Certains voient dans ce scrutin le signe de la décomposition progressive, et dangereuse, du pays.
Le résultat du référendum des Sidamas fait peu de doute : il est plus que probable que ce peuple d’environ trois millions de personnes se prononcera en faveur de la création d’un nouvel État qui leur appartiendrait. Et qui devrait venir en théorie venir s'adjoindre aux neuf autres qui composent cet ensemble multinational qu'est l'Éthiopie.
Pour mieux comprendre la situation, il est d’ailleurs important de rappeler ce qu'est l'Éthiopie moderne. Ce n'est pas une nation homogène, avec un peuple, une langue, une religion et une histoire commune. C'est une mosaïque de 80 nations, avec des petits peuples peu nombreux, de grandes nations puissantes, des chrétiens orthodoxes et des musulmans sunnites, et une histoire longue faite de rivalités anciennes. Forcément, donc, cohabitent dans un fragile équilibre des forces antagonistes. Des forces qui, depuis l'accession d'Abiy Ahmed au pouvoir il y a un an et demi, poussent cette grande puissance africaine au bord du précipice.
L’un des peuples les plus nombreux
Pour autant, les Sidamas ne demandent pas l'indépendance. Ils veulent obtenir un nouvel État, c'est-à-dire être reconnus comme nation, avec leur gouvernement, leur parlement, leurs forces de sécurité, leurs lois particulières, à égalité avec les autres grands peuples d'Éthiopie. Voilà donc l'enjeu du référendum, comme l’explique Kjetil Tronvoll, professeur à l'université Björkness d'Oslo.
« Les Sidamas ont une longue histoire de royaume indépendant, avant qu'ils ne soient intégrés dans l'expansionnisme éthiopien à la fin du XVIIIe siècle. D'une certaine manière, ils veulent renouer avec leur indépendance perdue, leur volonté d'être reconnus comme une entité historique, raconte cet universitaire spécialiste de la Corne de l’Afrique qui se trouve actuellement dans la région. Mais aussi ils veulent faire valoir une raison plus pragmatique : ils sont l'un des peuples les plus nombreux d'Éthiopie et il existe des groupes moins importants qui ont leur propre État. Alors pourquoi eux et pas nous ? Voilà ce qu'on entend sur place. C'est aussi évidemment une façon pour les Sidamas d'avoir un accès direct aux ressources financières, mais aussi d'avoir un poids plus important au niveau fédéral. »
Seulement, premièrement, le résultat de ce scrutin appelle une réforme constitutionnelle, laquelle dans le contexte actuel de tensions intercommunautaires et de crise institutionnelle à Addis-Abeba, sera longue et difficile à obtenir. Deuxièmement, la question des droits des minorités se pose, notamment dans la capitale Hawassa, où les non-Sidamas sont plus nombreux que les Sidamas.
« Leur marginalisation enverrait un signal très dangereux dans l'ensemble du pays », explique le chercheur indépendant René Lefort. Surtout depuis l'accession au pouvoir d'Abiy Ahmed, et la relative ouverture politique qu'il a initiée, qui a ouvert une grave crise d’identité d’une fédération qui tenait naguère par la mainmise des Tigréens sur l’appareil politique et sécuritaire fédéral. Une crise qui inquiète René Lefort, l'un des meilleurs spécialistes actuels de l'Éthiopie.
Pour lui, « c’est la boîte de Pandore, parce qu’il y a déjà une douzaine de nations ou de nationalités qui ont demandé à faire la même chose que les Sidamas. Donc, ça pose un problème de fragmentation possible de l’Éthiopie. Et puis, dans la situation actuelle, il existe déjà des conflits frontaliers interrégionaux. Les frontières sont toujours très floues et des populations mélangées. Difficile de savoir dans ces conditions si elles appartiennent à une région ou une autre. Et plus on multiplie les régions, plus on multiplie les risques de conflits frontaliers. »
Trois millions de déplacés
Le risque est donc bien réel que ce référendum marque le début d'un processus conflictuel que rien ne pourra arrêter. À six mois d’élections générales dont la tenue n’est plus certaine étant donné la désorganisation de l’État, il vient souffler un peu plus sur des braises déjà bien rouges.
« Le risque de violence, cela fait longtemps qu’il est consommé, ajoute René Lefort. L’année dernière, on a compté plus de trois millions de déplacés internes à cause des conflits intercommunautaires. Des régions entières se trouvent sous commandement militaire. La violence est déjà là. Mais ce référendum des Sidamas, qui va être inévitablement suivi par des demandes identiques d’autres communautés, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, ajoute encore au risque de violence. »
L’incertitude est donc totale, non pas sur le résultat du scrutin, mais sur les conséquences de ce geste politique, obtenu de manière parfaitement légale, mais dans un climat très confus et potentiellement explosif.
« J'ai discuté avec beaucoup de collègues éthiopiens, qui ont des profils très différents, conclut Kjetil Tronvoll. Et nous sommes tous d'accord pour dire que tous les scénarios sont plausibles. Une transition en douceur vers une démocratie plus ouverte ou un possible affrontement avec l'autorité centrale et un effondrement de l'État, ou une désintégration de l'État. Ce qui est certain, c'est que nous sommes dans une période très fragile. Il y a beaucoup d'incertitudes, beaucoup de facteurs inconnus aujourd'hui, qui pourraient avoir un impact certain sur le processus électoral. Et de plus, les élections devraient avoir lieu en mai 2020, dans six mois seulement. Et il est difficile de dire s'il sera possible d'organiser des élections fédérales dans un laps de temps si court. »
Pour l’heure, la campagne électorale s’est déroulée dans le calme, après les violences qui ont éclaté l’été dernier entre forces de sécurité et militants nationalistes. Ce mercredi dans leur bureau de vote, les électeurs enregistrés ont deux choix sur leur bulletin : pour, symbolisé sur le bulletin par un vase traditionnel, et contre, par le dessin d'une hutte ronde.
Le résultat du référendum des Sidamas fait peu de doute : il est plus que probable que ce peuple d’environ trois millions de personnes se prononcera en faveur de la création d’un nouvel État qui leur appartiendrait. Et qui devrait venir en théorie venir s'adjoindre aux neuf autres qui composent cet ensemble multinational qu'est l'Éthiopie.
Pour mieux comprendre la situation, il est d’ailleurs important de rappeler ce qu'est l'Éthiopie moderne. Ce n'est pas une nation homogène, avec un peuple, une langue, une religion et une histoire commune. C'est une mosaïque de 80 nations, avec des petits peuples peu nombreux, de grandes nations puissantes, des chrétiens orthodoxes et des musulmans sunnites, et une histoire longue faite de rivalités anciennes. Forcément, donc, cohabitent dans un fragile équilibre des forces antagonistes. Des forces qui, depuis l'accession d'Abiy Ahmed au pouvoir il y a un an et demi, poussent cette grande puissance africaine au bord du précipice.
L’un des peuples les plus nombreux
Pour autant, les Sidamas ne demandent pas l'indépendance. Ils veulent obtenir un nouvel État, c'est-à-dire être reconnus comme nation, avec leur gouvernement, leur parlement, leurs forces de sécurité, leurs lois particulières, à égalité avec les autres grands peuples d'Éthiopie. Voilà donc l'enjeu du référendum, comme l’explique Kjetil Tronvoll, professeur à l'université Björkness d'Oslo.
« Les Sidamas ont une longue histoire de royaume indépendant, avant qu'ils ne soient intégrés dans l'expansionnisme éthiopien à la fin du XVIIIe siècle. D'une certaine manière, ils veulent renouer avec leur indépendance perdue, leur volonté d'être reconnus comme une entité historique, raconte cet universitaire spécialiste de la Corne de l’Afrique qui se trouve actuellement dans la région. Mais aussi ils veulent faire valoir une raison plus pragmatique : ils sont l'un des peuples les plus nombreux d'Éthiopie et il existe des groupes moins importants qui ont leur propre État. Alors pourquoi eux et pas nous ? Voilà ce qu'on entend sur place. C'est aussi évidemment une façon pour les Sidamas d'avoir un accès direct aux ressources financières, mais aussi d'avoir un poids plus important au niveau fédéral. »
Seulement, premièrement, le résultat de ce scrutin appelle une réforme constitutionnelle, laquelle dans le contexte actuel de tensions intercommunautaires et de crise institutionnelle à Addis-Abeba, sera longue et difficile à obtenir. Deuxièmement, la question des droits des minorités se pose, notamment dans la capitale Hawassa, où les non-Sidamas sont plus nombreux que les Sidamas.
« Leur marginalisation enverrait un signal très dangereux dans l'ensemble du pays », explique le chercheur indépendant René Lefort. Surtout depuis l'accession au pouvoir d'Abiy Ahmed, et la relative ouverture politique qu'il a initiée, qui a ouvert une grave crise d’identité d’une fédération qui tenait naguère par la mainmise des Tigréens sur l’appareil politique et sécuritaire fédéral. Une crise qui inquiète René Lefort, l'un des meilleurs spécialistes actuels de l'Éthiopie.
Pour lui, « c’est la boîte de Pandore, parce qu’il y a déjà une douzaine de nations ou de nationalités qui ont demandé à faire la même chose que les Sidamas. Donc, ça pose un problème de fragmentation possible de l’Éthiopie. Et puis, dans la situation actuelle, il existe déjà des conflits frontaliers interrégionaux. Les frontières sont toujours très floues et des populations mélangées. Difficile de savoir dans ces conditions si elles appartiennent à une région ou une autre. Et plus on multiplie les régions, plus on multiplie les risques de conflits frontaliers. »
Trois millions de déplacés
Le risque est donc bien réel que ce référendum marque le début d'un processus conflictuel que rien ne pourra arrêter. À six mois d’élections générales dont la tenue n’est plus certaine étant donné la désorganisation de l’État, il vient souffler un peu plus sur des braises déjà bien rouges.
« Le risque de violence, cela fait longtemps qu’il est consommé, ajoute René Lefort. L’année dernière, on a compté plus de trois millions de déplacés internes à cause des conflits intercommunautaires. Des régions entières se trouvent sous commandement militaire. La violence est déjà là. Mais ce référendum des Sidamas, qui va être inévitablement suivi par des demandes identiques d’autres communautés, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, ajoute encore au risque de violence. »
L’incertitude est donc totale, non pas sur le résultat du scrutin, mais sur les conséquences de ce geste politique, obtenu de manière parfaitement légale, mais dans un climat très confus et potentiellement explosif.
« J'ai discuté avec beaucoup de collègues éthiopiens, qui ont des profils très différents, conclut Kjetil Tronvoll. Et nous sommes tous d'accord pour dire que tous les scénarios sont plausibles. Une transition en douceur vers une démocratie plus ouverte ou un possible affrontement avec l'autorité centrale et un effondrement de l'État, ou une désintégration de l'État. Ce qui est certain, c'est que nous sommes dans une période très fragile. Il y a beaucoup d'incertitudes, beaucoup de facteurs inconnus aujourd'hui, qui pourraient avoir un impact certain sur le processus électoral. Et de plus, les élections devraient avoir lieu en mai 2020, dans six mois seulement. Et il est difficile de dire s'il sera possible d'organiser des élections fédérales dans un laps de temps si court. »
Pour l’heure, la campagne électorale s’est déroulée dans le calme, après les violences qui ont éclaté l’été dernier entre forces de sécurité et militants nationalistes. Ce mercredi dans leur bureau de vote, les électeurs enregistrés ont deux choix sur leur bulletin : pour, symbolisé sur le bulletin par un vase traditionnel, et contre, par le dessin d'une hutte ronde.
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