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La condamnation de Charles Taylor : Un signal fort dans la lutte contre l’impunité en Afrique

Dans le souci de soustraire à l’impunité les personnes accusées de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, la communauté internationale a mis en place un système de juridictions internationales, complémentaires des tribunaux nationaux. Ce système est double : d’une part, il repose sur la création de tribunaux ad hoc et autres tribunaux internationaux mis en place après un conflit ; d’autre part, il s’appuie sur la Cour pénale internationale.



La condamnation de Charles Taylor : Un signal fort dans la lutte contre l’impunité en Afrique
En Afrique, cette justice pénale internationale s’est manifestée  notamment par la création du tribunal  Spécial pour la Sierra Leone (TSSL)  qui vient de condamner, le jeudi 26 avril 2012 l’ancien président du Liberia, Charles Taylor, 64 ans. Il a été reconnu coupable  de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis en Sierra Leone entre 1996 et 2002. Après cinq ans de procès devant la Cour spéciale pour la Sierra Leone, il devient ainsi le premier ancien chef d’Etat condamné par la justice internationale. La peine infligée à Charles Taylor, coupable notamment de meurtres, de viols et de traitements inhumains, sera prononcée le 30 mai, une fois que les juges auront entendu les arguments du procureur et de la défense sur d’éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Il purgera sa peine dans une prison britannique.

I-Contexte de la création du TSSL

La  Sierra Leone  avait été totalement ébranlée par une guerre civile de dix ans (1991-2001) ayant opposé les forces de défense civile (FDC) , fidèles au président Ahmed Tejjan Kabbah et les rebelles du RUF dirigés par Foday Sankoh. Ce conflit, qui a fait plus de 25 000 morts ainsi que des centaines de milliers de réfugies et personnes déplacées, n’avait pu prendre fin que grâce à l’intervention de la CEDEAO et de l’ONU.

Le 14 août 2000, le Conseil de sécurité des Nations unies vota la résolution 1315qui donnait  mandat au Secrétaire général de l'ONU de créer un tribunal de juridiction mixte, le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL). L'accord fut signé en janvier 2002 entre les Nations unies et le gouvernement sierra-léonais et ratifié par le Parlement de la Sierra Leone en mars de la même année. Le tribunal est officiellement créé en juillet 2002. Les juges prêtent serment le 2 décembre et les premiers actes d’accusation sont confirmés en mars 2003. L’objet de ce tribunal était de juger les « principaux responsables de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et de certains crimes prévus par le droit sierra léonais commis depuis le 30 novembre 1996 », date des accords d’Abidjan.(1) Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone n’avait pas compétence pour examiner le rôle de Charles Taylor dans les crimes perpétrés lors de la guerre civile au Libéria qui a duré quatorze ans. En dehors de Charles Taylor, le TSSL a inculpé treize personnes dont Foday Sankoh, mort le 30 juillet 2003, Sam Bockarie, déclaré mort le 6 mai 2003, Johnny Paul Koroma , Moinina Fofana , Samuel Hinga Norman, mort en prison le 22 février 2007, Alieu Kondewa , Augustine Gbao, Morris Kallon , Issa Sesay , Alex Brima, Brima Kamara  et  Santigie Borbor Kanu .

II-La portée  de cette décision

Le jugement de l’ex-président du Liberia Charles Taylor est une décision historique. Historique, parce que c’est la première fois qu’un ancien chef d’Etat est condamné pour des crimes de droits humains par un tribunal international et  aussi parce que Charles Taylor n’a pas été condamné pour des crimes commis chez lui mais pour des crimes commis par des rebelles qu’il a appuyés .C’est un signal fort adressé aux dirigeants qui doivent savoir que leur immunité liée à leur fonction présidentielle ne saurait être un obstacle à leur éventuelle poursuite .  Les chefs d’Etat ne peuvent se cacher derrière leur immunité. Les juges ont créé un précédent, une dynamique et   un message fort à tous ceux qui se rendent coupables d’atrocités  .C’est donc un message fort contre l’impunité.

Cette décision constitue également une reconnaissance pour la mémoire des victimes. Au moins, justice leur est rendue. Dans les situations post conflit, l’idéal de réconciliation nationale ne doit pas faire obstacle à la Justice. Il ne faudrait pas qu’au nom de la réconciliation nationale, les personnes coupables de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité restent impunies. La paix et la Justice ne sont pas antinomiques. La justice permet la réconciliation et  la meilleure façon de consolider la paix est de lutter contre l’impunité.

Dr Kemoko DIAKITE.


Jeudi 3 Mai 2012 - 13:22


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1.Posté par Saïdou Baldé le 05/05/2012 22:38
très belle analyse Docteur, je suis tout à fait d'accord avec vous, la paix par le droit oui, mais pas au prix de l'impunité. D'ailleurs, c'est pourquoi je voie toujours d'un mauvais œil, les États qui privilégient la justice transitionnelle au détriment de la justice pénale internationale. Dans la mesure ou celle-ci est très souvent mise en écart dans les mécanismes de justice transitionnelle. Alors que de mon avis tout criminel doit répondre de son acte après le conflit. La réconciliation est possible même en présence d'un aspect pénal.

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