Il a, ensuite, été conduit de force à son domicile, alors qu'il n'est pas assigné à résidence, puis empêché de force et avec usage de gaz lacrymogène de participer à une conférence de presse de son parti, là aussi, sans base légale d'aucune sorte. Comme l'observait le Manifeste Fonk Sa Réew de décembre 2022, le régime politique actuellement au pouvoir au Sénégal fait maintenant fi de toute apparence de respect des libertés des citoyens, en « s'affranchissant de façon outrancière des normes et des formes que lui impose l’état de droit ». Ces évènements ont été filmés en plein jour et le monde entier est témoin de cette grande honte pour le Sénégal.
Encore « sous tension » il y a deux mois, notre pays est désormais au bord du précipice. Les évènements du 16 février se sont déroulés dans un contexte chaotique où, face aux jeunes venus accompagner leur leader, des milices d'État auraient été mêlés aux forces de sécurité régulières. Le même jour, deux jeunes ont été gravement blessés à Bignona. Une semaine auparavant, le vendredi 10 février, à Mbacké, l'interdiction d'un meeting du PASTEF, pour des motifs assez légers, a dégénéré dans un affrontement de plusieurs heures entre les manifestants et les forces de sécurité. Cela a été accompagné, bien sûr, de nombreuses arrestations. Aujourd'hui, plus d’une centaine d’opposants et d’activistes de tous âges, dont une mère de famille, sont détenus alors qu’ils étaient deux ou trois dizaines (ce qui est déjà excessif) en décembre.
C'est à croire que nos autorités ont pris le parti délibéré d’emprisonner le plus de « trouble-fête » possible, à la faveur d'un climat pré-insurrectionnel fait d'interdictions, de confrontations et de violences politiques.
Dans notre analyse, ceci est instauré et entretenu par la radicalité de décisions administratives et judiciaires extrêmement contestables. La question est de savoir si cela est fait exprès ou pas. Ces actions ont, en tout cas, une caractéristique marquée. Elles ciblent, en effet, une frange précise de l’opposition dont les membres et dirigeants sont traités en ennemis et poussés à la défiance, puis à la révolte. « Isoler et encercler l’ennemi principal » : cette vieille tactique des guerres de guérillas des années 50 semble avoir fait école, pour s’installer au cœur de la pratique politique d’un État radicalisé dans la déviance des règles de base de l’Etat de droit.
Les journalistes et leurs outils de travail ne sont pas épargnés, avec des coupures de signaux répétitives, des destructions de supports informationnels et des emprisonnements de membres de leur corps, portant ainsi gravement atteinte à la liberté de presse et au droit à l'information des sénégalais garantis par l'article 8 de la constitution.
La peur panique d’un changement de régime à la faveur des élections de 2024 est évidente. Pourtant, rien dans une démocratie « sobre et vertueuse » ne devrait justifier une telle politique du pire. Par conséquent, ayant en bandoulière l’adage jadis cher à Cheikh Anta Diop, « wara wax, wax », le Mouvement Fonk sa Reew exige la libération sans délai de tous les détenus politiques et la cessation des persécutions et des arrestations arbitraires, afin d’apaiser le climat socio-politique.
Nous exigeons aussi la lumière sur les disparitions et morts suspectes, ainsi que des enquêtes sérieuses et approfondies pour identifier et punir les auteurs des crimes odieux commis depuis les événements de mars 2021, y compris sur 17 jeunes sénégalais. Le droit de manifester et de se réunir des partis politiques et les libertés citoyennes, qui sont aussi garantis par la Constitution en son article 8, doivent être impérativement respectés et protégés par l’Etat.
Il est essentiel que les institutions de la république jouent pleinement leur rôle dans le respect de leurs prérogatives propres et de l’indépendance que leur confère la Constitution. L’Etat de droit, dont le Sénégal se réclame, ne doit pas être un simple slogan, mais une réalité qui s'impose à l'État comme aux citoyens et qui se reflète dans les comportements de toutes les administrations et corps de l'État.
Les prochaines élections présidentielles de février 2024 polarisent l’attention de l’opinion nationale comme internationale. Elles devront être sincères, transparentes, inclusives et ouvertes, dans le respect du droit citoyen à briguer librement les suffrages des sénégalais.
Ceux-ci auront l'entière liberté de choisir la personne qu’ils jugent à même de représenter au mieux leurs intérêts et de diriger les réformes nécessaires au sommet de l’État. Les autorités en charge de l'élection ont la responsabilité d’en assurer la fiabilité et la crédibilité, depuis l'inscription dans le fichier électoral de tous les sénégalais en âge de voter, jusqu'au vote, la proclamation des résultats et le suivi post-électoral. Ce n’est que de cette manière que la paix sociale et la continuité du Sénégal, en tant que nation démocratique majeure, pourraient être assurées.
La responsabilité première en revient au président sortant, M. Macky Sall, qui, autant au plan juridique que moral, n’a pas le droit de briguer un troisième mandat. Le respect de la parole donnée – une valeur sénégalaise fondatrice – et l’article 27 al. 2 de la constitution, stipulant que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs », le lui interdisent. Il serait, toutefois naïf, au vu des discours révisionnistes des partisans du régime, d'attendre béatement de lui la grandeur d'âme et la hauteur de vue – à la Mandela – que nous sommes en droit d'espérer. C’est dans cet esprit que nous appelons tous les démocrates sénégalais à s'unir dans un front puissant de défense de l'État de droit, de l'équité judiciaire et des libertés citoyennes. Sans justice et respect de la constitution, de la dignité humaine et des lois régissant les rapports entre citoyens, il ne saurait y avoir de paix et de cohésion sociale stable et durable.
WARA WAX, WARA DEF, DEF !
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