazoum et des chefs rebelles inscrits dans un fichier sécuritaire
-
Crimes contre des journalistes: des cas toujours recensés au Mali et au Burkina Faso
-
RDC: 118 otages libérés dans l'est du pays, une première depuis 2021
-
Hausse des prix du cacao: les coopératives concurrencées par les industriels
-
Madagascar: face à la pénurie d'eau et d'électricité, les ONG peinent à soigner