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Conditions pour insérer un secteur privé national fort dans le secteur minier, Par Abdoul Aly Kane



L’expression est tirée du Plan Sénégal Emergent (PSE) qui répartit clairement les rôles entre l’Etat et le secteur privé au niveau niveau économique. L’Etat est en charge de la conception, de la réalisation des infrastructures structurantes et des réformes permettant d’asseoir l’attractivité de notre pays auprès d’investisseurs internationaux, tandis que le secteur privé est chargé de la mise en œuvre des projets et, par conséquent, de la création d’emplois.

L’expression « secteur privé national fort » peut prêter à confusion en ce qu’elle ne précise pas les critères de distinction, voire de différenciation, du secteur privé dans son ensemble. S’il s’agit du secteur privé étranger, dont on attend des “investissements directs”, il est notoire que celui-ci n’est mû par aucune autre préoccupation que le retour sur investissements.

Peu regardant sur l’environnement des affaires, il concentre présentement ses activités sur les secteurs à forte valeur ajoutée, les mines en particulier, où d’importants investissements sont réalisés. C’est d’ailleurs à ce secteur qu’on impute la progression du taux de croissance économique d’avant COVID. Le secteur privé national que l’on peut qualifier de « moderne » évolue dans les secteurs de la transformation agro-alimentaire, des BTP, des services financiers, des télécommunications etc. Ce en direction aussi bien du marché local que de la clientèle sous régionale.

Evoluant dans des organisations patronales comme l’UNACOIS, la CNES et le CNP, il est davantage soucieux de pérenniser sa position de place que de prendre des risques dans les projets du PSE sans appui de l’Etat. Le secteur privé national moderne n’est pas en mesure de compétir dans les secteurs clés comme celui des mines où les coûts d’exploration et d’exploitation ne sont pas à la portée de sa capacité d’autofinancement. Il reste le secteur privé issu du secteur informel.

Les acteurs de ce dernier, évoluant dans le commerce local et sous régional ou alors dans les corps de métiers traditionnels (artisanat d’art et de production), ont la particularité d’avoir une réelle culture de l’épargne mais également, hélas, une profonde aversion pour le risque industriel. Peu d’entre eux passent du commerce ou de l’artisanat à l’industrie.

Hommes d’affaires de l’informel : Une mentalité de « rentiers » Certains d’entre eux, qui ont sauté le pas industriel, l’ont souvent fait en parfaite entente avec leurs anciens fournisseurs tentés par la délocalisation de leurs activités pour des besoins de proximité (mèches, électroménager etc.) avec leur marché. Ce phénomène, ou cette réticence, peut être imputé à la complexité des processus industriels impliquant la délégation de pouvoir alors que, dans le commerce, le contrôle est plus aisé.

C’est pourquoi, en général, les profits générés par le commerce sont souvent réinvestis dans des secteurs de rente comme l’immobilier. Pour avoir un secteur privé national fort dans l’industrie minière, il faut des « entrepreneurs » et une forte volonté politique de promouvoir nos hommes d’affaires. Il s’avère qu’un changement de paradigme se profile au niveau des Etats, avec la prise de conscience de la nécessité d’abandonner le modèle d’exploitation des ressources extractives non transformées, exportées à l’état brut sans grande valeur ajoutée.

La Vision minière pour l’Afrique a été adoptée en 2009 par les chefs d’Etat de l’Union Africaine. Elle exprime ce changement de paradigme, et prône très clairement une politique d’insertion des nationaux dans le secteur minier. Cette Vision essaie de solutionner le paradoxe africain de vivre dans un continent où se côtoient d’immenses richesses en ressources naturelles et une pauvreté extrême des populations.

L’un des problèmes à résoudre pour atteindre l’objectif de la transformation locale des ressources minières se rapporte à la prise en charge des investissements réputés lourds, donc à la mobilisation des ressources financières. Concernant le PSE, c’est le lieu d’évoquer l’une des 6 conditions identifiées comme les fondements de l’émergence, à savoir « l’approfondissement du secteur financier ».

Cette conditionnalité est adossée au constat fait par l’Etat que le paysage bancaire et financier actuel ne favorise pas l’émergence économique. Le paysage bancaire est toujours dominé par des banques de dépôts prenant peu de risques de transformation de leurs ressources courtes en crédits à moyen et long terme dans des secteurs hautement capitalistiques comme celui des mines.

Elles se limitent à collecter l’épargne issue de l’activité économique, et à accorder des crédits à une clientèle sûre sur la base de garanties hors de portée de l’essentiel des Pme à promouvoir. Ces banques sont essentiellement mues, et à juste titre, par la réalisation de marges substantielle sur leur activité d’intermédiation et sur les services rendus à leur clientèle. Elles obéissent à des politiques de crédit strictes de leurs mandants, et doivent afficher des résultats pourvoyeurs de dividendes tout en étant gardiennes de l’intégrité des dépôts confiés par la clientèle.

La création d’institutions de type nouveau, axées sur le financement du développement à travers le secteur privé national est du ressort des Etats et de la BCEAO qui doivent comprendre la prise de risque PME dans leurs objectifs.

Création de banques d’affaires nationales, une nécessité
Pour la solution de cet important problème, nous ne voyons pas encore les réformes institutionnelles initiées en termes de création d’institutions financières de type nouveau. Dans le cadre de l’approfondissement du système financier prévue, la présence de banques d’affaires pour la participation du secteur privé national au développement du secteur minier est une nécessité, de même que la création d’institutions financières spécialisées pour la promotion des corps de métiers traditionnels et la modernisation de leurs activités.

Des lois doivent être votées pour accorder la place qu’il faut au secteur privé visé par l’expression « national fort » dans les secteurs actuellement porteurs de croissance. Il s’agit des ressources minérales à savoir l’or, le fer, le cuivre, le chrome, le nickel, le zircon, le titane, les phosphates et les calcaires industriels, etc.

Il faut regretter que l’on ait perdu l’opportunité d’exploiter le fer avec Mittal, dont l’un des engagements était de développer l’activité sidérurgique du Sénégal en sus du projet de la réalisation d’un port en eau profonde à Bargny et de 750 km de voie ferrée des mines de la Falémé à Dakar, avec 20 000 emplois prévus. Ce type d’accord ouvrant la voie à la création d’un sous-secteur industriel doit être mis en avant dans les phases de négociations avec les entreprises minières.

Des institutions financières de développement comme la BAD, très impliquée dans le développement minier, sont disposées à accompagner les Etats dans ces phases cruciales. Il serait également opportun de faire du benchmark vers des pays comme l’Afrique du Sud, tant du point de vue financier que minier.

Enfin, pour l’implication du secteur privé national « fort » dans ces secteurs stratégiques, il est indispensable que celui-ci parle d’une même voix, ou, à tout le moins, exprime ses préoccupations de façon plurielle, face au devoir qui lui est assigné de faire émerger le Sénégal. L’heure n’est plus aux “Assises de l’entreprise “ mais plutôt aux “Assises de l’émergence par le secteur privé”. Vaste chantier…

Par Abdoul Aly KANE


Jeudi 8 Juillet 2021 - 12:45


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