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Chronique
Depuis quelques jours, dans plusieurs localités, les gouverneurs, préfets et sous-préfets installent les bureaux des collectivités locales avec une certaine effervescence, du reste, compréhensible. C’est tout à l’honneur de la démocratie sénégalaise et de la citoyenneté active. C’est une occasion propice pour nous de nous pencher sur la physionomie des administrations dites locales et de souligner l’hypertrophie manifeste caractérisant paradoxalement la plus petite et la plus grande d’entre elles : Dakar.
Chacune des quatorze ( !) régions du Sénégal compte un conseil régional, des mairies et de nombreuses communautés rurales. Nous sommes à l’heure de la gouvernance de proximité, dira-t-on. Soit ! Mais à y regarder de plus près, le cas de Dakar est vraiment atypique et interpelle un regard critique. Cette circonscription administrative régionale abrite, tenez-vous bien, un conseil régional, six maries de villes (Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque, Bargny et Sébikotane), 43 communes d’arrondissements et deux communautés rurales (Sangalkam et Yenne). Plus de cinquante collectivités locales sur 0,28% du territoire national. Si l’on pousse le bouchon en y ajoutant le gouverneur, les préfets et sous-préfets sans oublier, entre autres, le Président de la République, le Premier Ministre, le Ministre de l’Intérieur, le ministre des collectivités locales, le ministre de l’Aménagement du Territoire, et l’éventuel ministre de la ville-appelé de leurs vœux par des libéraux- qui officient tous à Dakar, c’est la totale ! La capitale ploie, sans nul doute, sous le poids de sa gouvernance administrative et politique. Avec quels résultats ? Mystère et boule de gomme ! En revanche, ce qui est certain et le moins que l’on puisse dire, c’est que la camisole que porte Dakar est de taille XXL, trop ample pour reprendre le lexique couturier. Les médecins parleraient notamment de surcharge pondérale et d’urgence à suivre une cure d’amaigrissement contre cette obésité. Et à juste raison. Par exemple, la fonction de gouverneur est plus pertinente dans des pays très peuplés avec des Etats fédérés comme les Etats-Unis d’Amérique ou le Nigéria que dans des pays à superficie limitée et à faible démographie comme le Sénégal. Mais au-delà des considérations purement formelles, se pose la question de fond qui tourne autour des ressources de ces collectivités locales. Avec leur multiplication, certaines communes et communes d’arrondissements souffrent d’un déficit d’assiette fiscale et de source de recettes à cause de l’étroitesse ou de l’indigence de leur superficie communale. Elles ne survivent que grâce aux subsides de l’Etat. Cet émiettement a fini de transformer nos collectivités locales de simples faire-valoir dépourvus de ressources propres. Cette charcuterie administrative à outrance n’est ni viable, ni vivable. Une évaluation exhaustive de la réforme de 1996 aurait dû être faite pour espérer une amélioration de la politique de décentralisation. Une gestion de proximité ne nécessite guère une telle pléthore d’administrateurs dont les compétences s’entrechoquent et s’annulent dans le réduit dakarois. Cette surcharge est rendue davantage inopérante par le cumul de responsabilités avec des ministres et président d’institution qui occupent également des postes de maires. Cela crée une gestion par procuration handicapante qui tente de faire croire que certaines personnes seraient indispensables. La gouvernance de proximité exige de la disponibilité et surtout de l’engagement. Elle fait haro sur l’administration de week-end qui ne réserve que le reste de son temps à ses administrés. Aujourd’hui, il est nécessaire de rationaliser le découpage administratif en tenant compte d’un équilibre démographique, économique et territorial. Les spécialistes de l’Aménagement du territoire ont suffisamment déploré la macrocéphalie que symbolise Dakar dans le Sénégal. Elle concentre l’essentiel des activités politiques, économiques et sociales au grand dam du reste du pays. Ainsi, une nouvelle réforme administrative s’impose pour passer de la gouvernance de quantité à une gouvernance de qualité qui sera bâtie sur le primat de l’action efficace et efficiente sur le discours stérile et la logique d’accaparement et d’enrichissement. Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com
Le très attendu sommet du G20 (vingt) n’a pas été vain. Au-delà de l’homonymie entre vingt et vain, beaucoup craignaient fortement un cuisant échec. Un sommet de plus qui viendrait doucher notamment les ardeurs des «grands» de ce monde.
L’écrivain français Jacques Attali prédisait que le G20 serait «un échec programmé». De l’avis de l'ancien conseiller de François Mitterrand, faisant dans l’ironie, « nous vivons sous la domination du modèle anglo-saxon, qui n'a aucun intérêt à remettre en cause son propre système financier. Avoir organisé le G20 à Londres, c'est comme organiser une réunion d'alcooliques dans un bar où l'on sert du vin». Son pessimisme humoristique compréhensible n’a pas pour le moment prévalu. Et les protagonistes du G20 semblaient comprendre l’ampleur de la mission. Le cadre était déjà bien campé dans le bien nommé centre de conférence EXCEL, proche de l’excellence. Il n’en fallait pas moins pour répondre aux défis urgents et structurels lancés par la crise économique et financière mondiale. En définitive, même la redoutable guerre de Troie entre partisans de la Relance, ceux de la Régulation et les pays émergeants n’a a as eu lieu. Les deux rives de l’Atlantique on su noyer leurs profondes divergences dans l’océan du réalisme et de la responsabilité. Et cerise sur le gâteau, les manifestants alter mondialistes et écologistes ont été servis sur le plateau de l’approche environnementale prônée pour le « redéveloppement » économique. Finalement la grand’messe a été porteuse d’un message intéressant. Il ne faut donc pas, car la tentation est grande, cracher sur les résolutions du sommet de Londres. Ce n’est certes pas une panacée ou une poudre de perlimpinpin mais le préjugé peut être favorable. Déjà, plus de mille milliards de dollars seront débloqués pour la relance de cette machine en panne pour laquelle une meilleure régulation est prévue afin d’éviter de graves dérives préjudiciables à la stabilité mondiale. Mais gare à l’euphorie et au triomphalisme. Car il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Le plus dur reste à venir. La mise en œuvre de ce vaste chantier de réformes et de contrôles est une autre paire de manches. Il est vrai que des efforts accrus doivent être déployés en ce qui concerne notamment la dette, véritable boulet pour les pays du sud et l’émigration surtout clandestine qui charrie des drames inouïs. Toutefois, il convient de saluer l’esprit d’unité qui a présidé lors de cette rencontre du G20 à Londres et de celles qui l’ont suivie quelques jours après à Strasbourg pour le 60èmeanniversaire de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), à Prague pour le sommet USA-UE et même le déplacement du président américain Barack Obama en Turquie, trait d’union entre l’Orient et l’Occident. Cette inflation de sommets repose sur un dénominateur commun : la volonté de changer le cours anormal des choses. Pacifier, en un mot. Aux grands maux, les grands remèdes. On peut formuler tous les griefs sur les modalités mais une constante demeure : la prise de conscience effective que la situation ne peut impunément rester en l’état. C’est un principe fort. Le caractère éclectique des convives du G20 (USA, UE, Chine, Inde, Afrique du Sud Arabie Saoudite, etc.) montre que la diversité n’est pas antinomique à l’unité d’actions. Cet esprit de dépassement fait d’union, de mobilisation pour changer les choses est louable, comme l’a souligné le Premier ministre britannique Gordon Brown qui parle de la naissance d'un«nouvel ordre mondial, le jour où le monde s'est mis ensemble pour combattre la récession». L’expression est lâchée : rassemblement. Rien de moins ! Au Sénégal, toutes proportions gardées et devant les nombreux défis qui nous assaillent, c’est ce qui nous fait cruellement défaut ! Le discours du chef de l’Etat à l’occasion de la fête de l’Indépendance a cherché à faire écho à cette nécessité historique du dialogue. C’était tout à son honneur mais l’adresse solennelle du président Wade a finalement raté le coche. La tonalité de l’allocution présidentielle a été élevée jusqu’à hauteur de la station vice-présidentielle et a butté sur le statut du chef de l’opposition. Ces deux points sont des goulets d’étranglement dans la marche actuelle de notre pays. Le poste de vice-président est superfétatoire et peut empoisonner l’atmosphère actuelle. D’abord, il est un potentiel doublon de celui de Premier ministre. Ensuite, son érection fera inutilement saliver l’opposition et la société civile sur la volonté du chef de l’Etat de créer pour quelqu’un un raccourci institutionnel pour accéder au sommet sans passer par le suffrage universel. Une sorte de courte échelle pour grimper à la station suprême. Enfin, cette fonction induira des dépenses budgétaires non prioritaires. Pour ce qui est du statut de l’opposition et de son chef, c’est également inopportun. Désigner un patron pour l‘opposition, c’est comme essayer choisir un général de guerre à des troupes ennemies. La manœuvre est déjà qualifiée de tentative de diversion par ses destinataires. Une autre déclaration malheureuse est celle tenue par le n°1 sénégalais à l’issue du défilé du 4 avril. « Personne ne pense, aujourd’hui, s’attaquer au Sénégal ». Pour une parade qui célébrait la diplomatie, on pouvait vraiment trouver mieux. Le tigre n’a pas besoin de crier sa « tigritude », professait le Prix Nobel nigérian Wolé Soyinka. Fermons cette parenthèse peu diplomatique. Rangeons les vestiges et reliques politiciens dans les placards de l’histoire et ouvrons les chantiers d’une gouvernance de propulsion. Tant que les logiques politiciennes et clientélistes l’emporteront sur les urgences et exigences citoyennes et républicaines, nous voguerons sur des eaux troubles. Tourner la page des élections, s’impose mais à commencer par le président de la République, la clé de voûte des institutions pour ne pas dire le maître du jeu habitué à déplacer constamment des pions sur l’échiquier politique. Ces postures ludiques deviennent à la longue caduques. Quant à l’opposition, l’oreille citoyenne lui dit de cesser de jouer sur le tempo suranné et peu agréable du fichier électoral. Les dernières consultations du 22 mars ont su démontrer que le contentieux électoral est plus virtuel que réel. Le seul contentieux qui vaille est celui du management des affaires publiques. Tout le reste n’est que dérision et supputation. La crise actuelle appelle à la mobilité des lignes rigides entre la traditionnelle gouvernance solitaire et l’opposition de dénonciation stérile. Le message électoral pourrait s’imaginer ainsi qu’il suit : trêve de chicaneries, unissez-vous (Bennoo) et cheminez ensemble (And) pour changer les choses (Sopi). Nous passerions de l’état brut des slogans de campagne au stade de la réalité palpable pour le bien-être et l’épanouissement des Sénégalais. Les lignes sont appelées à évoluer sensiblement au bénéfice de tous. Ce qui est urgent, c’est de réfléchir sur un consensus dynamique et non monolithique pour sortir du creux de la vague et débloquer notre Etat-Nation, bloqué par des querelles de bas étage. C’est à cette condition seulement que la locomotive qu’est la classe politique dirigeante pourra conduire la nation à bonne destination. Faute de quoi elle sera obligée de changer de conducteur à la prochaine gare pour espérer apercevoir la lumière au bout du tunnel. Quand le G20 parle de "nouvel ordre économique mondial", nous pourrions ici parler de " nouvel ordre politique national" qui transcende et décloisonne les clivages habituels et inopérants. Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com Un Nouveau rendez-vous sur Pressafrik.com. "Optique citoyenne" est une chronique hebdomadaire que vous propose un jeune citoyen qui a son mot dire sur la marche de notre société. Tous les mardis, il va analyser les faits saillants de l'actualité de la semaine ou prendre position sur un fait de société qui mérite bien une réflexion. Abdoulaye Sylla s'ouvre à vous visiteurs de Pressafrik.com tout espérant que des échanges fructueux et bénéfiques à tous vont couronner ses chroniques.
Les électeurs sénégalais sont les seuls maîtres de leur destin
Exit les élections locales, place aux périlleuses opérations de compositions des conseils ruraux, municipaux et régionaux. C’est une sorte de second tour ou de prolongations que vont jouer les conseillers élus par les populations. Ces élections de maires et autres présidents de conseils risquent, si l’on y prend garde d’être âpres et même désastreuses pour les coalitions victorieuses notamment celles de l’opposition.
D’ores et déjà, à Dakar, Diourbel, Louga, Matam pour ne citer que ces localités, le rêve de porter l’écharpe tricolore aiguise bien des appétits même les plus refoulés et soigneusement tus pour ne pas éveiller des soupçons. Dans les rangs de l’opposition, en lieu et place du « bennoo » (unité) ou du « and » (cheminer ensemble), les intérêts personnels et partisans risquent de prendre le dessus, ignorant par la même occasion le message fort et sans ambiguïté lancé par les citoyens sénégalais, le 22 mars dernier. L’opposition joue ainsi gros avec l’élection des exécutifs des conseils locaux. Il y va de son proche avenir politique. Si elle veut émettre des gages de crédibilité et traduire en actes palpables la confiance placée en elle, elle a le devoir de taire les querelles de clocher et les ambitions privées et égoïstes au profit de l’intérêt général. Concept en net recul sous nos tropiques. Pour dire vrai, ceux qui ont conduit les listes majoritaires méritent d’être élus, en toute logique, comme maire ou président de conseil pour avoir courageusement engagé leurs responsabilités, prenant des risques certains d’être éliminés. Alors que ceux qui sont confortablement investis sur les listes proportionnelles mêmes battus peuvent siéger dans les conseils. La logique et la bienséance voudraient qu’ils soient positivement sanctionnés pour avoir victorieusement conduit leurs listes. A ce titre les pouvoirs locaux leur sont prioritairement destinés. Aucune querelle objective ne peut leur être valablement opposée dans la prise des rênes des pouvoirs locaux. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, disait fort à propos Corneille dans le Cid. En sus, rien ne devrait justifier que l’on s’étripe pour être maire. La nouvelle conception ordonne une gestion collégiale et même participative et plurielle, dans la mesure où les populations demandent à être mieux associées dans la gestion de leur propre cité. Le management solitaire a été sévèrement sanctionné et est devenu caduc. Les administrés ne veulent plus de ces maires roitelets tout-puissants qui font la pluie et le beau temps, distribuant illégalement des terres, octroyant des secours à soubassement politicien ou encore recrutant de manière népotique des personnels. Cette page est à tourner au grand bonheur du développement local. Une nouvelle ère de gouvernance locale est en gestation, cornaquée par des équipes aux compétences variées et éloignées des agendas immédiats, clientélistes et sordides. L’immensité des tâches dans les communes et communautés rurales exsangues commande de ne point s’entretuer devant les défis urgents. Eux seuls méritent d’être attaqués ! Certes, la politique n’est pas une affaire d’anges, les tentatives d’achat de consciences des conseillers le prouvent, mais elle doit de plus en plus s’éloigner des sphères diaboliques. Ceux qui aspirent réellement et sincèrement à servir leurs concitoyens pour leur bien-être ne se battent pas pour des postes de sinécures et autres moelleux maroquins plus utiles à la somnolence et à l’oisiveté. Le peuple arbitre et souverain du 22 mars a durement réprimé les adeptes de la castagne pour des intérêts privés. Les exemples des communes de la Médina et du Plateau sont assez éloquents. Là-bas, pendant la campagne électorale, des candidats en vue ont offert des spectacles tragi-comiques où la violence se le disputait au ridicule. Ils ont tous été désavoués. Cet avertissement est valable pour ceux-là mais aussi pour tous les apprentis sorciers qui seraient tentés de croire, un seul instant, que la confiance provisoire qui leur est accordée est une propriété léguée. L’opposition tient par le contrôle des collectivités locales, une belle occasion de monter ce dont elle est capable. Le discours seul ne suffit plus. Les actes ont maintenant la parole. Par conséquent, l’intérêt renouvelé pour ses icônes est à la fois une opportunité et un piège. Si les revenants et nouveau venus ne réussissent pas à transformer cet essai en réalisation, pour dévaliser le jargon du rugby, ils se mordront dangereusement les doigts et la majorité présidentielle, fortement secouée par 2009, s’en léchera les babines en direction de la ligne de fond de 2012. La tâche ne sera pas du tout aisée. Le pouvoir d’en face ne leur offrira pas sur un plateau d’argent les moyens de leurs ambitions malgré les assurances du chef de l’Etat. Il a annoncé solennellement lors du dernier conseil des ministres qu’il n’allait pas entraver le travail des collectivités locales. On le prend au mot. Mais en fin manœuvrier, Me Wade cherchera le beau rôle quel que soit le bilan de ses cohabitants. Ces derniers vont donc travailler dans un cadre relativement hostile. Dans la gestion du pouvoir local, il s’agira moins de résoudre tous les problèmes des administrés que de leur donner des gages de sérieux dans la conduite des neuf compétences transférées. Les élus locaux ne peuvent pas tout faire mais ils ont la possibilité de beaucoup faire avec les ressources humaines, matérielles et financières dont ils disposent .Il leur faudra de la créativité, de l’intégrité et l’appui sur toutes les compétences disponibles pour mener à bien leurs missions. Ces dépositaires des voix citoyennes seront jugés à l’aune de la qualité du management local en ce qui concerne l’Education, la Santé, la Jeunesse, les Sports, la Culture, la Planification, l’Aménagement du territoire, l’Urbanisme, l’Habitat et l’Environnement. Ce sont des domaines très larges qui autorisent toutes les bonnes initiatives de concert avec l’Etat. L’esprit républicain exige du président Wade qu’il lâche du lest afin de permettre aux exécutifs locaux de travailler et de donner corps à la décentralisation chantée depuis des années sur tous les tons. La coopération décentralisée est également un levier crucial sur lequel devront appuyer les élus pour atteindre les objectifs que les subsides de l’Etat et des contribuables ne peuvent pas toujours satisfaire. Le 22 mars a réveillé un fol espoir qu’il ne convient pas d’étouffer. Il demande seulement un encadrement et une prise en charge responsable pour aller de la bonne gouvernance à la juste gouvernance. Le peuple veille au grain et saura trier la bonne graine de la gouvernance de l’ivraie politicienne. Finalement, être maire, ce n’est pas la mer à boire ! |
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