Le journalisme en péril au Sahel. Reporters sans frontières (RSF) publie un rapport, lundi 3 avril, sur les conditions d’exercice de plus en plus difficiles du métier de journaliste dans cette région d’Afrique avec des "menaces croissantes" sur la liberté d’informer.
Malgré "l’heureuse libération" d’Olivier Dubois après 711 jours de captivité au Mali, le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong, rappelle en préambule que "pas moins de cinq journalistes ont été assassinés et six autres portés disparus" au Sahel sur la période 2013-2023.
Le rapport, intitulé "Dans la peau d’un journaliste au Sahel", énumère les différents freins qui entravent aujourd’hui le travail des journalistes dans la région, qui en train de devenir "une zone de non-information", selon RSF.
"L’intensification des attaques" des groupes armés occupe une place de choix à ce titre. Entre 2017 et 2022, plus de 1 000 attaques terroristes ont été recensées au Mali, au Burkina Faso et au Niger, selon Sécurité Liptako-Gourma, une structure de veille et d’expertise sécuritaire.
Une partie du Mali est ainsi devenue "un no man’s land pour les reporters", selon RSF. L’ONG énumère les atteintes directes à l’intégrité physique de journalistes dans le pays sur ces dix dernières années : l’assassinat des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon (RFI) à Kidal, en 2013 ; l’enlèvement du journaliste radio Hamadoun Niabouly (La Voix de Douentza) dans la région de Mopti, au centre du pays, en 2020 ; l’enlèvement d’Olivier Dubois (correspondant de Libération, du Point et de Jeune Afrique) dans la région de Gao, le 8 avril 2021 ; et l’enlèvement, dix jours plus tard, du journaliste radio Moussa M’Bana Dicko (La Voix de Haïré) à Boni.
"Ce que l’on n’imaginait pas à l’époque (en 2013), c’est l’impact que le drame de Kidal allait avoir, non seulement pour RFI, mais aussi pour toute la presse malienne et internationale", témoigne Christophe Boisbouvier, directeur adjoint de RFI chargé de l’Afrique. "Depuis dix ans, il n’y a pratiquement plus d’enquête de terrain au Nord-Mali, à Kidal et à Tessalit."
Outre le Mali, d’autres pays du Sahel sont aussi cités comme des "terrains à risque" pour les journalistes. Au Burkina Faso, la situation sécuritaire contraint désormais les journalistes à "évaluer le risque avant de bouger" pour faire un reportage, explique Atiana Serge Oulon, directeur de publication du journal L’Événement. Au Niger, "aucun journaliste n’ose aller sur le terrain en dehors des quelques rares missions (...) comme des déplacements du chef de l’État ou des ministres chargés des questions sécuritaires", affirme un journaliste sous couvert d’anonymat. Le Tchad n’échappe pas non plus à cette situation d’insécurité.
Contrôle et suspension de médias par de nouvelles juntes au pouvoir
Les attaques dans la région "touchant directement les médias" sont notamment le fait de deux groupes armés identifiés dans la région depuis 2012, selon le rapport : Wilayat al-Sahel (anciennement État islamique dans le Grand Sahara) et le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (GSIM). Ce dernier, qui réunit depuis 2017 plusieurs groupes jihadistes dont Ansar Dine et Al-Qaïda au Maghreb islamique, a notamment été à l’origine de l’enlèvement d’Olivier Dubois.
Ces deux groupes "sont présents principalement au Mali, mais aussi au Burkina Faso, au Niger, et ont été actifs dans les zones frontalières au nord du Bénin, du Togo et de la Côte d’Ivoire [...] et ils se livrent à une guerre sans relâche depuis fin 2019, début 2020", explique Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements jihadistes à France 24.
Outre la menace sécuritaire, l’arrivée de juntes au pouvoir dans plusieurs pays du Sahel représente "un autre défi" pour les journalistes, selon RSF : "Que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou au Tchad, à peine sont-elles au pouvoir que les nouvelles autorités cherchent à contrôler les médias au travers de mesures d’interdiction ou de restriction, voire d’attaques ou d’arrestations arbitraires."
Le rapport rappelle que "les médias publics sont particulièrement vulnérables au moment des coups d’État", les militaires cherchant à prendre le contrôle de la télévision et de la radio nationales afin d’annoncer leur prise de pouvoir – comme cela a été le cas au Burkina Faso lors du deuxième coup d'État en neuf mois, en septembre 2022.
Une fois au pouvoir, les juntes de plusieurs pays du Sahel "n’hésitent pas à refaçonner le paysage médiatique pour mieux servir leurs intérêts", note RSF. Et de citer en exemple le cas du Mali, où les correspondants de France 24 et RFI ont été accusés en janvier 2022 de contribuer à une "campagne de désinformation" par le Collectif pour la défense des militaires (CDM), un groupe de soldats réputés proches de la junte au pouvoir.
Le colonel Abdoulaye Maïga a ordonné, deux mois plus tard, la suspension des deux médias français d’information internationale, bien que la société France Médias Monde a "protesté vivement contre des accusations infondées" et rappelé "son attachement sans faille à la liberté d’informer et au professionnalisme de ses équipes".
Malgré "l’heureuse libération" d’Olivier Dubois après 711 jours de captivité au Mali, le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong, rappelle en préambule que "pas moins de cinq journalistes ont été assassinés et six autres portés disparus" au Sahel sur la période 2013-2023.
Le rapport, intitulé "Dans la peau d’un journaliste au Sahel", énumère les différents freins qui entravent aujourd’hui le travail des journalistes dans la région, qui en train de devenir "une zone de non-information", selon RSF.
"L’intensification des attaques" des groupes armés occupe une place de choix à ce titre. Entre 2017 et 2022, plus de 1 000 attaques terroristes ont été recensées au Mali, au Burkina Faso et au Niger, selon Sécurité Liptako-Gourma, une structure de veille et d’expertise sécuritaire.
Une partie du Mali est ainsi devenue "un no man’s land pour les reporters", selon RSF. L’ONG énumère les atteintes directes à l’intégrité physique de journalistes dans le pays sur ces dix dernières années : l’assassinat des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon (RFI) à Kidal, en 2013 ; l’enlèvement du journaliste radio Hamadoun Niabouly (La Voix de Douentza) dans la région de Mopti, au centre du pays, en 2020 ; l’enlèvement d’Olivier Dubois (correspondant de Libération, du Point et de Jeune Afrique) dans la région de Gao, le 8 avril 2021 ; et l’enlèvement, dix jours plus tard, du journaliste radio Moussa M’Bana Dicko (La Voix de Haïré) à Boni.
"Ce que l’on n’imaginait pas à l’époque (en 2013), c’est l’impact que le drame de Kidal allait avoir, non seulement pour RFI, mais aussi pour toute la presse malienne et internationale", témoigne Christophe Boisbouvier, directeur adjoint de RFI chargé de l’Afrique. "Depuis dix ans, il n’y a pratiquement plus d’enquête de terrain au Nord-Mali, à Kidal et à Tessalit."
Outre le Mali, d’autres pays du Sahel sont aussi cités comme des "terrains à risque" pour les journalistes. Au Burkina Faso, la situation sécuritaire contraint désormais les journalistes à "évaluer le risque avant de bouger" pour faire un reportage, explique Atiana Serge Oulon, directeur de publication du journal L’Événement. Au Niger, "aucun journaliste n’ose aller sur le terrain en dehors des quelques rares missions (...) comme des déplacements du chef de l’État ou des ministres chargés des questions sécuritaires", affirme un journaliste sous couvert d’anonymat. Le Tchad n’échappe pas non plus à cette situation d’insécurité.
Contrôle et suspension de médias par de nouvelles juntes au pouvoir
Les attaques dans la région "touchant directement les médias" sont notamment le fait de deux groupes armés identifiés dans la région depuis 2012, selon le rapport : Wilayat al-Sahel (anciennement État islamique dans le Grand Sahara) et le Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (GSIM). Ce dernier, qui réunit depuis 2017 plusieurs groupes jihadistes dont Ansar Dine et Al-Qaïda au Maghreb islamique, a notamment été à l’origine de l’enlèvement d’Olivier Dubois.
Ces deux groupes "sont présents principalement au Mali, mais aussi au Burkina Faso, au Niger, et ont été actifs dans les zones frontalières au nord du Bénin, du Togo et de la Côte d’Ivoire [...] et ils se livrent à une guerre sans relâche depuis fin 2019, début 2020", explique Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements jihadistes à France 24.
Outre la menace sécuritaire, l’arrivée de juntes au pouvoir dans plusieurs pays du Sahel représente "un autre défi" pour les journalistes, selon RSF : "Que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou au Tchad, à peine sont-elles au pouvoir que les nouvelles autorités cherchent à contrôler les médias au travers de mesures d’interdiction ou de restriction, voire d’attaques ou d’arrestations arbitraires."
Le rapport rappelle que "les médias publics sont particulièrement vulnérables au moment des coups d’État", les militaires cherchant à prendre le contrôle de la télévision et de la radio nationales afin d’annoncer leur prise de pouvoir – comme cela a été le cas au Burkina Faso lors du deuxième coup d'État en neuf mois, en septembre 2022.
Une fois au pouvoir, les juntes de plusieurs pays du Sahel "n’hésitent pas à refaçonner le paysage médiatique pour mieux servir leurs intérêts", note RSF. Et de citer en exemple le cas du Mali, où les correspondants de France 24 et RFI ont été accusés en janvier 2022 de contribuer à une "campagne de désinformation" par le Collectif pour la défense des militaires (CDM), un groupe de soldats réputés proches de la junte au pouvoir.
Le colonel Abdoulaye Maïga a ordonné, deux mois plus tard, la suspension des deux médias français d’information internationale, bien que la société France Médias Monde a "protesté vivement contre des accusations infondées" et rappelé "son attachement sans faille à la liberté d’informer et au professionnalisme de ses équipes".
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