L’ordre de priorité dans la procédure parlementaire est une interrogation qui ne saurait trouver sa réponse que dans la compréhension de la configuration du régime politique.
Notre régime politique présente la particularité de rationaliser les rapports entre l’Exécutif et le Législatif, bien évidement au détriment de celui-ci. Bien entendu, cela remonte à la loi constitutionnelle et trouve son point d’exacerbation dans la loi constitutionnelle de 1963 faisant suite à la crise institutionnelle de 1962. Depuis, il existe une certaine circonspection à l’encontre de l’Assemblée nationale.
Ainsi, dans sa version actuelle, le régime politique sénégalais consacre des procédures renforcées de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale et permet au Gouvernement d’exercer une certaine maîtrise sur la procédure législative.
Sur quoi ? La session extraordinaire est motivée par « un ordre du jour déterminé » relatif soit à « un projet ou une proposition de loi » soit à « une déclaration de politique générale ».
C’est certainement en écho à cette disposition que le décret n° 2024-1880 du 04 septembre 2024 cite « le projet de loi de règlement pour la gestion 2022 », « le projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier la Convention de l’Union africaine sur la coopération transfrontalière (Convention de Niamey), adoptée à Malabo, le 27 juin 2014 », « le projet de loi relatif à la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH » et la « déclaration de politique générale ». Mis à part la notion de « proposition de loi », les points inscrits à l’ordre du jour de la 3e session extraordinaire sont littéralement en conformité avec la Constitution. Mieux, l’Assemblée nationale aura l’opportunité de mettre en pratique d’importantes fonctions telles que la fonction législative (vote de la loi ordinaire) et la fonction de contrôle de l’action gouvernementale (vote de la loi de finances, la motion de censure). C’est une véritable aubaine parlementaire.
Par qui ? L’Assemblée nationale est, en outre, réunie en session extraordinaire sur un ordre du jour déterminé, soit sur « demande écrite de plus de la moitié des députés », adressée au Président de l’Assemblée nationale, soit sur « décision du Président de la République, seul ou sur proposition du Premier Ministre ».
Sous réserve des formalités prescrites, la faculté de convoquer une session extraordinaire est reconnue aux députés et au Président de la République.
Mais pour quelle durée ? Aux conditions précédentes, se greffe celle de savoir combien de temps doit durer une session extraordinaire. Sur ce point, l’article 3 du décret précité rejoint la Constitution : « La durée de chaque session extraordinaire ne peut dépasser quinze jours. Les sessions extraordinaires sont closes sitôt l’ordre du jour épuisé ».
Relativement au temps nécessaire pour l’Assemblée nationale aux fins de délibération, il faut comptabiliser la réunion du Bureau, l’ouverture de la session extraordinaire, la réunion de la Conférence des Présidents, l’examen en Commissions techniques, la tenue de la séance plénière.
II. Une priorité exclusive
Le pouvoir exécutif est par essence un pouvoir d’exécution. Par ses deux organes (Président de la République et Gouvernement), il définit et met en œuvre la politique de la Nation. En conséquence, il est non seulement redevable à la nation mais aussi responsable devant ses représentants composant l’Assemblée nationale. Partant de ce point de vue, on peut préfigurer la place prépondérante que doit occuper l’Exécutif dans le travail parlementaire.
C’est pourquoi la Constitution, en ses dispositions de l’article 84, précise que « l’inscription, par priorité, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’un projet ou d’une proposition de loi ou d’une déclaration de politique générale, est de droit si le Président de la République ou le Premier Ministre en fait la demande ».
Et pour revendiquer et faire respecter ce principe de priorité, le Gouvernement peut généralement compter sur son Ministre chargé des Relations avec les Institutions. En effet, aux termes du dernier alinéa de l’article 19 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, « le Président de la République ou le Gouvernement est avisé par l'Assemblée nationale du jour et de l'heure de la réunion de la Conférence des Présidents. Il peut s'y faire représenter ».
Pour rappel, la Conférence des Présidents comprend : i) le Président et les vice-présidents de l'Assemblée nationale ; ii) les Présidents de Commission et le Rapporteur général de la Commission des Finances et du Contrôle budgétaire ; iii) les Présidents de Groupe parlementaire ; iv) le représentant des non-inscrits.
Ainsi composée, la Conférence des Présidents établit l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée (i), fixe le calendrier des travaux en commissions et en séance plénière (ii) et peut décider de l'organisation des débats (iii).
En se référant aux dispositions ainsi rappelées, on peut déduire que même si les députés de la majorité parlementaire maintiennent leur décision de déposer une motion de censure, il n’en demeure pas que le Président de la République détient la pleine priorité dans l’ordonnancement des points inscrits à l’ordre du jour.
De plus, la priorité exclusive se manifeste également en matière de fixation de la date pour l’exercice appelé « déclaration de politique générale ». En la matière, l’Exécutif est seul habilité, au sens de l’article 97 du Règlement intérieur. Aux termes dudit article, « l’Assemblée nationale doit être informée huit jours au moins avant la date retenue ». Autrement dit plus clairement, la date est « retenue » par le Président de la République qui a la prérogative d’en informer les Députés. En d’autres termes, d’où l’Assemblée nationale peut-elle tirer le droit de fixer une date au Premier Ministre en matière de déclaration de politique générale ?
En droit, on qualifierait la déclaration de politique générale d’ « acte de volonté », pour dire que « c’est une action, une démarche que l’on fait uniquement pour prouver l’intérêt que l’on prend à quelqu’un ou quelque chose ». Une fois enfermé dans les délais organiques, le Président de la République a, seul, la prérogative d’informer l’Assemblée nationale de « sa » date retenue pour le Premier Ministre. C’est un acte qui s’impose à l’Assemblée nationale. Sous ce rapport, l’Assemblée nationale doit se priver de « convoquer » l’Exécutif, notamment pour une déclaration de politique générale.
D’ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que c’est dans des circonstances quasi-pareilles, notamment de désaccord sur un ordre du jour, que les événements de décembre 1962 eurent lieu à partir de l’Assemblée nationale. Partant de cette réalité historique, tout député devrait éviter de se dire : « Je n'ai qu'une parole, mais je n'ai pas de mémoire ».
En vérité, la priorité favorable à l’Exécutif ne va pas éteindre le droit des Députés d’exercer leur fonction de contrôle. Il s’agit simplement de le faire dans les conditions déterminées par les textes fondamentaux.
De tout cela, il faut fondamentalement garder à l’esprit la nature du régime politique, expression de la volonté souveraine des Sénégalais. Dans un régime parlementaire, comme c’est visiblement le cas en France, on aurait revendiqué la prévalence de la motion de censure sur l’ordre du jour déposé par l’Exécutif.
Notre régime politique présente la particularité de rationaliser les rapports entre l’Exécutif et le Législatif, bien évidement au détriment de celui-ci. Bien entendu, cela remonte à la loi constitutionnelle et trouve son point d’exacerbation dans la loi constitutionnelle de 1963 faisant suite à la crise institutionnelle de 1962. Depuis, il existe une certaine circonspection à l’encontre de l’Assemblée nationale.
Ainsi, dans sa version actuelle, le régime politique sénégalais consacre des procédures renforcées de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale et permet au Gouvernement d’exercer une certaine maîtrise sur la procédure législative.
- Une compétence concurrente
Sur quoi ? La session extraordinaire est motivée par « un ordre du jour déterminé » relatif soit à « un projet ou une proposition de loi » soit à « une déclaration de politique générale ».
C’est certainement en écho à cette disposition que le décret n° 2024-1880 du 04 septembre 2024 cite « le projet de loi de règlement pour la gestion 2022 », « le projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier la Convention de l’Union africaine sur la coopération transfrontalière (Convention de Niamey), adoptée à Malabo, le 27 juin 2014 », « le projet de loi relatif à la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH » et la « déclaration de politique générale ». Mis à part la notion de « proposition de loi », les points inscrits à l’ordre du jour de la 3e session extraordinaire sont littéralement en conformité avec la Constitution. Mieux, l’Assemblée nationale aura l’opportunité de mettre en pratique d’importantes fonctions telles que la fonction législative (vote de la loi ordinaire) et la fonction de contrôle de l’action gouvernementale (vote de la loi de finances, la motion de censure). C’est une véritable aubaine parlementaire.
Par qui ? L’Assemblée nationale est, en outre, réunie en session extraordinaire sur un ordre du jour déterminé, soit sur « demande écrite de plus de la moitié des députés », adressée au Président de l’Assemblée nationale, soit sur « décision du Président de la République, seul ou sur proposition du Premier Ministre ».
Sous réserve des formalités prescrites, la faculté de convoquer une session extraordinaire est reconnue aux députés et au Président de la République.
Mais pour quelle durée ? Aux conditions précédentes, se greffe celle de savoir combien de temps doit durer une session extraordinaire. Sur ce point, l’article 3 du décret précité rejoint la Constitution : « La durée de chaque session extraordinaire ne peut dépasser quinze jours. Les sessions extraordinaires sont closes sitôt l’ordre du jour épuisé ».
Relativement au temps nécessaire pour l’Assemblée nationale aux fins de délibération, il faut comptabiliser la réunion du Bureau, l’ouverture de la session extraordinaire, la réunion de la Conférence des Présidents, l’examen en Commissions techniques, la tenue de la séance plénière.
II. Une priorité exclusive
Le pouvoir exécutif est par essence un pouvoir d’exécution. Par ses deux organes (Président de la République et Gouvernement), il définit et met en œuvre la politique de la Nation. En conséquence, il est non seulement redevable à la nation mais aussi responsable devant ses représentants composant l’Assemblée nationale. Partant de ce point de vue, on peut préfigurer la place prépondérante que doit occuper l’Exécutif dans le travail parlementaire.
C’est pourquoi la Constitution, en ses dispositions de l’article 84, précise que « l’inscription, par priorité, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’un projet ou d’une proposition de loi ou d’une déclaration de politique générale, est de droit si le Président de la République ou le Premier Ministre en fait la demande ».
Et pour revendiquer et faire respecter ce principe de priorité, le Gouvernement peut généralement compter sur son Ministre chargé des Relations avec les Institutions. En effet, aux termes du dernier alinéa de l’article 19 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, « le Président de la République ou le Gouvernement est avisé par l'Assemblée nationale du jour et de l'heure de la réunion de la Conférence des Présidents. Il peut s'y faire représenter ».
Pour rappel, la Conférence des Présidents comprend : i) le Président et les vice-présidents de l'Assemblée nationale ; ii) les Présidents de Commission et le Rapporteur général de la Commission des Finances et du Contrôle budgétaire ; iii) les Présidents de Groupe parlementaire ; iv) le représentant des non-inscrits.
Ainsi composée, la Conférence des Présidents établit l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée (i), fixe le calendrier des travaux en commissions et en séance plénière (ii) et peut décider de l'organisation des débats (iii).
En se référant aux dispositions ainsi rappelées, on peut déduire que même si les députés de la majorité parlementaire maintiennent leur décision de déposer une motion de censure, il n’en demeure pas que le Président de la République détient la pleine priorité dans l’ordonnancement des points inscrits à l’ordre du jour.
De plus, la priorité exclusive se manifeste également en matière de fixation de la date pour l’exercice appelé « déclaration de politique générale ». En la matière, l’Exécutif est seul habilité, au sens de l’article 97 du Règlement intérieur. Aux termes dudit article, « l’Assemblée nationale doit être informée huit jours au moins avant la date retenue ». Autrement dit plus clairement, la date est « retenue » par le Président de la République qui a la prérogative d’en informer les Députés. En d’autres termes, d’où l’Assemblée nationale peut-elle tirer le droit de fixer une date au Premier Ministre en matière de déclaration de politique générale ?
En droit, on qualifierait la déclaration de politique générale d’ « acte de volonté », pour dire que « c’est une action, une démarche que l’on fait uniquement pour prouver l’intérêt que l’on prend à quelqu’un ou quelque chose ». Une fois enfermé dans les délais organiques, le Président de la République a, seul, la prérogative d’informer l’Assemblée nationale de « sa » date retenue pour le Premier Ministre. C’est un acte qui s’impose à l’Assemblée nationale. Sous ce rapport, l’Assemblée nationale doit se priver de « convoquer » l’Exécutif, notamment pour une déclaration de politique générale.
D’ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que c’est dans des circonstances quasi-pareilles, notamment de désaccord sur un ordre du jour, que les événements de décembre 1962 eurent lieu à partir de l’Assemblée nationale. Partant de cette réalité historique, tout député devrait éviter de se dire : « Je n'ai qu'une parole, mais je n'ai pas de mémoire ».
En vérité, la priorité favorable à l’Exécutif ne va pas éteindre le droit des Députés d’exercer leur fonction de contrôle. Il s’agit simplement de le faire dans les conditions déterminées par les textes fondamentaux.
De tout cela, il faut fondamentalement garder à l’esprit la nature du régime politique, expression de la volonté souveraine des Sénégalais. Dans un régime parlementaire, comme c’est visiblement le cas en France, on aurait revendiqué la prévalence de la motion de censure sur l’ordre du jour déposé par l’Exécutif.
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