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Un pays pris en otage par ses journalistes !



Un pays pris en otage par ses journalistes !


Leur rôle ce n’est pas d’informer les citoyens, mais de décider ce qu’ils
doivent savoir. Leur rôle ce n’est pas d’interpeller les hommes politiques
sur leur projet de société, mais de leur dire quels doivent être leurs
projets de société. Leur rôle ce n’est pas de relater des faits, mais
d’imposer leur manière de les voir. Leur rôle ce n’est pas de transmettre
des informations, mais de convaincre. Leur rôle ce n’est pas de chercher à
mieux savoir pour faire savoir, mais de faire croire ce qu’ils croient
savoir. Leur rôle ce n’est pas de tuer la rumeur, mais de l’amplifier. Leur
rôle ce n’est pas d’informer juste et vrai, mais de dire juste ce qui peut
se vendre facilement. Leur rôle ce n’est pas d’admettre qu’un taux de vente
très élevé n’est pas synonyme de blanc seing, mais de faire savoir à
l’homme politique que le fait de bénéficier de la confiance de la majorité
(être élu) ne signifie pas que le peuple est avec lui.

Vous avez compris, nous parlons des hommes de médias. Ici au Sénégal comme
ailleurs, c’est cette « nouvelle » réalité que nous vivons. Et, ils (les
hommes de médias) nous disent chaque matin ce que nous devons savoir, selon
leurs propres règles, et donc leurs propres intérêts. Et ils sont trop
intelligents pour savoir, à notre place, ce qui est bon à entendre au
réveil. Nous les suivons, nous les entendons, ils nous racontent ce qui les
intéresse dans la vie, mais jamais leur vie.

Pour se permettre de tout dire sur la vie des autres, notamment les secrets
les plus jalousement gardés, ils ont inventé un concept : la censure. Hô
quelle honte que de censurer une information ! Mais pour ne rien nous dire
sur eux-mêmes, donc pour taire leurs secrets, ils ont inventé un autre
concept : la confraternité. Hô quelle honte que de dévoiler les secrets de
son confrère ! Ah, ces hommes de médias, de fins manipulateurs !

Des concepts, pour ne pas dire des lois de cette nature, les hommes de
médias en usent et en abusent. Ainsi, ils ont décidé pour nous, qu’un train
qui arrive à l’heure, est sans intérêt, donc nous n’avons pas à en être
informés. Aussi, Ils ont décidé d’exclure de notre droit de savoir, celui
de savoir leur source. Pour « raison de presse » ? Certainement. Ah qu’ils
sont forts ces hommes de médias !

Ils sont parvenus à nous faire comprendre et croire, que notre droit de
savoir est plus fort que toute « raison d’Etat » qui voudrait faire taire
une information, mais, concernant leurs sources, ils ont décrété une
raison plus forte que notre droit à l’information. Ils ont ainsi inventé
cet autre concept : la protection de la source. « Nous nous protégeons et
protégeons nos sources contre l’information, mais vous autres, vous n’avez
droit à aucune protection, car le droit de savoir du peuple est plus fort
que tous vos droits, même s’il est vrai qu’il (le droit de savoir du
peuple) est en dessous des nôtres (droits de protection du journaliste et
de sa source » semblent-ils nous dire.

N’essayons surtout pas de les interpeller, car ils n’ont aucun compte à
nous rendre. Oui, ils sont dotés d’une intelligence supérieure, qui fait
que seuls leurs paires sont en mesure d’apprécier leur travail, de les
juger !

Alors, allons-nous continuer à accepter de subir cette triste réalité ?
Allons-nous continuer à accepter ces manipulations ? Allons-nous continuer
à accepter que des maîtres à pensée administrent notre manière de voir ?
Allons-nous un jour avoir le courage de regarder en face les
transformations de notre société ? Peut être aussi, nous allons continuer à
avoir la naïveté de croire que les journalistes sont nés neutres, objectifs
et indépendants, qu’ils ne sont capables que du bien jamais du pire, mais
également, qu’ils sont incapables d’être au service de leurs propres
intérêts ou de ceux de groupes occultes ? Peut être aussi, nous croyons que
le nouveau code de la presse va nous sauver, en feintant d’ignorer que les
soi-disantes démocraties avancées, qui nous inspirent, vivent une réalité
en matière de presse pire que la nôtre. Le pays qui a le meilleur code de
la presse, n’a-t-il pas une presse (entre les mains de puissances
économiques, financières et politiques) pire que celle du Sénégal ? Allez
savoir !

Pensez-vous sincèrement que face à cette situation on ne peut rien faire,
on est totalement désarmé ? Donc, réguler les médias serait un défi qui ne
soit pas à la portée de l’humanité ?

Sadikh DIOP



Administrateur de l’observatoire de l’information et des médias

Contribution

Lundi 29 Mars 2010 - 21:07


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