La Cour pénale internationale
Interrogé sur l’enquête que la Cour pénale internationale (CPI) vient d’ouvrir sur les violences post-électorales au lendemain du second tour de la présidentielle de décembre 2010, le chef du gouvernement a affirmé que son pays serait prêt à livrer à La Haye des militaires issus des rangs de l’ancienne rébellion des Forces nouvelles (FN), qui constitue aujourd’hui le gros des troupes de l’armée régulière, en cas de "crimes de sang".
"Il ne faut pas faire le travail des juges. Laissons-les faire. Si l'enquête révèle qu'un militaire a une responsabilité dans des crimes de sang, évidemment que nous serons d'accord pour que la CPI fasse son travail et qu'il soit extradé", assure-t-il. "De toute façon, le président de la République a été clair sur cette question. Et le gouvernement a la même position : il ne faut pas laisser survivre l'impunité."
Autorisée par le gouvernement ivoirien à ouvrir une enquête sur des crimes contre l'humanité et de guerre qui auraient été commis durant les quatre mois de crise, la CPI a prévenu qu'elle se pencherait sur les exactions perpétrées par les deux camps.
Les agissements de commandants de zone, piliers de l’ancienne rébellion des FN et alliés de l’actuel président, ont été maintes fois montrés du doigt par les ONG. Parmi les figures nordistes mises en cause figure Chérif Ousmane, qui fut chef des opérations au sein des forces pro-Ouattara durant la bataille d’Abidjan. Actuellement n°2 de la Garde présidentielle, il est un homme de confiance du chef de l’État.
"Tous les commandants de zone - nous avons eu l'occasion de le démontrer à plusieurs reprises - ont été rappelés à l'ordre, souligne Guillaume Soro. Ceux qui n'ont pas suivi les consignes ont été purement et simplement mis de côté."
Le cas Laurent Gbagbo
Pour l’heure, c’est le sort réservé à Laurent Gbagbo qui focalise l’attention. Fin septembre, le ministre ivoirien des Droits de l'homme, Gnénéma Coulibaly, estimait que le transfèrement de l’ancien président à La Haye "faciliterait le processus de réconciliation".
Pour Guillaume Soro, l’extradition à La Haye de l'ex-chef de l’État est en tout cas "inévitable". Actuellement en résidence surveillée à Korhogo, dans le nord du pays, l’ancien n°1 ivoirien est accusé par les nouvelles autorités d’être responsable de la crise post-électorale qui a coûté la vie à quelque 3 000 personnes. "Il avait la possibilité de sortir par la grande porte. En la refusant et en utilisant l’armée contre la population, il mérite évidemment d’aller devant la CPI".
Depuis l’arrestation du président déchu, le 11 avril, nombre de ses supporters n’ont de cesse de réclamer, au nom de la réconciliation nationale, sa libération. En vain. "Je demande aux partisans du FPI [Front populaire ivoirien, ex-parti présidentiel] d’être sérieux. On ne peut pas demander la libération de M. Gbagbo quand on sait qu’il est responsable de 3 000 morts. Nous voulons la réconciliation, mais il faut que la justice fasse son travail." Et Guillaume Soro d’ajouter : "Si c’était nous qui étions à la place de M. Gbagbo, on ne serait même pas en vie pour réclamer justice. On nous aurait liquidés."
La Commission dialogue, vérité et réconciliation
Le chef du gouvernement l’assure : "l’exercice cathartique" que constitue la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDRV) s’appliquera à "tous les Ivoiriens, sans exclusion."
À l’en croire, les violences qui ont suivi le refus de Laurent Gbagbo de céder les rênes du pouvoir ne sont pas qu’"une crise militaire". "Elle est d’abord politique. C’est à la télévision et sur les radios qu’on a incité les uns et les autres, par un discours de haine, à en venir à cette situation. Il faut éviter de cibler un certain nombre de personnes."
Reste que Guillaume Soro souhaiterait que la CDRV soit moins "une instance judiciaire ou un tribunal" qu’une plateforme "d’accueil et de repentance pour tous ceux qui le désirent".
Les élections législatives
Officiellement fixées au 11 décembre, les élections législatives pourraient se tenir sans le parti de Laurent Gbagbo, qui brandit la menace d’un boycott. "Notre souhait est que le FPI aille aux législatives, précise le Premier ministre. Tout comme nous avons souhaité qu’il ait des représentants au sein du gouvernement, mais ils [les responsables du parti] ont refusé. J’espère qu’ils ne feront pas la même erreur et qu’ils iront aux législatives."
L’autre interrogation qui plane sur le scrutin concerne la candidature de Guillaume Soro. S’il n’est pas encore "officiellement candidat", le Premier ministre n’exclut aucune option. "Je pense que cela peut être une expérience intéressante, mais n’anticipons pas, attendons la clôture des candidatures le 14 octobre."
L’actuel chef du gouvernement doit en tous les cas penser à son avenir politique. Selon un accord passé entre Alassane Ouattara et son nouvel allié politique Henri Konan Bédié, la tête du gouvernement devra revenir à un membre du parti dirigé par ce dernier.
Débarqué de la primature, Guillaume Soro pourrait, selon certains observateurs, briguer la présidence de l’Assemblée nationale. Le principal intéressé botte en touche. "A chaque jour suffit sa peine. Aujourd’hui, je suis Premier ministre, ministre de la Défense, il me revient de gouverner et de travailler sur la question de la sécurité dans mon pays. Je m’y consacre entièrement."
Les 100 jours d’Alassane Ouattara
Après 100 jours de présidence d’Alassane Ouattara, quel bilan le Premier ministre dresse-t-il de son action ? "En trois mois, les Ivoiriens ont senti la présence d’un gouvernement, se targue-t-il. Economiquement, on avait tablé sur une décroissance de 7,5 %. Or, aujourd’hui, elle est de 5 %. Tous les analystes sont optimistes pour dire qu’en 2012 le taux de croissance sera de 8 %. Ce gouvernement est au travail, c’est la première chose que nous avons inculquée aux Ivoiriens."
Source: France24