On a beaucoup parlé depuis hier de tempêtes de sable, d’orages. Comment se traduisent ces phénomènes ?
Jérôme Lecou : Nous sommes dans la période des pluies au niveau du Sahel avec des cellules orageuses conséquentes, qui se déplacent entre le Cameroun et jusqu’au Sénégal et vers la Sierra Leone. Donc, on a toute une zone qu’on appelle la zone de convergence intertropicale, avec des formations orageuses classiques à cette époque qui résultent en fait d’un conflit très puissant de masses d’air à cette saison, entre de l’air chaud et sec qui provient du Sahara, poussé par des vents de nord-est et puis de l’air beaucoup plus frais et humide qui arrive par le golfe de Guinée. Et les deux zones rentrent en conflit au niveau de l’Afrique de l’Ouest, générant des cellules orageuses de grandes dimensions. On est vraiment sur des cellules extrêmement puissantes.
Ca s’étend sur combien de kilomètres ?
La ligne, elle, va s’étendre sur des milliers de kilomètres. Les cellules orageuses, elles, peuvent atteindre 10 à 100 kilomètres, mais sans que ce soit forcément en continu. C’est plutôt plusieurs cellules orageuses.
Donc, on n’est pas dans des phénomènes extrêmement localisés ?
Non, on est sur des phénomènes qui sont généralisés. Au moment d’ailleurs de l’accident, il y avait tout un ensemble de cellules orageuses qui s’étendaient effectivement vers le Burkina Faso, à frontière malienne, en allant vers le Sénégal.
Est-ce qu’un avion peut facilement éviter ces zones en volant en dessous ou au-dessus ?
Quand on est à ce niveau de la planète, on a des cellules orageuses qui vont monter très haut, puisqu’à cette latitude, la tropopause qui va figurer un peu la limite supérieure du nuage, elle, se situe souvent vers 15 kilomètres. Cela veut dire que les nuages peuvent monter en altitude jusqu’à 15 kilomètres, en sachant que la base du nuage va plutôt être vers 1 000 mètres. Ce qui signifie que vous avez potentiellement 10 à 15 kilomètres de nuages. C’est vraiment une tour que vous avez devant vous. Dans ce cas-là, on va plutôt contourner la zone orageuse afin de l’éviter.
Ce sont de gros nuages chargés de pluie avec des vents forts également ?
Oui, ce sont typiquement les nuages convectifs qu’on rencontre également à nos latitudes, des cumulo-nimbus. A l’intérieur de ces nuages, vous avez des mouvements ascendants et descendants extrêmement violents, qui vont dépasser les 100 km/h en rafale. Donc, c’est évident qu’un avion évite bien entendu ce genre de phénomène à tout prix.
Ces tempêtes, sont-elles prévisibles très longtemps à l’avance ou est-ce qu’elles peuvent aussi survenir brusquement ?
Disons que vous avez cette zone de convergence intertropicale qui, elle, stationne en permanence à cette époque-là de l’année au niveau de ces pays. C’est une zone qui est clairement identifiée, là-dessus il n’y a pas de souci. Ensuite, au niveau de cette zone de convergence, il va y avoir des cellules individuelles qui vont être identifiées plus tardivement au moment de leur formation dans la journée. Et ces cellules sont identifiées avec les paramètres notamment à bord que vous avez dans les avions, donc les images radars et les images satellites.
Donc, les avions ont les moyens d’éviter ces zones...
En tout cas, les avions qui sont équipés des instruments à bord ont les moyens d’identifier ces zones et éventuellement de prendre les bonnes dispositions pour les éviter.
Pour ce vol Air Algérie, on reste sur l’hypothèse de mauvaises conditions météo. Est-ce qu’il y a eu des précédents d’accidents dans cette zone du Sahel, liés à ces conditions météo ?
Je n’ai pas ce genre d’informations. Je ne peux pas vous répondre.
Outre ces tempêtes, quels sont les autres phénomènes météo qui menacent également l’aviation ?
Ces nuages sont également générateurs de fortes rafales sous le nuage. On peut avoir des phénomènes qu’on appelle des downburst [rafale descendante] qui vont concerner cette fois-ci plutôt les décollages ou les atterrissages. Donc là, ce n’est pas du tout ce cas de figure. Ces nuages d’orages potentiellement peuvent déstabiliser un avion en approche sur un aéroport avec des fronts de rafale très puissants qui peuvent, et ça s’est déjà vu, crasher un avion. Mais encore une fois, on n’est pas du tout dans ce cas de figure, puisque là l’avion était à une altitude très élevée.
Avez-vous eu accès aux images de la zone où volait l’appareil avant-hier ?
Non. Nous, on a accès à des images satellites qui donnent un peu un détail des zones nuageuses qui étaient présentes au moment où le vol a cessé d’émettre. Au moment du crash, on visualise bien effectivement des zones orageuses virulentes, notamment au nord du Burkina Faso et à la frontière malienne.
source : Rfi.fr
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