Rarement un assassinat de journaliste aura eu autant de retentissement que celui de l’éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi, collaborateur du Washington Post, tué le 2 octobre au consulat d’Arabie saoudite, à Istanbul. Même si le commanditaire présumé, le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman (« MBS »), n’a rien à craindre de la justice de son pays, et que les dégâts diplomatiques semblent jusqu’à présent limités, notamment grâce au soutien du président américain Donald Trump, l’affaire a marqué les opinions publiques à travers le monde et « MBS », qui s’efforçait de projeter une image de modernité, aura du mal à retrouver sa crédibilité sur ce plan.
L’assassinat de Khashoggi illustre un phénomène que dénonce le Bilan 2018 de Reporters sans frontières (RSF), publié mardi 18 décembre. Sur les 80 journalistes tués depuis le début de l’année, 49 ont été « assassinés et sciemment visés », alors que 31 ont été « tués dans l’exercice de leurs fonctions », c’est-à-dire au hasard d’un combat ou d’un bombardement.
A part Khashoggi, les cas les plus médiatisés furent ceux des journalistes palestiniens Yaser Murtaja et Ahmed Abu Hussein, délibérément pris pour cibles par l’armée israélienne à la lisière de la bande de Gaza, et celui du journaliste d’investigation slovaque Jan Kuciak, dont l’assassinat aurait été commandité, selon les enquêteurs, par une proche d’un homme d’affaires lié à des mafias. C’est la deuxième année consécutive que l’Europe, continent le plus sûr pour les journalistes, est le théâtre de l’assassinat d’un journaliste-enquêteur, après celui de Daphne Caruana Galizia à Malte, en 2017.
La moitié ont été tués dans des pays en paix
« La haine contre les journalistes proférée, voire revendiquée, par des dirigeants politiques, religieux ou des “businessmen” sans scrupule a des conséquences dramatiques sur le terrain et se traduit par une hausse inquiétante des violations à l’égard des journalistes », note RSF. Non seulement le nombre d’assassinats dépasse celui des victimes de « dommages collatéraux », pour reprendre une affreuse expression utilisée par les militaires, mais la moitié des journalistes tués en 2018 l’ont été dans des pays « en paix », tels l’Inde, le Mexique – certes en situation de paix très relative – ou les Etats-Unis.
Dans le cas américain, même s’il est impossible d’établir un lien direct de cause à effet, c’est pendant le mandat d’un président qui présente les journalistes comme des « ennemis du peuple », reprenant une expression de Staline, qu’a eu lieu la pire tuerie de journalistes dans son histoire (cinq morts après l’attaque de la rédaction du Capital Gazette, à Annapolis, en juin).
En France, la situation est évidemment sans comparaison. Mais les responsables de La France insoumise, du Rassemblement national ou certains « gilets jaunes », qui ont agressé verbalement et parfois physiquement des journalistes, seraient bien inspirés de lire le rapport de RSF. Comme le souligne le document, « ces sentiments haineux » à l’égard des médias « légitiment ces violences et affaiblissent, un peu plus chaque jour, le journalisme et la démocratie ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : si les journalistes ne sont pas – loin de là – exempts de défauts et doivent pouvoir être critiqués, lorsque la haine du journaliste l’emporte, c’est un pilier essentiel du débat démocratique qui vacille.
Le Monde
L’assassinat de Khashoggi illustre un phénomène que dénonce le Bilan 2018 de Reporters sans frontières (RSF), publié mardi 18 décembre. Sur les 80 journalistes tués depuis le début de l’année, 49 ont été « assassinés et sciemment visés », alors que 31 ont été « tués dans l’exercice de leurs fonctions », c’est-à-dire au hasard d’un combat ou d’un bombardement.
A part Khashoggi, les cas les plus médiatisés furent ceux des journalistes palestiniens Yaser Murtaja et Ahmed Abu Hussein, délibérément pris pour cibles par l’armée israélienne à la lisière de la bande de Gaza, et celui du journaliste d’investigation slovaque Jan Kuciak, dont l’assassinat aurait été commandité, selon les enquêteurs, par une proche d’un homme d’affaires lié à des mafias. C’est la deuxième année consécutive que l’Europe, continent le plus sûr pour les journalistes, est le théâtre de l’assassinat d’un journaliste-enquêteur, après celui de Daphne Caruana Galizia à Malte, en 2017.
La moitié ont été tués dans des pays en paix
« La haine contre les journalistes proférée, voire revendiquée, par des dirigeants politiques, religieux ou des “businessmen” sans scrupule a des conséquences dramatiques sur le terrain et se traduit par une hausse inquiétante des violations à l’égard des journalistes », note RSF. Non seulement le nombre d’assassinats dépasse celui des victimes de « dommages collatéraux », pour reprendre une affreuse expression utilisée par les militaires, mais la moitié des journalistes tués en 2018 l’ont été dans des pays « en paix », tels l’Inde, le Mexique – certes en situation de paix très relative – ou les Etats-Unis.
Dans le cas américain, même s’il est impossible d’établir un lien direct de cause à effet, c’est pendant le mandat d’un président qui présente les journalistes comme des « ennemis du peuple », reprenant une expression de Staline, qu’a eu lieu la pire tuerie de journalistes dans son histoire (cinq morts après l’attaque de la rédaction du Capital Gazette, à Annapolis, en juin).
En France, la situation est évidemment sans comparaison. Mais les responsables de La France insoumise, du Rassemblement national ou certains « gilets jaunes », qui ont agressé verbalement et parfois physiquement des journalistes, seraient bien inspirés de lire le rapport de RSF. Comme le souligne le document, « ces sentiments haineux » à l’égard des médias « légitiment ces violences et affaiblissent, un peu plus chaque jour, le journalisme et la démocratie ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : si les journalistes ne sont pas – loin de là – exempts de défauts et doivent pouvoir être critiqués, lorsque la haine du journaliste l’emporte, c’est un pilier essentiel du débat démocratique qui vacille.
Le Monde
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