Boko Haram a délibérément visé des civils par des attaques contre des marchés, des mosquées, des églises, des écoles et des gares routières. Les attaques ont atteint leur paroxysme entre novembre 2015 et janvier 2016. On en dénombrait alors une tous les trois jours.
Pour les victimes des forces de sécurité, le décompte est plus difficile. Les chercheurs d’Amnesty ont multiplié les entretiens, plus de 200, analysé les images satellites d’un village dont les maisons ont été incendiées par les forces de sécurité, assisté à des procès devant le tribunal militaire de Maroua, le chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord, et ont eu accès à des documents judiciaires. Leur rapport, intitulé « Bonne cause, mauvais moyens : atteintes aux droits humains et à la justice dans le cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun », publié jeudi 14 juillet à Yaoundé, fait suite à un précédent de septembre 2015. Il est néanmoins beaucoup plus accablant pour les autorités et les forces de sécurité camerounaises. En voici les points principaux. Le rapport complet, avec tous les témoignages, est à lire ici.
Disparitions forcées et détention au secret Amnesty International a recueilli des informations concernant 17 cas de disparitions forcées récentes au nord du Cameroun, en plus de 130 habitants des villages de Magdeme et Doublé, dont on reste sans nouvelles depuis décembre 2014. En outre, 40 personnes sont détenues au secret dans des centres de détention non officiels, en particulier dans des bases militaires du Bataillon d’intervention rapide (BIR, les forces spéciales camerounaises).
Exécutions extra-judiciaires En novembre 2014, lors d’une opération dans le village de Bornori, des hommes du BIR ont exécuté illégalement au moins sept civils non armés et ont arrêté 15 hommes, avant de revenir dans les semaines suivantes pour incendier des maisons.
Morts en détention Les 15 hommes arrêtés à Bornori ont été emmenés à la base du BIR à Salak, près de Maroua, où ils ont été détenus au secret pendant une vingtaine de jours. Beaucoup y ont été torturés et l’un d’eux est décédé. Ils ont ensuite été transférés à la prison de Maroua, où quatre autres sont morts.
Brutalités contre les civils. Lors d’une autre opération en juillet 2015 à Kouyapé, des soldats de l’armée régulière ont rassemblé environ 70 personnes avant de les agresser. Un soir du même mois, un soldat a tiré dans la jambe d’un étudiant de 19 ans à Koza, car il ne voulait pas donner le code de son téléphone après avoir été arrêté par une patrouille.
Dénonciations douteuses Les forces de sécurité semblent souvent agir en s’appuyant sur des dénonciations douteuses ou sur des causes indirectes, comme le fait de ne pas avoir de carte d’identité ou de s’être rendu au Nigeria. A Kossa, village accusé d’approvisionner Boko Haram en nourriture, 32 hommes ont été rassemblés et arrêtés en février 2015. La plupart d’entre eux ont été libérés plus tard, mais un homme est mort en détention.
Actes de torture L’ONG a dénombré 25 cas de personnes ayant subi des actes de torture lors de leur détention à la base militaire du BIR à Salak, près de Maroua, et au moins quatre autres à la base du BIR à Mora et au siège de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), à Yaoundé. Amnesty a recensé quatre cas de personnes décédées en détention à la suite de tels actes de torture.
Journaliste violenté Lors de sa détention à la DGRE à Yaoudé, le journaliste de RFI Ahmed Abba a été déshabillé et passé à tabac. Il n’a eu aucun contact avec son avocat ou sa famille pendant plus de trois mois.
Prison mortelle A la prison de Maroua, les autorités pénitentiaires estiment qu’entre six et huit détenus meurent en moyenne chaque mois en raison de conditions sanitaires déplorables et de l’extrême surpopulation.
L’établissement compte plus de 1 470 détenus pour une capacité de 350. Plus de 800 d’entre eux sont accusés de soutenir Boko Haram et 80 % n’ont pas encore été jugés.
Familles arrêtées En juillet 2015, plus de 250 personnes ont été arrêtées et emprisonnées alors qu’elles rendaient visite à des membres de leur famille à la prison de Maroua.
Condamnations à mort Plus de 100 personnes, dont des femmes, ont été condamnées à mort par le tribunal militaire de Maroua depuis juillet 2015. Aucune n’a toutefois été exécutée à ce jour.
Dormir avec des cadavres Un vieil homme de 70 ans détenu à Salak a confié à Amnesty International qu’il avait vu des soldats du BIR torturer son fils pendant dix jours et deux détenus frappés à mort. « Ils [les agents de sécurité] leur donnaient de grands coups de pied, les giflaient violemment et les frappaient avec des bâtons. Ils sont morts devant nous. » Le vieil homme a ajouté : « Je n’ai pas été battu, car je suis vieux. C’est donc moi qui les ai aidés à [sortir] les deux corps de la salle d’interrogatoire. Cette nuit-là, nous avons dormi dans la cellule avec deux cadavres. »
Amnesty International a partagé ses conclusions avec les autorités camerounaises dès le 7 mai 2016, mais n’a pas reçu de réponse. L’organisation reconnaît pourtant la situation d’extrême urgence dans laquelle s’est retrouvé le pays lorsque la secte islamiste d’origine nigériane a investi le nord du Cameroun. « A la suite des exactions du groupe armé, plus de 170 000 personnes au Cameroun, principalement des femmes et des enfants, ont fui leur foyer et sont à présent déplacées à l’intérieur de leur pays, dans toute la région de l’Extrême-Nord, écrit-elle. Le Cameroun a également accueilli environ 65 000 réfugiés ayant fui les attaques de Boko Haram au Nigeria. »
Il n’empêche, Amnesty estime que répondre à la terreur par la terreur est une erreur.
« En cherchant à protéger la population de la violence de Boko Haram, le Cameroun vise le bon objectif, mais en arrêtant arbitrairement des gens, en les torturant et en les soumettant à des disparitions forcées, il n’emploie pas les bons moyens pour parvenir à l’objectif visé », a déclaré jeudi 14 juillet Alioune Tine, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique centrale et de l’Ouest.
Pour les victimes des forces de sécurité, le décompte est plus difficile. Les chercheurs d’Amnesty ont multiplié les entretiens, plus de 200, analysé les images satellites d’un village dont les maisons ont été incendiées par les forces de sécurité, assisté à des procès devant le tribunal militaire de Maroua, le chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord, et ont eu accès à des documents judiciaires. Leur rapport, intitulé « Bonne cause, mauvais moyens : atteintes aux droits humains et à la justice dans le cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun », publié jeudi 14 juillet à Yaoundé, fait suite à un précédent de septembre 2015. Il est néanmoins beaucoup plus accablant pour les autorités et les forces de sécurité camerounaises. En voici les points principaux. Le rapport complet, avec tous les témoignages, est à lire ici.
Disparitions forcées et détention au secret Amnesty International a recueilli des informations concernant 17 cas de disparitions forcées récentes au nord du Cameroun, en plus de 130 habitants des villages de Magdeme et Doublé, dont on reste sans nouvelles depuis décembre 2014. En outre, 40 personnes sont détenues au secret dans des centres de détention non officiels, en particulier dans des bases militaires du Bataillon d’intervention rapide (BIR, les forces spéciales camerounaises).
Exécutions extra-judiciaires En novembre 2014, lors d’une opération dans le village de Bornori, des hommes du BIR ont exécuté illégalement au moins sept civils non armés et ont arrêté 15 hommes, avant de revenir dans les semaines suivantes pour incendier des maisons.
Morts en détention Les 15 hommes arrêtés à Bornori ont été emmenés à la base du BIR à Salak, près de Maroua, où ils ont été détenus au secret pendant une vingtaine de jours. Beaucoup y ont été torturés et l’un d’eux est décédé. Ils ont ensuite été transférés à la prison de Maroua, où quatre autres sont morts.
Brutalités contre les civils. Lors d’une autre opération en juillet 2015 à Kouyapé, des soldats de l’armée régulière ont rassemblé environ 70 personnes avant de les agresser. Un soir du même mois, un soldat a tiré dans la jambe d’un étudiant de 19 ans à Koza, car il ne voulait pas donner le code de son téléphone après avoir été arrêté par une patrouille.
Dénonciations douteuses Les forces de sécurité semblent souvent agir en s’appuyant sur des dénonciations douteuses ou sur des causes indirectes, comme le fait de ne pas avoir de carte d’identité ou de s’être rendu au Nigeria. A Kossa, village accusé d’approvisionner Boko Haram en nourriture, 32 hommes ont été rassemblés et arrêtés en février 2015. La plupart d’entre eux ont été libérés plus tard, mais un homme est mort en détention.
Actes de torture L’ONG a dénombré 25 cas de personnes ayant subi des actes de torture lors de leur détention à la base militaire du BIR à Salak, près de Maroua, et au moins quatre autres à la base du BIR à Mora et au siège de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE), à Yaoundé. Amnesty a recensé quatre cas de personnes décédées en détention à la suite de tels actes de torture.
Journaliste violenté Lors de sa détention à la DGRE à Yaoudé, le journaliste de RFI Ahmed Abba a été déshabillé et passé à tabac. Il n’a eu aucun contact avec son avocat ou sa famille pendant plus de trois mois.
Prison mortelle A la prison de Maroua, les autorités pénitentiaires estiment qu’entre six et huit détenus meurent en moyenne chaque mois en raison de conditions sanitaires déplorables et de l’extrême surpopulation.
L’établissement compte plus de 1 470 détenus pour une capacité de 350. Plus de 800 d’entre eux sont accusés de soutenir Boko Haram et 80 % n’ont pas encore été jugés.
Familles arrêtées En juillet 2015, plus de 250 personnes ont été arrêtées et emprisonnées alors qu’elles rendaient visite à des membres de leur famille à la prison de Maroua.
Condamnations à mort Plus de 100 personnes, dont des femmes, ont été condamnées à mort par le tribunal militaire de Maroua depuis juillet 2015. Aucune n’a toutefois été exécutée à ce jour.
Dormir avec des cadavres Un vieil homme de 70 ans détenu à Salak a confié à Amnesty International qu’il avait vu des soldats du BIR torturer son fils pendant dix jours et deux détenus frappés à mort. « Ils [les agents de sécurité] leur donnaient de grands coups de pied, les giflaient violemment et les frappaient avec des bâtons. Ils sont morts devant nous. » Le vieil homme a ajouté : « Je n’ai pas été battu, car je suis vieux. C’est donc moi qui les ai aidés à [sortir] les deux corps de la salle d’interrogatoire. Cette nuit-là, nous avons dormi dans la cellule avec deux cadavres. »
Amnesty International a partagé ses conclusions avec les autorités camerounaises dès le 7 mai 2016, mais n’a pas reçu de réponse. L’organisation reconnaît pourtant la situation d’extrême urgence dans laquelle s’est retrouvé le pays lorsque la secte islamiste d’origine nigériane a investi le nord du Cameroun. « A la suite des exactions du groupe armé, plus de 170 000 personnes au Cameroun, principalement des femmes et des enfants, ont fui leur foyer et sont à présent déplacées à l’intérieur de leur pays, dans toute la région de l’Extrême-Nord, écrit-elle. Le Cameroun a également accueilli environ 65 000 réfugiés ayant fui les attaques de Boko Haram au Nigeria. »
Il n’empêche, Amnesty estime que répondre à la terreur par la terreur est une erreur.
« En cherchant à protéger la population de la violence de Boko Haram, le Cameroun vise le bon objectif, mais en arrêtant arbitrairement des gens, en les torturant et en les soumettant à des disparitions forcées, il n’emploie pas les bons moyens pour parvenir à l’objectif visé », a déclaré jeudi 14 juillet Alioune Tine, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique centrale et de l’Ouest.
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