Les processus démocratiques en cours en Afrique ces dernières décennies interpellent les chercheurs s'intéressant aux problématiques recentrées sur les modes de recrutement de la classe politique dirigeante, mais invitent aussi ces derniers à revisiter les variables qui sont, jusque là, à leur portée. Après le printemps dit démocratique des années 1990 avec ses Conférences nationales, le courant de la transitologie qui s'intéresse à l'étude des transitions démocratiques en Afrique et en Europe centrale et de l’Est a joué un rôle important dans l'analyse des changements politiques sur ces continents. Ces transitions démocratiques en dents de scie ont mis au jour le problème majeur de la construction de la démocratie dans les nouveaux Etats issus des processus de décolonisation. Après les processus électoraux en République démocratique du Congo (RDC), en République centrafricaine, au Togo et au Gabon, l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire a dominé l'actualité politique internationale et surtout sénégalaise ces derniers temps. Le récent scrutin au "pays de la Lagune" pose, dans les démocraties représentatives, la question de la sélection du personnel politique d'une manière générale et particulièrement en Afrique.
Aujourd’hui, l'élection présidentielle en Côte d'ivoire n’est-elle pas le reflet d’une certaine singularité des processus électoraux organisés récemment dans les Etats postcoloniaux d’Afrique subsaharienne ? En effet, la particularité de la crise ivoirienne réside dans l'implication de la communauté internationale à travers l'organisation onusienne et d’autres structures supranationales, notamment l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
L’originalité de cette ingérence de l’ONU dans les processus électoraux en Afrique est multidimensionnelle. Ses fondements financiers et politiques sont des illustrations. D’une part, l’ONU participe au financement du processus électoral (début de la phase d'inscription sur les listes électorales jusqu’à la phase du contentieux postélectoral) dans certaines aires géographiques en situation de crise politique pour les aider à s’en sortir. D’autre part, sa nouvelle méthode de certification des élections traduit une forme d’ingérence politique qui remet en question la souveraineté des Etats.
Sous ce rapport, on peut décliner une série de questionnements sur la construction des transitions démocratiques en Afrique et sur la souveraineté des Etats africains. Mais notre regard portera ici sur la querelle de légitimités en cours au sommet de l’Etat de Côte d'Ivoire avec ses implications géopolitiques. Il sera aussi recentré sur la manipulation du nationalisme comme stratégie de réaménagement des positionnements dans cette crise.
En quoi donc la contestation réciproque de la légitimité des deux finalistes du second tour de la présidentielle ivoirienne, en l’occurrence Messieurs Laurent GBAGBO et Alassane Dramane OUATTARA, pose-t-elle, à la fois, une question de légitimité au sens wébérien du terme et une construction de nationalisme qui s’étend progressivement au-delà des frontières ivoiriennes?
Au-delà de la passion qui a beaucoup émaillé récemment certaines expressions libres, une sociologie des crises politiques permet ici de mieux saisir la quintessence de cette crise politique en Côte d’Ivoire. Pour ce faire, nous porterons notre regard sur la querelle de légitimités au sommet de l’Etat ivoirien (1) et le sentiment de nationalisme que cette crise politique génère (2).
1. Querelle entre légitimité internationale et légitimité légale-rationnelle
Après le débat télévisé entre Messieurs GBAGBO et OUATTARA, l'espoir d’une élection libre, transparente et apaisée semblait permis en Côte d’Ivoire, car c’était une des premières en Afrique de l’Ouest après la Mauritanie. Mais les enjeux de luttes de pouvoir l’ont emporté sur l’expression du suffrage universel. Dans ce contexte de crise politique majeure, la Côte d'Ivoire se retrouve, à l’image du film de l’acteur américain Eddy MURFY, « Un fauteuil pour deux », dans une situation inédite : deux présidents de la République, deux Premiers Ministres et deux Gouvernements. Ce qui du point de vue sociologique pose une question de légitimité.
Néanmoins, il ne s’agit pas de faire ici un exposé sur la typologie de légitimités (traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle) de Max WEBER dans son étude de la domination politique. Si la légitimité traduit la croyance en une relation de pouvoir ou l’obéissance à un type de domination, il s’agit ici de recentrer la réflexion sur la légitimité dite internationale et la légitimité légale-rationnelle qui structurent les luttes de pouvoir actuellement au somment de l’Etat ivoirien.
En effet, la situation en Côte d’Ivoire depuis plus d’une décennie ne fait plaisir à aucun Ivoirien, encore moins aux démocrates dans le monde et surtout en Afrique. Elle a affecté l'économie du pays qui pouvait pourtant apporter, en temps de paix, beaucoup à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Cette crise a duré et la question légitime que l’on peut se poser est de savoir si les conditions étaient bien réunies pour organiser cette élection présidentielle en Côte d’Ivoire et sortir ce géant économique de cette impasse, malgré les accords de Marcoussis, de Ouagadougou ou de Pretoria. Car depuis les résultats du premier tour de cette élection, les contestations ont commencé du camp du candidat malheureux, l’ancien président de la République, M. Henry Konan BEDIE. Mais ce dernier avait accepté la décision du Conseil constitutionnel suite à son recours.
Pourtant personne ne peut contester la représentativité du PDCI-RDA en Côte d’Ivoire ! Précisément, ce parti dispose d’un maillage territorial à travers son implantation locale liée à la trajectoire politique et historique du pays. Dans ce cadre, cette contestation du Président BEDIE semblait bien être un signe prémonitoire de cette crise politique. A ce titre, que ce soit d'un camp à l'autre, le déroulement d’un scrutin génère souvent des contestations de résultats. Ce qui sous-tend l’aménagement d’une période dite contentieuse du processus électoral.
Si les tenants de la thèse de la supranationalité légitiment la procédure de validation des élections par la méthode de certification de l’ONU, d’autres y voient une substitution de cette organisation internationale au juge constitutionnel ivoirien, voire une ingérence. Cette thèse au relent souverainiste peut être relevée.
En outre, il est aussi important de s’interroger sur les motifs qui ont sous-tendu le Conseil constitutionnel ivoirien à invalider les résultats de certaines circonscriptions du Nord du pays ? Les résultats proclamés par la CEI sont-ils valables du point de vue juridique vu leur proclamation hors délais constitutionnels ? Dans toute élection présidentielle, n’y a-t-il pas un contentieux postélectoral aménagé à cet effet ? Autant de questions qui montrent la complexité de cette crise politique dont les niveaux d’information sont graduels. Mais au-delà de ces pièces classiques d’un théâtre d’ombres qui sont manipulées par certains points de vue, M. Gervais Boga SAKO, président de la Fondation des Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire précisait : « cette situation politique constitue un véritable imbroglio juridique, c’est-à-dire une crise à la fois juridique et politique résultant de résultats publiés hors délais constitutionnels. »
Dans ce mouvement de balancier dont l’histoire seule détient les secrets avec l’appui des câbles diplomatiques de Vicki Leaks, l’analyse objective l’emporte sur la passion. Un récent documentaire sur la françafrique diffusé par une chaîne publique française n’a-t-il pas révélé, à travers les propos de hautes personnalités, que les résultats de l’élection présidentielle de 2009 au Gabon ont été inversés et que le vrai vainqueur de ce scrutin est l’opposant M. André Mba OBAME ? La diffusion de cette émission n’a-t-elle pas mobilisé l’opposition gabonaise qui soutient que si la communauté internationale obtient le départ de GBAGBO du pouvoir en Côte d’Ivoire, il en sera de même pour M. Ali BONGO ONDIMBA au Gabon ? M. OBAME ne s’est-il pas proclamé président de la République du Gabon et formé un gouvernement ?
Même si cette situation ne requiert pas le même degré de tensions, voire les mêmes traits caractéristiques de crise politique, il existe une certaine similarité qui réside dans une contestation de légitimité politique du candidat proclamé vainqueur par le juge des élections. Ce qui soulève en même temps des interrogations sur les processus électoraux sur le continent. Mais la distanciation entre le sujet pensant que nous sommes et l’objet que nous étudions n’est-elle pas ici plus appropriée du point de vue épistémologique ? Car c’est devant les phénomènes sociaux et politiques complexes que la lucidité aide le chercheur ou l’analyste à opérer une objectivité dans son travail d’exégèse.
Les prestations de serment de Messieurs GBAGBO et OUATTARA confortent leur querelle de légitimité comme président de la République de Côte d’Ivoire. Car si M. OUATTARA est dépositaire d’une légitimité soutenue par une communauté internationale, M. GBAGBO dispose d’une légitimité légale qui lui permet d’avoir à sa portée les lieux symboliques du pouvoir dont l’armée et l’économie. Par ailleurs, cette controverse pose également la question du présidentialisme négro-africain qui amenait certains auteurs comme Gérard CONAC à percevoir le président de la République sur le continent comme « une planète autour de laquelle gravitent des astres ». Ce qui, par ricochet, met en relief la question des allégeances et des stratégies d’accaparement qui constituent des répertoires d’action des luttes de conservation du pouvoir politique en Afrique et ailleurs.
En même temps, cette crise politique pose le problème de la mystification de l’opposition en Afrique. Pourquoi un ancien bon opposant en Afrique ne devient pas forcément un bon président de la République ? Dans la pratique du pouvoir, la malédiction des anciens opposants devenus Présidents pose problème. On note une confusion de leur légitimité propre, parfois charismatique, en tant qu’opposant, et de leur légitimité démocratique sortie des urnes. Il semble alors intéressant du point de vue sociologique de dé-totaliser cette légitimité individuelle pour imprimer à l’opposant élu Président, un style de Chef d’Etat dépossédé de l’idée de courir toujours derrière un pouvoir qu’il a déjà obtenu. C’est en cela que le Président Nelson MANDELA représente une figure politique emblématique et de référence sur le continent.
En effet, la position de la communauté internationale sur la crise ivoirienne met en exergue le problème de la construction des processus de démocratisation en Afrique. La méthode de certification des élections par l’ONU est considérée comme une ingérence dans les affaires intérieures des Etats et remet en cause la symbolique, l’utilité, voire la légitimité de leurs institutions. Dès lors, l’idée d’une intervention militaire émise par la CEDEAO en Côte d’Ivoire réveille progressivement un autre volcan dormant : il s’agit de la question du nationalisme.
2. L’instrumentalisation du nationalisme dans la crise ivoirienne
Une analyse comparée entre le cas ivoirien et le cas guinéen permet de déceler des généralités et des singularités. D’abord, cette situation présente des similitudes en termes d’analyse quantitative de l’élection présidentielle dans les deux pays. En d’autres termes, comment expliquer la défaite du candidat Dalein Diallo devant Alpha Condé alors que le cumul de son résultat du premier tour et ceux de ses soutiens lui donnaient largement la victoire au second tour? L’on tenterait d’avancer en réponse l’argumentaire selon lequel la logique d’une élection n’est pas seulement arithmétique et que d’autres variables explicatives comme le facteur ethnique ou religieux peuvent venir perturber le choix des électeurs. Effectivement, la géographie électorale de la Guinée met en relief une forte influence de la variable ethnique sur le vote.
Mais pourquoi le candidat DIALLO s’est-il alors plié devant la décision de la Cour suprême guinéenne et l’influence moins marquée de ladite communauté internationale ? Pourquoi la communauté internationale ferme-t-elle ses yeux dans d’autres aires géographiques comme le souligne bien M. Pathé MBODJ dans une de ses publications ? Pourquoi l’Union africaine n’adopte-t-elle pas la même fermeté en Lybie vu le carnage qui est opéré par le régime de Khadafi ? Qu’est-ce qui explique ce mutisme de l’UA ? La situation du peuple palestinien errant comme un vrai No man’s land depuis des décennies ne pouvait-elle pas mobiliser autant la communauté internationale comme c’est le cas en Côte d’Ivoire ? Pourquoi les Américains se sont-ils pliés devant l’exigence israélienne sur la levée de la condition de gel de la colonisation des terres palestiniennes comme préalable aux négociations entre les deux parties ? En vertu de quoi, un Président élu d’un pays déterminé peut-il avoir la prétention ou l’audace de faire des injonctions ouvertes, voire donner un ultimatum à un homologue de quitter le pouvoir dans son propre pays ?
Répondre à ces questions suppose, dans une perspective comparée avec les Etats d’Afrique anglophone, de relever l’ambiguïté qui a longtemps entouré les relations entre la France et ses anciennes colonies, notamment la question de la souveraineté des Etats d’Afrique francophone. Du point de vue diachronique, les mouvements de libération nationale et le principe d’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes qui ont sous-tendu l’accès à l’indépendance de beaucoup d’anciennes colonies sur le continent africain ont été plus soutenus par la Russie (ex-URSS) ou les Etats-Unis.
C’est pourquoi le Président ROOSEVELT soulignait le caractère paradoxal de la politique coloniale de la France, c’est-à-dire un pays défendant la liberté et l’opprimant en même temps par la domination coloniale. Dans ce cadre, on peut comprendre la continuité de l’inexistence d’une unanimité au sein même de la communauté internationale où deux membres influents du Conseil de sécurité de l’ONU sont opposés à toute intervention militaire en Côte d’Ivoire : il s’agit de la Russie et de la Chine qui soutiennent traditionnellement le respect de la souveraineté des Etats.
Au sein de la CEDEAO, les Chefs d’Etats évitent les déclarations personnelles ou de leur pays en faveur d’une intervention militaire préférant porter la casquette de l’organisation sous-régionale. N’est-il pas d’ailleurs intéressant de s’intéresser un peu à l’accès au pouvoir ou à la réélection de certains parmi ces Chefs d’Etat ? Si certains sont bien placés pour parler de cette crise ivoirienne, d’autres seraient mal placés pour parler de démocratie vu les récents processus électoraux dans leur pays ? Précisément, certains ont accédé au pouvoir par coup d’Etat et d’autres par filiation directe. Sont-ils sous ce rapport de bons donneurs de leçons de démocratie ? Ils pourraient peut-être porter la robe de bons avocats d’une intervention militaire sans prise en considération des conséquences éventuelles.
En effet, la position jugée tendancieuse de la Communauté internationale génère aujourd’hui un sentiment de nationalisme qui dépasse les frontières ivoiriennes en termes de mobilisations. Cette fibre nationaliste est mobilisée par le camp GBAGBO pour mieux se positionner dans cette crise politique. Mais qu’est-ce que le nationalisme ? En effet, le nationalisme est par définition une idéologie politique qui se réfère principalement à la défense de la souveraineté de l’Etat-nation, l’unité linguistique, ethnique et politique d’une communauté donnée. Ainsi le nationalisme est un phénomène qui se réactive généralement dans des contextes de crises, de création de grands ensembles ou des situations de revendications identitaires. Encore faut-il rappeler que ce courant nationaliste a été à l’origine de plusieurs mouvements de décolonisation ou d’auto-détermination en Afrique, notamment le Mouvement pour la libération de l’Angola (MPLA), le Front pour la libération du Mozambique (FROLIMO), etc.
Si le nationalisme peut être considéré comme un repli identitaire dans un contexte de bouleversements sociaux et politiques, la position jugée tendancieuse de la communauté internationale reste confortée par la manipulation des médias, surtout occidentaux. Suite aux différents ultimatums lancés à Laurent GBAGBO par la CEDEAO et certains chefs d’Etats occidentaux de quitter le pouvoir, son camp joue sur cette fibre nationaliste en construisant un discours centré sur la souveraineté et l’indépendance de la Côte d’Ivoire, mais aussi le non retour au colonialisme. La construction d’une conscience nationale est aussi confortée par l’idée de création d’une monnaie ivoirienne qui supposerait une rupture de liens entre la Côte d’Ivoire et la France, c’est-à-dire une sortie de la Zone franc.
Cette opposition à l’usage de la force en Côte d’Ivoire est aujourd’hui soutenue par une certaine frange de l’intelligentsia africaine, notamment le Collectif des Intellectuels d’Afrique réuni récemment à Paris pour lancer un Manifeste contre toute intervention militaire. Les Ivoiriens de même que leurs sœurs et frères africains souhaitent la fin de cette crise qui a tant duré. Mais la question fondamentale qui se pose, est de savoir est-ce qu’une intervention militaire constitue la solution appropriée dans cette situation actuelle. On pourrait rester dubitatif car toute action militaire suppose des pertes humaines innombrables.
Tout engagement militaire en Côte d’Ivoire soulèverait plusieurs interrogations. Comment les gouvernements des Etats de la CEDEAO justifieraient-ils des pertes conséquentes dans les rangs de leurs troupes engagées dans le cadre d’une force de l’ECOMOG ? Mesurent-ils le sort qui serait réservé à leurs ressortissants en Côte d’Ivoire ? Quelle serait la réaction des opinions publiques nationales des Etats membres de la CEDEAO ou de l’Union africaine ? N’y aurait-t-il pas des risques d’embrasement de la sous-région avec le phénomène de migration qui a commencé ? Autant de questions qui montrent que toute intervention militaire ne semble guère constituer une solution de sortie de crise en Côte d’Ivoire.
En substance, tout processus électoral suppose un contentieux postélectoral réglé devant les juridictions. Même dans les démocraties dites les plus avancées, on relève des failles dans leur système électoral. L’expérience de l’élection présidentielle américaine de 2000 entre Al GORE et Georges BUSH Junior a montré au monde entier les imperfections de leur démocratie. Le décompte des voix dans l’Etat de Floride avait fait l’objet d’un contentieux postélectoral ayant duré plus d’un mois. N’est-il pas alors curieux d’entendre l’ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire rejeter toute idée de recomptage des voix de l’élection présidentielle ivoirienne ? Pourquoi avoir accepté un nouveau décompte des voix dans son propre pays et le refuser dans un autre pays souverain ?
La position actuelle de la communauté internationale assise sur un tapis guerrier ne semble nullement générer une solution de sortie de crise crédible. Laurent GBAGBO ne peut seul gouverner aujourd’hui la Côte d’Ivoire. De la même manière, Alassane OUATTARA ne peut gouverner la Côte d’Ivoire dans le contexte actuel, même si la Communauté internationale l’imposait. Il existe une pluralité de facteurs qui sous-tendent cette crise, notamment les enjeux économiques liés aux potentialités du pays (Cacao, pétrole...), le registre ethnique, religieux, etc. On pourrait comprendre alors la position de la communauté internationale, y comprises celles de certains pays. Le phénomène de supranationalité qui résulte de la mondialisation entraîne un dépassement actuel de l’Etat. Ce qui explique d’ailleurs l’émergence des mouvements nationalistes ou souverainistes en Europe avec la construction de l’Union européenne, mais aussi dans d’autres aires géographiques.
L’analyse de la crise ivoirienne met en relief une gestion tatillonne et trop partisane qui a généré un nationalisme circonscrit autour d’un discours axé sur la résistance contre une communauté internationale considérée comme une force étrangère. Serait-il objectif de vouloir endosser la seule responsabilité au camp présidentiel en fermant les yeux sur celle des Forces nouvelles dont Guillaume SORO fut un des artisans avant de demander publiquement PARDON au peuple ivoirien ? Sa responsabilité dans la construction de la rébellion ivoirienne n’entache-t-elle pas la crédibilité qu’on veuille lui attribuer ? N’a-t-il pas fait usage d’une stratégie de positionnement à un moment crucial de cette crise pour conserver sa position de pouvoir (Premier Ministre du camp soutenu par la communauté internationale) ?
Dès lors, la crise ivoirienne traduit une complexité qui génère une communauté de points de vue où toute analyse doit être faite sans passion, ni émotion. Etant un géant économique du point de vue géopolitique en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est liée par l’histoire et la géographie, aux autres pays de la CEDEAO. De ce point de vue, toute expédition militaire ne serait pas sans conséquences désastreuses dans les autres pays de la sous-région. Une crise politique ne peut sous-tendre qu’une solution politique. C’est dans cette impasse que les deux protagonistes, OUATTARA et GBAGBO, doivent faire montre de dépassement en unissant le mieux d’eux-mêmes pour l’intérêt de la Côte d’Ivoire en particulier et de la sous-région ouest-africaine en général.
Aujourd’hui, l'élection présidentielle en Côte d'ivoire n’est-elle pas le reflet d’une certaine singularité des processus électoraux organisés récemment dans les Etats postcoloniaux d’Afrique subsaharienne ? En effet, la particularité de la crise ivoirienne réside dans l'implication de la communauté internationale à travers l'organisation onusienne et d’autres structures supranationales, notamment l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
L’originalité de cette ingérence de l’ONU dans les processus électoraux en Afrique est multidimensionnelle. Ses fondements financiers et politiques sont des illustrations. D’une part, l’ONU participe au financement du processus électoral (début de la phase d'inscription sur les listes électorales jusqu’à la phase du contentieux postélectoral) dans certaines aires géographiques en situation de crise politique pour les aider à s’en sortir. D’autre part, sa nouvelle méthode de certification des élections traduit une forme d’ingérence politique qui remet en question la souveraineté des Etats.
Sous ce rapport, on peut décliner une série de questionnements sur la construction des transitions démocratiques en Afrique et sur la souveraineté des Etats africains. Mais notre regard portera ici sur la querelle de légitimités en cours au sommet de l’Etat de Côte d'Ivoire avec ses implications géopolitiques. Il sera aussi recentré sur la manipulation du nationalisme comme stratégie de réaménagement des positionnements dans cette crise.
En quoi donc la contestation réciproque de la légitimité des deux finalistes du second tour de la présidentielle ivoirienne, en l’occurrence Messieurs Laurent GBAGBO et Alassane Dramane OUATTARA, pose-t-elle, à la fois, une question de légitimité au sens wébérien du terme et une construction de nationalisme qui s’étend progressivement au-delà des frontières ivoiriennes?
Au-delà de la passion qui a beaucoup émaillé récemment certaines expressions libres, une sociologie des crises politiques permet ici de mieux saisir la quintessence de cette crise politique en Côte d’Ivoire. Pour ce faire, nous porterons notre regard sur la querelle de légitimités au sommet de l’Etat ivoirien (1) et le sentiment de nationalisme que cette crise politique génère (2).
1. Querelle entre légitimité internationale et légitimité légale-rationnelle
Après le débat télévisé entre Messieurs GBAGBO et OUATTARA, l'espoir d’une élection libre, transparente et apaisée semblait permis en Côte d’Ivoire, car c’était une des premières en Afrique de l’Ouest après la Mauritanie. Mais les enjeux de luttes de pouvoir l’ont emporté sur l’expression du suffrage universel. Dans ce contexte de crise politique majeure, la Côte d'Ivoire se retrouve, à l’image du film de l’acteur américain Eddy MURFY, « Un fauteuil pour deux », dans une situation inédite : deux présidents de la République, deux Premiers Ministres et deux Gouvernements. Ce qui du point de vue sociologique pose une question de légitimité.
Néanmoins, il ne s’agit pas de faire ici un exposé sur la typologie de légitimités (traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle) de Max WEBER dans son étude de la domination politique. Si la légitimité traduit la croyance en une relation de pouvoir ou l’obéissance à un type de domination, il s’agit ici de recentrer la réflexion sur la légitimité dite internationale et la légitimité légale-rationnelle qui structurent les luttes de pouvoir actuellement au somment de l’Etat ivoirien.
En effet, la situation en Côte d’Ivoire depuis plus d’une décennie ne fait plaisir à aucun Ivoirien, encore moins aux démocrates dans le monde et surtout en Afrique. Elle a affecté l'économie du pays qui pouvait pourtant apporter, en temps de paix, beaucoup à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Cette crise a duré et la question légitime que l’on peut se poser est de savoir si les conditions étaient bien réunies pour organiser cette élection présidentielle en Côte d’Ivoire et sortir ce géant économique de cette impasse, malgré les accords de Marcoussis, de Ouagadougou ou de Pretoria. Car depuis les résultats du premier tour de cette élection, les contestations ont commencé du camp du candidat malheureux, l’ancien président de la République, M. Henry Konan BEDIE. Mais ce dernier avait accepté la décision du Conseil constitutionnel suite à son recours.
Pourtant personne ne peut contester la représentativité du PDCI-RDA en Côte d’Ivoire ! Précisément, ce parti dispose d’un maillage territorial à travers son implantation locale liée à la trajectoire politique et historique du pays. Dans ce cadre, cette contestation du Président BEDIE semblait bien être un signe prémonitoire de cette crise politique. A ce titre, que ce soit d'un camp à l'autre, le déroulement d’un scrutin génère souvent des contestations de résultats. Ce qui sous-tend l’aménagement d’une période dite contentieuse du processus électoral.
Si les tenants de la thèse de la supranationalité légitiment la procédure de validation des élections par la méthode de certification de l’ONU, d’autres y voient une substitution de cette organisation internationale au juge constitutionnel ivoirien, voire une ingérence. Cette thèse au relent souverainiste peut être relevée.
En outre, il est aussi important de s’interroger sur les motifs qui ont sous-tendu le Conseil constitutionnel ivoirien à invalider les résultats de certaines circonscriptions du Nord du pays ? Les résultats proclamés par la CEI sont-ils valables du point de vue juridique vu leur proclamation hors délais constitutionnels ? Dans toute élection présidentielle, n’y a-t-il pas un contentieux postélectoral aménagé à cet effet ? Autant de questions qui montrent la complexité de cette crise politique dont les niveaux d’information sont graduels. Mais au-delà de ces pièces classiques d’un théâtre d’ombres qui sont manipulées par certains points de vue, M. Gervais Boga SAKO, président de la Fondation des Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire précisait : « cette situation politique constitue un véritable imbroglio juridique, c’est-à-dire une crise à la fois juridique et politique résultant de résultats publiés hors délais constitutionnels. »
Dans ce mouvement de balancier dont l’histoire seule détient les secrets avec l’appui des câbles diplomatiques de Vicki Leaks, l’analyse objective l’emporte sur la passion. Un récent documentaire sur la françafrique diffusé par une chaîne publique française n’a-t-il pas révélé, à travers les propos de hautes personnalités, que les résultats de l’élection présidentielle de 2009 au Gabon ont été inversés et que le vrai vainqueur de ce scrutin est l’opposant M. André Mba OBAME ? La diffusion de cette émission n’a-t-elle pas mobilisé l’opposition gabonaise qui soutient que si la communauté internationale obtient le départ de GBAGBO du pouvoir en Côte d’Ivoire, il en sera de même pour M. Ali BONGO ONDIMBA au Gabon ? M. OBAME ne s’est-il pas proclamé président de la République du Gabon et formé un gouvernement ?
Même si cette situation ne requiert pas le même degré de tensions, voire les mêmes traits caractéristiques de crise politique, il existe une certaine similarité qui réside dans une contestation de légitimité politique du candidat proclamé vainqueur par le juge des élections. Ce qui soulève en même temps des interrogations sur les processus électoraux sur le continent. Mais la distanciation entre le sujet pensant que nous sommes et l’objet que nous étudions n’est-elle pas ici plus appropriée du point de vue épistémologique ? Car c’est devant les phénomènes sociaux et politiques complexes que la lucidité aide le chercheur ou l’analyste à opérer une objectivité dans son travail d’exégèse.
Les prestations de serment de Messieurs GBAGBO et OUATTARA confortent leur querelle de légitimité comme président de la République de Côte d’Ivoire. Car si M. OUATTARA est dépositaire d’une légitimité soutenue par une communauté internationale, M. GBAGBO dispose d’une légitimité légale qui lui permet d’avoir à sa portée les lieux symboliques du pouvoir dont l’armée et l’économie. Par ailleurs, cette controverse pose également la question du présidentialisme négro-africain qui amenait certains auteurs comme Gérard CONAC à percevoir le président de la République sur le continent comme « une planète autour de laquelle gravitent des astres ». Ce qui, par ricochet, met en relief la question des allégeances et des stratégies d’accaparement qui constituent des répertoires d’action des luttes de conservation du pouvoir politique en Afrique et ailleurs.
En même temps, cette crise politique pose le problème de la mystification de l’opposition en Afrique. Pourquoi un ancien bon opposant en Afrique ne devient pas forcément un bon président de la République ? Dans la pratique du pouvoir, la malédiction des anciens opposants devenus Présidents pose problème. On note une confusion de leur légitimité propre, parfois charismatique, en tant qu’opposant, et de leur légitimité démocratique sortie des urnes. Il semble alors intéressant du point de vue sociologique de dé-totaliser cette légitimité individuelle pour imprimer à l’opposant élu Président, un style de Chef d’Etat dépossédé de l’idée de courir toujours derrière un pouvoir qu’il a déjà obtenu. C’est en cela que le Président Nelson MANDELA représente une figure politique emblématique et de référence sur le continent.
En effet, la position de la communauté internationale sur la crise ivoirienne met en exergue le problème de la construction des processus de démocratisation en Afrique. La méthode de certification des élections par l’ONU est considérée comme une ingérence dans les affaires intérieures des Etats et remet en cause la symbolique, l’utilité, voire la légitimité de leurs institutions. Dès lors, l’idée d’une intervention militaire émise par la CEDEAO en Côte d’Ivoire réveille progressivement un autre volcan dormant : il s’agit de la question du nationalisme.
2. L’instrumentalisation du nationalisme dans la crise ivoirienne
Une analyse comparée entre le cas ivoirien et le cas guinéen permet de déceler des généralités et des singularités. D’abord, cette situation présente des similitudes en termes d’analyse quantitative de l’élection présidentielle dans les deux pays. En d’autres termes, comment expliquer la défaite du candidat Dalein Diallo devant Alpha Condé alors que le cumul de son résultat du premier tour et ceux de ses soutiens lui donnaient largement la victoire au second tour? L’on tenterait d’avancer en réponse l’argumentaire selon lequel la logique d’une élection n’est pas seulement arithmétique et que d’autres variables explicatives comme le facteur ethnique ou religieux peuvent venir perturber le choix des électeurs. Effectivement, la géographie électorale de la Guinée met en relief une forte influence de la variable ethnique sur le vote.
Mais pourquoi le candidat DIALLO s’est-il alors plié devant la décision de la Cour suprême guinéenne et l’influence moins marquée de ladite communauté internationale ? Pourquoi la communauté internationale ferme-t-elle ses yeux dans d’autres aires géographiques comme le souligne bien M. Pathé MBODJ dans une de ses publications ? Pourquoi l’Union africaine n’adopte-t-elle pas la même fermeté en Lybie vu le carnage qui est opéré par le régime de Khadafi ? Qu’est-ce qui explique ce mutisme de l’UA ? La situation du peuple palestinien errant comme un vrai No man’s land depuis des décennies ne pouvait-elle pas mobiliser autant la communauté internationale comme c’est le cas en Côte d’Ivoire ? Pourquoi les Américains se sont-ils pliés devant l’exigence israélienne sur la levée de la condition de gel de la colonisation des terres palestiniennes comme préalable aux négociations entre les deux parties ? En vertu de quoi, un Président élu d’un pays déterminé peut-il avoir la prétention ou l’audace de faire des injonctions ouvertes, voire donner un ultimatum à un homologue de quitter le pouvoir dans son propre pays ?
Répondre à ces questions suppose, dans une perspective comparée avec les Etats d’Afrique anglophone, de relever l’ambiguïté qui a longtemps entouré les relations entre la France et ses anciennes colonies, notamment la question de la souveraineté des Etats d’Afrique francophone. Du point de vue diachronique, les mouvements de libération nationale et le principe d’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes qui ont sous-tendu l’accès à l’indépendance de beaucoup d’anciennes colonies sur le continent africain ont été plus soutenus par la Russie (ex-URSS) ou les Etats-Unis.
C’est pourquoi le Président ROOSEVELT soulignait le caractère paradoxal de la politique coloniale de la France, c’est-à-dire un pays défendant la liberté et l’opprimant en même temps par la domination coloniale. Dans ce cadre, on peut comprendre la continuité de l’inexistence d’une unanimité au sein même de la communauté internationale où deux membres influents du Conseil de sécurité de l’ONU sont opposés à toute intervention militaire en Côte d’Ivoire : il s’agit de la Russie et de la Chine qui soutiennent traditionnellement le respect de la souveraineté des Etats.
Au sein de la CEDEAO, les Chefs d’Etats évitent les déclarations personnelles ou de leur pays en faveur d’une intervention militaire préférant porter la casquette de l’organisation sous-régionale. N’est-il pas d’ailleurs intéressant de s’intéresser un peu à l’accès au pouvoir ou à la réélection de certains parmi ces Chefs d’Etat ? Si certains sont bien placés pour parler de cette crise ivoirienne, d’autres seraient mal placés pour parler de démocratie vu les récents processus électoraux dans leur pays ? Précisément, certains ont accédé au pouvoir par coup d’Etat et d’autres par filiation directe. Sont-ils sous ce rapport de bons donneurs de leçons de démocratie ? Ils pourraient peut-être porter la robe de bons avocats d’une intervention militaire sans prise en considération des conséquences éventuelles.
En effet, la position jugée tendancieuse de la Communauté internationale génère aujourd’hui un sentiment de nationalisme qui dépasse les frontières ivoiriennes en termes de mobilisations. Cette fibre nationaliste est mobilisée par le camp GBAGBO pour mieux se positionner dans cette crise politique. Mais qu’est-ce que le nationalisme ? En effet, le nationalisme est par définition une idéologie politique qui se réfère principalement à la défense de la souveraineté de l’Etat-nation, l’unité linguistique, ethnique et politique d’une communauté donnée. Ainsi le nationalisme est un phénomène qui se réactive généralement dans des contextes de crises, de création de grands ensembles ou des situations de revendications identitaires. Encore faut-il rappeler que ce courant nationaliste a été à l’origine de plusieurs mouvements de décolonisation ou d’auto-détermination en Afrique, notamment le Mouvement pour la libération de l’Angola (MPLA), le Front pour la libération du Mozambique (FROLIMO), etc.
Si le nationalisme peut être considéré comme un repli identitaire dans un contexte de bouleversements sociaux et politiques, la position jugée tendancieuse de la communauté internationale reste confortée par la manipulation des médias, surtout occidentaux. Suite aux différents ultimatums lancés à Laurent GBAGBO par la CEDEAO et certains chefs d’Etats occidentaux de quitter le pouvoir, son camp joue sur cette fibre nationaliste en construisant un discours centré sur la souveraineté et l’indépendance de la Côte d’Ivoire, mais aussi le non retour au colonialisme. La construction d’une conscience nationale est aussi confortée par l’idée de création d’une monnaie ivoirienne qui supposerait une rupture de liens entre la Côte d’Ivoire et la France, c’est-à-dire une sortie de la Zone franc.
Cette opposition à l’usage de la force en Côte d’Ivoire est aujourd’hui soutenue par une certaine frange de l’intelligentsia africaine, notamment le Collectif des Intellectuels d’Afrique réuni récemment à Paris pour lancer un Manifeste contre toute intervention militaire. Les Ivoiriens de même que leurs sœurs et frères africains souhaitent la fin de cette crise qui a tant duré. Mais la question fondamentale qui se pose, est de savoir est-ce qu’une intervention militaire constitue la solution appropriée dans cette situation actuelle. On pourrait rester dubitatif car toute action militaire suppose des pertes humaines innombrables.
Tout engagement militaire en Côte d’Ivoire soulèverait plusieurs interrogations. Comment les gouvernements des Etats de la CEDEAO justifieraient-ils des pertes conséquentes dans les rangs de leurs troupes engagées dans le cadre d’une force de l’ECOMOG ? Mesurent-ils le sort qui serait réservé à leurs ressortissants en Côte d’Ivoire ? Quelle serait la réaction des opinions publiques nationales des Etats membres de la CEDEAO ou de l’Union africaine ? N’y aurait-t-il pas des risques d’embrasement de la sous-région avec le phénomène de migration qui a commencé ? Autant de questions qui montrent que toute intervention militaire ne semble guère constituer une solution de sortie de crise en Côte d’Ivoire.
En substance, tout processus électoral suppose un contentieux postélectoral réglé devant les juridictions. Même dans les démocraties dites les plus avancées, on relève des failles dans leur système électoral. L’expérience de l’élection présidentielle américaine de 2000 entre Al GORE et Georges BUSH Junior a montré au monde entier les imperfections de leur démocratie. Le décompte des voix dans l’Etat de Floride avait fait l’objet d’un contentieux postélectoral ayant duré plus d’un mois. N’est-il pas alors curieux d’entendre l’ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire rejeter toute idée de recomptage des voix de l’élection présidentielle ivoirienne ? Pourquoi avoir accepté un nouveau décompte des voix dans son propre pays et le refuser dans un autre pays souverain ?
La position actuelle de la communauté internationale assise sur un tapis guerrier ne semble nullement générer une solution de sortie de crise crédible. Laurent GBAGBO ne peut seul gouverner aujourd’hui la Côte d’Ivoire. De la même manière, Alassane OUATTARA ne peut gouverner la Côte d’Ivoire dans le contexte actuel, même si la Communauté internationale l’imposait. Il existe une pluralité de facteurs qui sous-tendent cette crise, notamment les enjeux économiques liés aux potentialités du pays (Cacao, pétrole...), le registre ethnique, religieux, etc. On pourrait comprendre alors la position de la communauté internationale, y comprises celles de certains pays. Le phénomène de supranationalité qui résulte de la mondialisation entraîne un dépassement actuel de l’Etat. Ce qui explique d’ailleurs l’émergence des mouvements nationalistes ou souverainistes en Europe avec la construction de l’Union européenne, mais aussi dans d’autres aires géographiques.
L’analyse de la crise ivoirienne met en relief une gestion tatillonne et trop partisane qui a généré un nationalisme circonscrit autour d’un discours axé sur la résistance contre une communauté internationale considérée comme une force étrangère. Serait-il objectif de vouloir endosser la seule responsabilité au camp présidentiel en fermant les yeux sur celle des Forces nouvelles dont Guillaume SORO fut un des artisans avant de demander publiquement PARDON au peuple ivoirien ? Sa responsabilité dans la construction de la rébellion ivoirienne n’entache-t-elle pas la crédibilité qu’on veuille lui attribuer ? N’a-t-il pas fait usage d’une stratégie de positionnement à un moment crucial de cette crise pour conserver sa position de pouvoir (Premier Ministre du camp soutenu par la communauté internationale) ?
Dès lors, la crise ivoirienne traduit une complexité qui génère une communauté de points de vue où toute analyse doit être faite sans passion, ni émotion. Etant un géant économique du point de vue géopolitique en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est liée par l’histoire et la géographie, aux autres pays de la CEDEAO. De ce point de vue, toute expédition militaire ne serait pas sans conséquences désastreuses dans les autres pays de la sous-région. Une crise politique ne peut sous-tendre qu’une solution politique. C’est dans cette impasse que les deux protagonistes, OUATTARA et GBAGBO, doivent faire montre de dépassement en unissant le mieux d’eux-mêmes pour l’intérêt de la Côte d’Ivoire en particulier et de la sous-région ouest-africaine en général.
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