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Chronique
Ainsi donc le Président (PR) se choisira bientôt un Vice-président (VPR) après le vote controversé du projet de loi constitutionnelle instituant ce n°2 virtuel dans le protocole d’Etat. Un second, éventuellement une femme, dans l’ordre de préséance dont l’instauration manque assurément de bienséance. Contre vents et marée, la « majorité libérale » a imposé sa volonté de puissance. La levée de bouclier contre le poste pour son caractère superflu et inopportun a été quasi générale.
Mais il n’empêche, et comme d’habitude, l’abus de majorité a joué toute sa partition faisant fi de toutes les urgences et attentes légitimes exprimées lors du dernier scrutin. Le Vice-président est paradoxalement présenté comme l’oreille (mieux entendante) du Chef de l’Etat qui souhaite partager son pouvoir en se déchargeant sur lui. Qu’on est loin de la « dualité au sommet » ! Mieux il sera Son ombre, dit le Ministre de la justice Me Madické Niang, dont la plaidoirie à l’hémicycle a été laborieuse pour dire le moins. Le VPR ou VRP (Vrai Représentant du Président) malgré le bel emballage messianique de ses promoteurs part visiblement avec un handicap congénital. La place protocolaire qui est la sienne semble contredire ses pouvoirs négativement énoncés par des : Il ne peut pas… Si on y regarde de plus près ses attributions très limitées, du moins pour le moment, on se rend compte que l’étendue des prérogatives du futur préposé à la tâche est inversement proportionnelle à la tonalité pompeuse de son titre. Sa position sera inconfortable et vulnérable dans l’espace présidentiel qui sera le sien. Il est révocable à tout moment, est dépourvu de budget propre car dépendant directement des subsides présidentiels pour survivre. L’embouteillage au sommet (Sénat, Conseil économique et social, Pm, Secrétariat général de la présidence, Cabinet…), risque d’être dense ! Le VPR est assimilable à un produit éclaircissant dont l’usage à court terme donne une illusion de beauté mais qui se révèlera à la longue désastreux pour son utilisateur. Mais attention à ne pas limiter toute l’attention au décor actuel de ce poste polémique. La procédure d’installation encours de la vice-présidence démontre que le Président n’a pas encore révélé le fond de sa pensée. Il avance masqué et procède par dose homéopathique comme avec les produits éclaircissant la peau. On est probablement en face d’une sorte de « teasing politique» à l’image de cette technique marketing du dévoilement progressif et souvent inattendu d’un bien ou service. La campagne publicitaire démarre par des messages énigmatiques pour mieux susciter la curiosité et l’attention. Une marque sénégalaise de téléphonie mobile l’a utilisé il y a quelques années en faisant penser au départ à une ligne de vêtements. Le président Abdoulaye Wade sait user avec astuce de calculs souvent d’apparence banale, certains l’appellent génie politique tandis que d’autres parlent simplement de manœuvres politiciennes. Son nouveau produit politique est porté par un VRP (Vendeur, Représentant Placier), une nouvelle interface ou une roue de secours pour négocier certainement la sortie présidentielle. Mais le risque de crevaison existe sur cette route sinueuse qui doit mener vers le sommet. Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com
Le locataire du palais présidentiel en passe de cohabiter avec un vice-président si la loi passe
Avec le président Abdoulaye Wade, on a l’impression de ne jamais toucher le fond. Chaque jour réserve sa dose de surprise. Avec notre chef d’Etat bien éclairé, on n’est pas à un étonnement près. Cela n’est pas, paradoxalement, surprenant pour quelqu’un qui se définit comme un homme nuancé. Mais cela n’autorise pas tout. Les créations suivies de dissolutions du Craes, du Conseil économique et social et du Senat sont les témoins illustres de cette course vers l’insolite.
Talleyrand avait bien raison de dire que tout ce qui est excessif est insignifiant. Sa pensée épouse parfaitement ce que la démocratie sénégalaise vit actuellement notamment avec le dernier avatar de la vice-présidence de la République. Un projet de loi en procédure d’urgence est mis en œuvre cette semaine pour instituer, un poste de vice-président(e) pour renforcer, clame-t-on, la présence des femmes dans les instances de décision. Mon œil ! Quelle urgence y a-t-il à instaurer une vice-présidence dans un contexte économique et social difficile ? Quelle nécessité y a-t-il également à nommer un(e) vice-président(e) alors qu’il y a un Premier ministre et une quinzaine de ministres d’Etat ? Les réponses citoyennes coulent de source ! Le tour de passe-passe consistant à maquiller du fard féminin le projet est une manœuvre cousue de fil blanc. La volonté (apparente) de rétablir une injustice n’est pas critiquable dans le fond mais la démarche sent à mille lieues la combine. L’approche genre n’est que l’arbre qui cache la forêt dense des visées et ambitions politiques. Il n’y a pas intérêt à vouloir opposer les femmes aux hommes. C’est simplement est inopérant. Ils sont complémentaires comme les lames d’une bonne paire de ciseaux ou les deux unités d’une harmonieuse paire de chaussures. Si la vice-présidence appartient aux femmes, cela voudrait dire que la présidence, elle, appartiendrait exclusivement aux hommes. C’est un cadeau empoisonné. Cela va sans dire que l’opportunité et l’utilité de la vice-présidence sont problématiques. Le genre est ici plus l’artifice que l’essence du poste à ériger. Si le souhait ne souffrait d’aucune ambiguïté de promouvoir les femmes, n’aurait-il pas été plus simple et efficace de densifier la participation des valeureuses dames au gouvernement qui vient d’être mis en place. 5 femmes seulement sur 35 ministres (y compris PM et Secrétaire général) ? Le Sénégal, réputé, pour la qualité de ses ressources humaine, ne manque pas assurément une dizaine voire une quinzaine de femmes compétentes pour prendre place au gouvernement. Au lieu de cela, on crée un embouteillage au balcon de l’exécutif avec toutes les lourdeurs institutionnelles, budgétaires et politiques. Dans une récente chronique, nous parlions de gouvernance de quantité, en lieu et place de la légitime gouvernance de qualité, nous sommes loin d’apercevoir le bout du tunnel. Même les constitutionnalistes et les politologues perdent leur latin dans cet embrouillamini juridico-politique. La charte fondamentale en vient à être assimilée ironiquement par certains à un cahier de brouillon qui, à force de ratures devient illisible. Il nous faut retourner à l’orthodoxie et aux soucis citoyens qui exigent de poser quotidiennement des actes qui n’ont pour finalité absolue que la satisfaction des préoccupations des populations au nom desquelles se fait l’action politique. Seule cette politique est durable et viable. Créer un écran de fumée « vice-présidentielle » pour brouiller les pistes de la succession est un calcul risqué pour la bonne gouvernance au regard des tensions politiques, sociales et économiques inutiles qui peuvent en découler. Si la création de ce poste aboutit, ce sera l’illustration après le gouvernement élastique, que la leçon du 22 mars a été non sue. Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com
Le Premier ministre du Sénégal, Souleymane Ndéné Ndiaye à la lecture du décret de nomination
Aïe ! Les regrets affleurent à la lecture de la nouvelle composition du gouvernement. Après le 22 mars dernier beaucoup avaient juré que le Chef de l’Etat avait bien décodé le message lancé par les urnes. Lui-même, lors de son traditionnel discours du 3 avril, a soutenu avoir compris les Sénégalais qui lui ont parlé par le biais des suffrages. Les plus optimistes applaudissaient des deux mains et ont certainement poussé un ouf, enfin il est arrivé ! Mais les plus sceptiques, plus réalistes le prenaient au mot, l’attendant au tournant des actes qui sont plus éloquents que les mots. Et ils n’ont pas été déçus par leurs craintes. « Chassez le naturel, il revient au galop », dit l’adage tropicalisé qui donne : « le séjour du tronc d’arbre dans le marigot ne le transformera pas en crocodile ».
Ce qui frappe de prime abord dans ce que gouvernement, c’est l’effectif encore pléthorique. 33 membres, compte non tenu du Premier ministre et du Secrétaire général du gouvernement qui sont également des ministres. L’attente légitime et réalisable était de réduire la taille de l’attelage à 20 ministres au maximum. Des pays hautement plus riches que le notre le font (USA, Espagne, Japon, le Ghana en a 23). Objectivement, l’architecture actuelle du nouveau gouvernement montre qu’il était possible de regrouper plusieurs départements pour des soucis d’efficacité, de cohérence et de budget, si l’on sait le caractère dispendieux des cabinets ministériels. Les exemples sont nombreux. Qu’il nous suffise d’en citer quelques uns. L’agriculture dont le titulaire après avoir été félicité pour les résultats de la GOANA a été remercié voit son département envahi par trois personnes : Mme Fatou Gaye Sarr, ancienne ministre déléguée de Hamath Sall, chargée du développement rural devient ministre de l’agriculture et de la Pisciculture. Khadim Guèye est délégué aux relations avec les organisations paysannes et à la Syndicalisation des agriculteurs (ne riez surtout pas, le CNCR et Forces paysannes apprécieront). Et cerise sur le gâteau des paysans, Mme Aïda Mbodj fait son come-back pour gérer la transformation alimentaire des produits agricoles. A quoi sert, dans ces conditions, le ministre de l’industrie et des Pme ? Pour orner la galerie ! Cela empiète également sur le ministère attribué à Thierno Lo qui s’occupe des relations avec le secteur privé et le secteur informel. Il en est de même pour l’Education dispersée dans trois ministères différents. Ce qui en rend la coordination extrêmement ardue. Les transports obéissent à cette même logique d’émiettement injustifiable. Trois ministres s’en occupent (Karim Wade, Abdourahim Agne et Khoureichi Thiam). On aurait pu comprendre, à la limite, l’association entre les transports aériens et le tourisme qui sont très liés. La communication revient à la place de l’information sans les Télécommunication et les postes qui se joignent miraculeusement aux transports terrestres (détachés des infrastructures) et des transports ferroviaires. Kafkaïen, tout cela ! Les attributions sont encore éparpillées même si des efforts de rationalisation sont notés avec l’Hydraulique qui devient une et la jeunesse et les sports qui sont réunis. Vivement la publication du décret de répartition des services pour y voir plus clair dans ce brouillard provoqué. A coté de la pléthore, la dénomination des ministères pose aussi problème. Elle est pour le moins excentrique et inutilement longue. Au moins deux cas l’illustrent parfaitement. La ministre d'Etat, Ministre de la Famille, de la Solidarité nationale, de la Sécurité alimentaire, de l’Entreprenariat féminin, de la Microfinance et de la Petite enfance. Six attributions pour un intitulé de ministre en plus du galon de ministre d’Etat. Mme Khady Diop risque, elle-même, de s’y perdre. Le département du nouveau ministre d’Etat Karim Wade n’échappe pas à la règle. Il polarise la coopération internationale, l’aménagement du territoire, les transports aériens et les Infrastructures. Le journaliste de Rfi Sébastien Jédor, en parlant de ce ministère hier lundi, ne s’est pas gêné de finir sa phrase par … j’en passe. Le persifleur était apparemment à bout de souffle. Que dire du ministre délégué auprès du ministre de l’Agriculture et de la Pisciculture, chargé des relations avec les Organisations paysannes et de la Syndicalisation des agriculteurs aux relations avec les organisations paysannes et à la Syndicalisation des agriculteurs (ne riez surtout pas, le CNCR et Forces paysannes apprécieront). Au Sénégal, on n’a pas encore compris que le ministère doit être générique dans son appellation. Quand on dit famille, il n’est pas besoin de préciser petite enfance, sinon il faudrait ajouter mari, femme, adolescents et tutti quanti. C’est superfétatoire. Point n’est besoin de revenir sur l’instabilité ministérielle dont les symboles sont les ministères de la santé et de la culture. On y a vu défiler autant de ministres que l’alternance compte d’années. De même, le profil des ministres est sujet à caution. Quand on limoge une ministre de la santé Safiétou Thiam, docteur en médecine, pour incompétence ( ?), on ne la remplace pas par une novice (Thérèse Coumba Diop), ingénieure des transports alors qu’un autre médecin vétérinaire (Dr Serigne Modou Bousso Lèye) est envoyé à la culture. Le ministère des transports maritimes où elle aurait pu valablement servir est occupé par un diplômé en science politique (Khoureichi Thiam). Pendant ce temps, le ministre des collectivités locales (Aiou Sow), journaliste et docteur en lettres, atterrit aux collectivités locales alors qu’il pouvait utilement siéger à la communication… Il est difficile de terminer ce chantier de l’incohérence. Et l’incohérence rend impossible la cohésion nécessaire à l’efficacité de l’action. Bref on aurait pu franchement rationaliser. Le vrai faux-départ d’Ousmane Ngom et l’amputation restitution de l’Economie au ministère des finances sont des signes évocateurs des solides légèretés au plus haut sommet. Comment peut-on nommé un ministre vendredi et le limoger lundi. Pas un seul jour ouvrable. Ibrahima Cissé a même battu, à son corps défendant, le triste record de Mme Marie Lucienne Tissa Mbengue qui avait vécu une semaine en tant que ministre dans le premier gouvernement de Moustapha Niasse. Voila pour le décor administratif. Qu’en est-il maintenant pour l’aspect politique voire politicien. Si le régime libéral était un corps humain, on pourrait y diagnostiquer un autisme profond du nom de ce mal caractérisé par un repli sur soi pathologique accompagné d’une perte de contact avec la réalité. Sinon comment comprendre qu’après la sévère douche froide du 22 mars, qu’il ne change pas d’attitude ? L’appel, pour audible qu’il soit, est visiblement tombé dans l’oreille d’un sourd. Dans un article publié au lendemain des élections locales et intitulé « Après le coup de semence du 22 mars, il ne faut pas baisser la garde », nous avions alerté sur la nécessité de ne pas verser dans le triomphalisme. Voici ce que nous avions écrit : « (…) attention, le virtuose de la politique qu’est Me Abdoulaye Wade n’est pas du genre à abdiquer ou à lâcher prise à la première escarmouche. Oh que non ! Quand il a une ambition, il n’en démord pas facilement. On n’est pas opposant durant 26 ans pour rien. De l’endurance, il en a certainement à revendre. Son marathon mouvementé, pendant cette dernière campagne malgré son âge avancé, en est une preuve irréfutable. Son génie politique pourrait le pousser à imaginer et construire un autre scénario de succession anti-démocratique (…) ». Et nous avions ajouté : « La vigilance est de mise pour le peuple qui a refusé d’acheter la camelote qu’on a voulu lui refourguer sous un bel emballage fait de ponts, routes et hôtels (inachevés), extrêmement onéreux pour le contribuable sénégalais. » Karim Wade a été désavoué sans ambages par les électeurs dans sa volonté de contrôler la mairie de Dakar. Le Chef de l’Etat usant de son pouvoir de décret a changé de fusil d’épaule sans sourciller pour contourner ce rejet. Il installe sur le banc d’essai gouvernemental son fils dont les Sénégalais ignorent certainement les talents. Il occupe avec le titre de ministre d’Etat un méga ministère aux compétences aériennes et terrestres. Qui dit mieux ?! La sanction a été manifestement sélective. Quand Ousmane Masseck Ndiaye, Bacar Dia et Awa Ndiaye ont été « remerciés » pour avoir perdu à Saint-Louis, Cheikh Tidiane Sy, Ousmane Ngom, Ndèye Khady Diop ont miraculeusement survécu à l’opération de nettoyage des écuries d’Augias. Avec à la clé des postes de ministres d’Etat, des galons supérieurs et des retours inespérés. A la place d’un gouvernement sociable, on a droit à un gouvernement de combat qui est politiquement armé pour préparer les échéances de 2012. Mais un homme d’Etat pense à la prochaine génération tandis qu’un politicien songe à la prochaine élection. Une réforme culturelle de la pensée et des modes d’actions nous est plus que salutaire. Le gouvernement de Me Souleymane Ndéné Ndiaye, même formé un 1er mai, traîne un handicap de départ. Il est bâti sur une logique de conflit et de reconquête. Le fait qu’il soit dirigé par un avocat, sorti victorieux dans sa localité, est loin d’être anodin. Cet attelage ne part pas avec la faveur des pronostics eu égard aux nombreux obstacles politiques, économiques et sociaux qui se dressent sur son chemin. La tâche est immense a dit Cheikh Hadjibou Soumaré à son successeur qui promet de ne pas décevoir le chef de l’Etat (lui seul ?) en agissant plus et en parlant moins. On voudrait bien le croire. Comme outsider, son équipe peut bien surprendre-on le souhaite pour le Sénégal- mais c’est d’autant plus incertain que la marge de manœuvre va être encore plus réduite. Wade sait qu’il joue gros pour ne pas dire son va-tout. Le temps lui est compté dans cette course contre la montre. Trois ans pour persuader que son camp pourrait garder le pouvoir dans la perspective des 50 ans souhaités. Toutes les manœuvres sont possibles. Cependant, le peuple veille au grain et n’a pas encore tiré toutes ses cartouches, avions nous encore dit. Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com L'axe Paris-Dakar a été marqué, la semaine écoulée, par le pardon dans le discours et dans l’action. De part et d'autre, ce concept a occupé l'espace public. Jugez-en !
Libéré de prison, le journaliste El Malick Seck remercie le chef de l'Etat
Dans l'hexagone, Ségolène Royal a demandé pardon, au nom de la France, au Président du gouvernement espagnol suite à des propos attribués à Sarkozy. Le président français aurait traité, lors d’une rencontre avec des parlementaires, José Luis Zapatero de « pas très intelligent ». On dirait que Sarko tient un baromètre de intelligence humaine et civilisationnelle. Mme Royal en a profité pour présenter des excuses à son camarade socialiste espagnol. Une récidive du pardon formulé à Dakar pour les paroles regrettables de son ancien rival tenuess à l’Université Cheikh Anta Diop contre « l'homme africain pas assez entré dans l'histoire ». Cela a suscité un tollé et l'emballement médiatique jusqu'à Madrid. Là-bas, on a reproché à la présidente de la région du Poitou-Charentes d'être dans des prolongations sans fin du match présidentiel perdu de 2007. Et au vainqueur d' «oser tout». Moquerie, raillerie ou querelle avec des paysans et de jeunes gens. C'est le « style présidentiel » mais l'audace a des limites, sinon elle épouse les contours de la témérité impertinente.
Sous nos tropiques, également, le pardon fait débat. Le Président Abdoulaye Wade a accédé à la demande de pardon du journaliste El Malick Seck en lui accordant sa grâce, non sans extrapoler par un « rokki mi rokkam » (troc astucieux). Il a fait libérer, par la même occasion, les 12 casseurs des locaux des journaux 24 Heures Chrono et l'As et éloigné des griffes de la justice leur commanditaire. Tout cela pourrait relever de la grandeur et du dépassement s’il n’était mû par des visées opportunistes. Cela (re)pose avec acuité les notions de liberté et de responsabilité notamment dans le domaine public. La démocratie est, par essence et par excellence, un creuset de tolérance, d'indépendance, de libre exercice de ses droits et prérogatives mais aussi de respect strict de ses devoirs et des exigences et normes citoyennes. Occuper tout le périmètre de ses droits sans empiéter illégalement sur celui d'autrui quel qu'il soit. Tous les citoyens doivent être mis sur un pied d’égalité. La presse, affublée du titre honorifique de quatrième pouvoir, a un rôle crucial dans ce jeu démocratique. Sa responsabilité est donc lourde, en ce sens qu'elle doit jouer le rôle de vigie sur la conduite des affaires publiques. Pour mener à bien sa mission, la presse doit avoir en bandoulière et comme credo la crédibilité. Cette qualité est à la presse, ce que la confiance est à la monnaie. Si elles les perdent, elles deviennent une feuille de chou ou une monnaie de singe. De la simple pacotille symbolique ! Nous aimons tellement la presse qu'on se désole souvent de la voir, devoir présenter ses excuses pour tirer son épingle du jeu. C’est une posture inconfortable. Cela donne évidemment le beau rôle aux politiques qui se drapent ainsi du manteau de miséricordieux. La dépénalisation -terme impropre- des délits de presse, si elle n'est pas un leurre est une lueur qui tarde encore à pointer au zénith de la démocratie sénégalaise. Le journaliste Abdoulatif Coulibaly a bien raison de dire qu'il est opposé à cet effet d’annonce. « C’est un piège dans lequel tous les journalistes se sont jetés. Je pars du principe que tout homme qui exerce une responsabilité dans la vie doit répondre devant le juge pénal des actes qu’il pose», a soutenu l’essayiste. Le journaliste doit pouvoir répondre de ses écrits pour ne pas donner l'impression d'être au-dessus de la loi. Les médias n'ont pas besoin de « permis de diffamation » qui constituent, en dernière analyse, un couteau à double tranchant. Une liberté factice. Il est vrai que la prison n'est pas la solution pour réprimer des délits de presse. Mais le risque d’une exonération totale est d’attirer dans la fonction d’informer juste et vrai des « irresponsables » qui s'attaqueront sans conséquence et impunément à de paisibles citoyens. S’élever au dessus de ces contingences nécessite également un renforcement des capacités des médias dans le domaine du droit. Il est devenu urgent que les professionnels de l’information s’attachent les services occasionnels ou permanents de conseils juridiques. Leur rôle consistera à éclairer les journalistes en amont sur leurs droits et devoirs au lieu d’attendre qu’il y ait procès pour jouer les sapeurs pompiers. Au demeurant, une réforme du code la presse est nécessaire pour le rendre moins liberticide donc plus respectable par ses destinataires. En attendant, ce « beau métier, comme le nomme Hervé Bourges, qui consiste à aider ses contemporains à connaître et à comprendre le monde qui les entoure et à leur permettre de formuler en toute liberté leurs jugements » mérite assurément pour sa dignité plus de retenue. L'indulgence et la contrition, c'est bien, normal et même naturel mais la rigueur, c'est encore mieux. Pour que la presse ait toujours bonne presse, c’est la seule assurance tous risques ! Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com
des jeunes talibés qui sont en train de manger dans la rue
« Savoir s’étonner à propos de tout est le premier pas sur la route de la découverte », disait un pasteur. Cette assertion lourde de sens nous montre à quel point, l’indifférence et l’insouciance sont des catégories insidieuses. A force de considérer normale une chose anormale, elle finit par l’être.
Ce 20 avril, a été célébrée au Sénégal, la journée nationale du talibé. Une occasion pour s’arrêter sur ce phénomène social pour le moins complexe. Certes, une journée est utile mais elle est loin d’être suffisante. C’est un combat de tous les jours et de toutes les énergies. La lancinante question des talibés, du nom de ces élèves de l’école coranique dont la caractéristique principale est l’errance et la mendicité, interpelle plus d’un titre. Une nécessaire prise de conscience s’impose alors pour sortir de la crise de conscience. Car, il faut avoir perdu toute capacité ou faculté d’indignation pour ne pas s’émouvoir devant le spectacle massif et désolant de ces enfants en haillons, sébile à la main et à la santé chancelante, arpentant en toute insécurité les artères des grandes villes à la quête de pitance au lieu du savoir. C’est une atteinte à la dignité du Coran parce que le Seigneur aime ce qui est beau et majestueux. La responsabilité est plurielle. D’abord, celle des parents qui envoient leurs progénitures dans les daaras sans le moindre accompagnement affectif, matériel et pécuniaire. Ces familles se défaussent complètement sur les maîtres coraniques, s’appuyant sur le prétexte qu’elles n’ont besoin que de leurs « os », allusion faite à la mort et à l’au-delà. Une part de responsabilité incombe également à ces marabouts qui acceptent qu’on leur confie des élèves alors qu’ils n’ont pas les moyens de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Ils se voient ainsi obligés de les envoyer dans la rue mendier pour obtenir de quoi vivre. Cependant, il faut noter que certains de ces préposés à l’enseignement coranique sont de véritables contrebandiers religieux qui investissent le créneau porteur à des fins bassement spéculatives. Ensuite, la société laisse faire, se donnant bonne conscience elle lâche quelques piécettes dans les « pots de tomates » de ces jeunes mendiants. Au lieu de soutenir conséquemment ces écoles pour stopper en amont le fléau qui est loin de heurter réellement la conscience blasée de nos concitoyens. Beaucoup croient encore qu’on ne peut apprendre le Coran sans mendier. Cela n’a aucune base religieuse solide. C’est simplement une tradition séculaire. Une manière de forger dans le dur des apprentis et de les préparer aux rigueurs de la vie, sans rigorisme exagéré. L’essentiel est de préserver le contenu en améliorant le contenant. L’islam ne fait pas de la mendicité une condition sine qua non pour entreprendre l’étude du Saint Livre. L’obscurantisme se nourrit de superstitions et d’idées reçues. Les chefferies religieuses devraient œuvrer à conscientiser les masses dans ce sens. Quelques guides conscients commencent à délaisser cette exploitation non fondée. En Arabie saoudite, berceau de l’islam, les élèves inscrits dans les sciences religieuses ne font pas la manche dans la rue. Ailleurs également, notamment en Afrique, ce phénomène n’existe presque pas. Cela explique la présence massive au Sénégal de jeunes talibés en provenance de la Guinée Bissau. Enfin dans cette géographie des imputations, l’Etat tient le haut du pavé. Il est anormal pour un segment de l’enseignement qui occupe des centaines de milliers de pensionnaires, de la part des pouvoirs publics, de ne pas lui accorder une attention à la hauteur de sa représentativité. On ne peut feindre d’ignorer l’importance sociale de l’apprentissage du Coran au Sénégal. Pour la plupart des musulmans, il est inconcevable d’éduquer un enfant à l’écart du texte sacré. C’est par conséquent une donnée sociologique forte dont il faut tenir compte. Si le problème perdure, c’est que les autorités ne l’ont pas encore suffisamment pris à bras le corps. Les écoles coraniques sont quasiment laissées à elles-mêmes dans un contexte de cherté de la vie. Les subventions publiques à l’enseignement privé, évaluées à près d’un milliard, leur échappent comme par enchantement. Ce qui constitue un déni de justice préjudiciable à l’équilibre sociétal, car ces institutions, pour privées qu’elles soient, remplissent également une mission de service public. Dans cette entreprise, l’Etat doit être accompagné par les bailleurs de fonds qui, en lieu et place de la simple dénonciation, doivent mieux s’impliquer. A noter que le partenariat pour le retrait des enfants de la rue initié par la Banque mondiale tarde encore à produire de véritables effets. Au-delà, l’Etat est aujourd’hui appelé, de concert avec tous les acteurs sociaux, à définir le type de citoyen qu’il veut construire pour l’édification d’une cité forte et engagée dans le chemin de l’épanouissement intégral. L’éducation étant la forge d’une nation, le chantier le plus urgent réside dans l’instruction citoyenne. Les daaras par le biais d’une meilleure réglementation avec des enseignants hautement qualifiés, un cadre adéquat aux plans de la restauration, du logement et de la santé, peuvent grandement y jouer. Plus fondamentalement, nous avons besoin de réussir la synthèse entre notre africanité et les apports fécondants de l’Orient et de l’Occident. « Rien ne se crée, rien ne se perd tout se transforme », soutenait fort justement Lavoisier. Une identité ne doit pas être figée comme l’explique le philosophe Souleymane Bachir Diagne. Tout est question de fidélité dans le mouvement. S’enraciner dans nos valeurs rafraîchies et refuser la complaisance coutumière, posture hermétique qui est le signe de la sclérose culturelle et spirituelle. L’échange mutuel fructueux est devenu un impératif dans ce monde globalisé où « la bataille se mène sur le terrain de l’esprit », selon Edgar Morin. Les daaras sont un laboratoire qu’il convient, par la réforme fondamentale, de dépoussiérer pour leur refaire jouer leur rôle avant-gardiste. La plupart des érudits, dont nous nous honorons pour leur esprit d’éveil, sont les produits de ces écoles. A l’heure actuelle, il s’agit de les moderniser pour les rendre plus « compétitives » et attractives, sans trahir leur esprit et leur âme fondateurs : mettre sur orbite une personne pleine et entière, consciente et responsable. Cela pour éviter le drame de Samba Diallo dans l’aventure ambiguë. « Il arrive que nous soyons capturés au bout de notre itinéraire, vaincus par notre aventure même. Il nous apparaît soudain que tout au long de notre cheminement, nous n’avons pas cessé de nous métamorphoser, et que nous voilà devenus autres. Quelques fois la métamorphose ne s’achève pas, elle nous installe dans l’hybride et nous y laisse », disait le personnage central de Cheikh Hamidou Kane. L’enjeu citoyen tourne, aujourd’hui pour ne pas être dépassés, autour de la réussite de ce savant dosage entre le passé et le présent pour un avenir de succès. Mais hélas, à l’image de ces bouts de bois de Dieu, pour reprendre le vocable d’ Ousmane Sembene, notre société est dans la divagation et l’errance. Nous semblons naviguer à vue au gré des intérêts du moment. Finalement, cela devient, non pas une aventure, mais une mésaventure en plus ambiguë. Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com |
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