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Chronique
Chronique: La libidocratie rampante
Il ne se passe pas un jour sans que les médias ne rapportent un cas de viol. Il ne serait pas saugrenu d’imaginer « une revue de presse des viols » au regard de l’ampleur de ce fléau. Hier, le tribunal de Dakar jugeait un prévenu de 25 ans accusé de viol sur un enfant de trois ans !

Un « exploit » mais loin du sinistre record de ce maître d’arabe reconnu coupable, la semaine dernière, d’avoir violé à Touba des dizaines de jeunes filles dont il avait la garde. Au lieu de leur apprendre le saint Coran, il assouvissait sur elles sa libido débordante. Chiche !

Il y a un, défrayait la chronique l’affaire de cette bande de jeunes filles mineures qui avait piégé et fait condamner à trois ans de prison, non purgés, de célèbres hommes publics.

Actuellement, en Italie, le président atypique du Conseil se débat dans un scandale sexuel ahurissant qui chancelle son ménage et son pouvoir. L’année dernière, le patron du Fmi avait été éclaboussé par des faveurs accordées à une ex-maîtresse et employée du Fonds.

Un ancien président américain s’était aussi, dans les années’90, signalé par sa braguette…pardon, gâchette facile jusqu’à entraîner un « Monicagate » et une destitution avortée.

Cette comptabilité sordide et peu honorable est loin d’être exhaustive. Mais arrêtons là cette longue liste.

Au Sénégal et ailleurs, les exemples de viol, harcèlement sexuel et autres attouchements illicites sont récurrents et se déroulent dans de nombreuses sphères de la vie sociale, économique et politique.

Cela pousse même à se demander si nous ne sommes pas devant une « libidocratie » en marche. C’est-à-dire la montée en puissance des désirs sexuels effrénés !

Ces attitudes sont en passe de régir les rapports sociaux pour renverser, si l’on y prend garde, l’ordre établi, les lois et le comportement civilisé. Avec cette prise de pouvoir illégitime, ce serait le règne sans entrave du plaisir pour le plaisir. Notre monde civilisé entrerait dans la bestialité, voire dans l’infra-animalité. Cette décadence est préjudiciable à une vie harmonieuse comme l’explique Oscar Wilde, « il n’y a qu’un seul péché : la bêtise ».

L’être humain est doté de désirs et pulsions naturels nécessaires et utiles pour la perpétuation de son espèce. Cependant, à l’opposé de l’animal, il est appelé, pour faire honneur à son rang, à les canaliser pour ne pas porter préjudice à autrui et déstabiliser ainsi l’équilibre social.

Ce combat est aujourd’hui des plus difficiles eu égard à libération sexuelle en vogue avec tous ses avatars (prostitution, homosexualité, transsexualité, bisexualité, pédophile, échangisme, nudisme, zoophilie, nécrophilie, que sais-je encore…).

Aujourd’hui, la liberté a tendance à se confondre avec le libertinage au grand dam de tous. Certains prônent même qu’il doit être interdit d’interdire. On connaît la suite. Le système libéralo-capitaliste qui le défendait dans l’économie en a fait l’amère expérience.

Il est en train de se réajuster en plein tourbillon financier provoqué par le laisser-faire. Ce courant de pensée en appelle maintenant au retour à la régulation salutaire. Tout le monde doit y gagner. Chacun a le devoir de commencer la régulation par soi-même.

Quand on ne veut pas que son enfant ou son conjoint ne soit l’objet de certaines pratiques sexuelles répréhensibles, il faut commencer par en bannir la possibilité d’en être l’auteur.

Le florilège de sexe à la télé, à la radio, au cinéma, dans la presse, sur Internet, dans la rue,à l’école et à l’université, dans les boîtes de nuit, les aires de jeux, au marché, dans les lieux de travail et autres lieux de socialisation, les mariages tardifs et le relâchement moral sont des freins rédhibitoires à la lutte efficace contre les abus et dérapages sexuels.

Le sexe est devenu, à la limite, un produit économique avec tout ce que cela comporte. Qu’on ne s’y trompe pas, sinon les solutions cosmétiques (emprisonnement, honte sociale…) ne produiront aucun effet durable. Les chasseurs de plaisirs, souvent coupables mais des fois victimes de l’atmosphère érotique, seront toujours à l’affût des proies faciles.

Ce combat doit agir sur plusieurs leviers dont le moindre n’est pas l’éducation. Ensuite l’information, la vigilance familiale et sociale, la lutte contre la pauvreté, la répression par l’adoption et l’application de lois drastiques pour dissuader tous les candidats à la perversité ainsi que leur surveillance.

C’est un fléau global qui nécessite une approche systémique pour son éradication, ou à tout le moins son affaiblissement intégral.
Abdoulaye SYLLA
syllaye@gmail.com

Le ton du dialogue
Dans les prochains jours ou semaines, le Chef de l’Etat devrait rencontrer les leaders de la classe politique pour un dialogue national. Nous ne pouvons que saluer cette initiative républicaine. Des acteurs qui partagent un même espace et un destin national commun ne peuvent manquer de d’échanger, dans le respect des divergences, au risque de plonger dans le chaos, à l’instar des nombreux exemples que nous connaissons en Afrique et dans le monde. Adversité et compétition ne doivent point signifier haine et inimitié. L’arbre à palabres, ancêtre de la démocratie, est une donnée historique chez nous. Les succès enregistrés par la diplomatie sénégalaise en Mauritanie et ailleurs peuvent valablement se réaliser en interne. Ils auraient ainsi plus d’éclat et de sincérité.

Il y a deux mois, juste après les élections locales, nous appelions de toux nos vœux, dans ces mêmes colonnes, à une entente nationale dans une chronique intitulée : « Le «Benno» et le «And» du G20 pour un «Sopi» mondial ». En voici quelques extraits : « L’expression est lâchée : rassemblement. Rien de moins ! Au Sénégal, toutes proportions gardées et devant les nombreux défis qui nous assaillent, c’est ce qui nous fait cruellement défaut ! (…) Tourner la page des élections, s’impose mais à commencer par le président de la République, la clé de voûte des institutions pour ne pas dire le maître du jeu habitué à déplacer constamment des pions sur l’échiquier politique. Ces postures ludiques deviennent à la longue caduques. Quant à l’opposition, l’oreille citoyenne lui dit de cesser de jouer sur le tempo suranné et peu agréable du fichier électoral. Les dernières consultations du 22 mars ont su démontrer que le contentieux électoral est plus virtuel que réel. Le seul contentieux qui vaille est celui du management des affaires publiques. Tout le reste n’est que dérision et supputation.

La crise actuelle appelle à la mobilité des lignes rigides entre la traditionnelle gouvernance solitaire et l’opposition de dénonciation stérile. Le message électoral pourrait s’imaginer ainsi qu’il suit : trêve de chicaneries, unissez-vous (Benno) et cheminez ensemble (And) pour changer les choses (Sopi). Nous passerions de l’état brut des slogans de campagne au stade de la réalité palpable pour le bien-être et l’épanouissement des Sénégalais. Les lignes sont appelées à évoluer sensiblement au bénéfice de tous. Ce qui est urgent, c’est de réfléchir sur un consensus dynamique et non monolithique pour sortir du creux de la vague et débloquer notre Etat-Nation, bloqué par des querelles de bas étage. C’est à cette condition seulement que la locomotive qu’est la classe politique dirigeante pourra conduire la nation à bonne destination (…)»

Malheureusement, il a fallu le décès de la belle-fille et de la sœur du Président comme déclic pour le renouage des fils rompus du dialogue. Ces occasions ont servi de taire quelques rancoeurs pour se retrouver autour d’un essentiel. Il faut noter avec fierté la réponse positive de principe de l’opposition à la main tendue présidentielle. Cependant il reste à préciser d’un commun accord les contours de ce « nouveau départ » afin de ne pas en faire un fourre-tout inopérationnel.

A notre avis les partis doivent s’engager au moins sur les points suivants :

- Le respect scrupuleux de la Constitution, des lois et règlements en vigueur. Il n’est plus question de tripatouiller la charte fondamentale à des fins bassement politiciennes. Un consensus fort doit être obtenu sur la transparence du processus électoral du début jusqu’à la fin.

Il est nécessaire également de renoncer à la création unilatérale du poste de vice-président, objet de polémiques.

- Le respect scrupuleux de la séparation des pouvoirs. Indépendance de la justice et recrédibilisation du Parlement.

- Le respecter tous les droits et libertés et mettre fin à l’impunité sous toutes ses formes.

- La réduction drastique du train de vie de l’Etat par des économies budgétaires afin de mieux faire face à la crise économique et sociale.

- La préparation d’une campagne agricole digne de ce nom en tenant compte des propositions issues des assises nationales.

-Une entente sur la gestion collégiale de l’assainissement des quartiers notamment ceux qui sont inondés. Il faut mettre fin à la vile querelle de compétences entre l’Etat et les collectivités locales.

-La promotion des valeurs d’éthique et de patriotisme.

-L’Instauration de la confiance et réduction de la méfiance et de la défiance réciproques.

Les protagonistes de ce débat national doivent faire des concessions et ne pas camper sur des positions claniques afin de faire avancer ce pays qui souffre d’un déficit d’engagement à son égard. Sans se compromettre l’opposition peut aider à la marche du pays, et le gouvernement, aussi, sans perdre la face. Une approche constructiviste est possible si les intentions proclamées sont sincères et dépourvues de toute manœuvre sordide

La classe politique sénégalaise n’a plus le droit à l’erreur, après le rappel à l’ordre collectif du 22 mars. Un nouvel ordre politique national est devenu plus qu’urgent. Le temps du dialogue a sonné. Le ton est donné. Evitons d’en faire un simple tube d’été !

Abdoulaye SYLLA
syllaye@gmail.com

L'avenir n'est pas une maison clé en main
Les prédictions des Saltigués de Fatick donnent froid dans le dos. « Larmes, malheurs et violences » sont annoncés par ces voyants relayés par la presse. La tentation est grande de considérer ces prévisions comme des vérités bibliques ou coraniques eu égard à l’aplomb qui caractérisent leur énoncé.

Sous nos tropiques, nous avons fondamentalement un problème avec la conception du temps ou la dialectique entre passé, présent et futur.

L’avenir n’est pas une donnée figée, définitive et irréversible, rigoureusement connue de l’être humain. C’est une réalité changeante et dynamique, sur laquelle les êtres humains peuvent et doivent valablement agir pour le transformer à leur profit. C’est tout le sens de la liberté et de la responsabilité humaines qui permettent de construire le devenir. L’avenir n’est donc pas une demeure clé en main vers laquelle on déménage sans frais.

Il faut donc opérer une rupture simpliste dans notre relation défaitiste au temps car le fatalisme insidieux distillé par les séances hyper médiatisées de divination est anesthésiant et handicapant. Il installe une absence de confiance en l’avenir et peut entraîner une certaine démission ou, à tout le moins, un découragement.

Pour parer à ce risque, certains penseurs vont jusqu’à nier l'existence du futur, du moins comme nous l'attendons souvent. C’est le cas de Fabrice Béal qui soutient : "Quant au futur, il n'existe pas, à part dans notre tête et nos projections mentales. N'anticipez pas trop car d'une part, les choses n'arrivent jamais réellement comme nous l'avions pensé et d'autrepart cela peut causer beaucoup d'inquiétudes et de détresse...Seul le moment présent nous appartient et possède le pouvoir de changer les choses. Ce "Power of now" ou présentisme" est partagé par l'écrivain français Gustave Flaubert qui enseigne : "L'avenir nous tourmente, le passé nous retient, c'est pour ça que le présent nous échappe." Ce sur quoi nous avons donc un contrôle, c'est le présent et il mérite notre attention et nos efforts.

Dans notre pays, nous sommes encore englués dans le passé qui nous empêche de nous élancer vers la quête du mieux-être et nous avons trop peur de l'avenir présenté sous des traits catastrophistes. Notre épanouissement passera par notre libération de ces carcans passéistes et chaotiquement futuristes.

il faut croire en des lendemains qui chantent pour espérer leur réalisation.
Certes, nous ne faisons pas l'apologie d'une naïve béatitude comme posture mais pour autant nous ne souscrivons pas gratuitement au chaos.

Edgar Morin le définit assez bien lorsqu'il dit : " l'évolution n'est ni mécanique, ni linéaire. Il n'y a pas un facteur dominant en permanence qui commande l'évolution. Le futur serait effectivement très aisé à prédire si l'évolution dépendait d'un facteur prédominant et d'une causalité linéaire. la réalité sociale est multidimensionnelle; elle comporte des facteurs démographiques, économiques, techniques, politiques, idéologiques..."

Cheikh Anta Diop considère justement le futur comme la reprise du mouvement et non comme une réalité pétrifiée.

Plusieurs pays ont été dévastés pendant le seconde guerre mondiale (Japon et Allemagne...) mais ils ont su tirer les leçons de cette histoire par la confiance et l'action et sont devenus de très grandes puissances mondiales. Le fatalisme réducteur aurait produit le contraire. Apprenons pleinement à vivre le présent qui déterminera pour l'essentiel notre futur.
Ne disait-on pas avant le nouveau millénaire : En l'an 2000, Dakar sera comme Paris ? On attend encore la Tour Eiffel et les Champs-Elysées !

Les employés de la compagnie Air Sénégal International au chômage
Les employés de la compagnie Air Sénégal International au chômage
Air Sénégal International (ASI) a finalement rendu l’âme et devrait renaître sous le nom d’Air Teranga International (ATI). L’opération de charme conduite par les services du nouveau ministre des transports aériens a présenté cette issue, à grand renfort de publicité, comme un happy end (fin heureuse) après plusieurs mois de conflit entre les parties sénégalaise et marocaine.

Mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Le discours jubilatoire et triomphaliste est à tempérer, eu égard au vaste chantier financier, économique et social qui jalonne le lancement de la nouvelle compagnie aérienne.

La liquidation judiciaire de l’entreprise, rendue nécessaire par le redressement manifestement impossible, suivra la cessation de paiement avec à la clé environ cinq (500) employés dont le redéploiement ne sera pas facile malgré les déclarations de bonne volonté sur leur intégration dans la future entité et dans d’autres sociétés évoluant dans le même secteur. Le risque d’une déflagration sociale est bien réel pour ces nombreux chefs de famille. Le démarrage d’ATI prévu vaguement « dans les plus brefs délais » renseigne sur le caractère encore abstrait du projet de relance de l’activité aéronautique sénégalaise.

Au plan financier, « l’Etat a demandé à un pool de banques d’affaires sénégalaises de piloter le processus et mobiliser les capitaux nécessaires », prévoit le gouvernement qui soutient que « le capital de la nouvelle société sera contrôlé par le secteur privé sénégalais et ouvert aux travailleurs. Véritable vœu pieu ! A-t-on associé déjà le patronat sénégalais ? Si oui, ne devrait-on pas lui laisser le soin d’annoncer, lui-même, le niveau de sa participation ? On ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un en son absence ou contre sa volonté, s’il est suffisamment mature et conscient de ses intérêts.

L’accord précise également que la Ram ne contribuera pas financièrement mais techniquement, avec quelle contrepartie ? Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts, disait opportunément un certain Charles De Gaulle. L’expérience d’ASI illustre que les intérêts priment sur les « relations diplomatiques et culturelles multiséculaires ». Cessons d’être volontairement naïfs et ouvrons les yeux.

Les difficultés ne seront pas que sociales et financières mais également techniques pour le rétablissement des relations avec l’Iata et l’Oaci, instances de régulation du transport aérien. Les deux hypothétiques aéronefs sur lesquels nous comptons, nonobstant les promesses de la Ram, pourraient être insuffisants pour une exploitation viable. Les travailleurs l’ont souligné, il faut au moins quatre avions pour un bon démarrage.

La naissance d’Air Teranga est partie pour être la résultante d’une grossesse à risques. La surveillance des conditions de la délivrance doit être alors extrême pour éviter une fausse couche qui douchera les espoirs des travailleurs mais aussi des usagers de manière générale.

Il faut fondamentalement éviter le pilotage à vue. Créer une société ne doit être que le début du commencement d’une gestion saine et rationnelle aux antipodes des pratiques gabegiques et peu citoyennes constatées jadis. Les dettes de l’Etat vis-à-vis de la défunte compagnie aérienne ont en partie plombé son envol. Sans compter également la propension de certaines autorités à voyager avec d’autres compagnies au détriment de la nationale qui constitue un véritable manque à gagner.
De même que la disqualification d’Air Sénégal du marché de l’acheminement des pèlerins à la Mecque au dernier moment au profit d’opérateurs incompétents a été une erreur monumentale. On a failli faire, sur un coup de sang, la même chose avec le Crédit agricole.

Le siège de la CNCASen plein centre ville à Dakar (Photo: upload.wikimedia.org)
Le siège de la CNCASen plein centre ville à Dakar (Photo: upload.wikimedia.org)
CNCAS, la dissolution de la "solution"

Si à Air Sénégal, on cherche encore la solution après la dissolution, à la Caisse nationale du crédit agricole du Sénégal (CNCAS), on en est à la dissolution de la « solution » du Président Wade de dissoudre la banque de l’immeuble Air Afrique pour créer une autre « banque verte » destinée aux les paysans. Son ministre des Finances Abdoulaye Diop a déclaré que les paysans pouvaient être « tranquilles » car « il ne s’agit pas de dissoudre la Cncas. Elle changera de nom, mais elle ne va pas disparaître », rassure le grand argentier de l’Etat devant les inquiétudes créées par son propre patron. Le pompier après l’incendie, quoi ! Curieuse similitude avec le scénario d’Air Sénégal jusque dans le changement de nom préconisé. Comme si cela seulement suffisait pour créer une nouvelle dynamique. Aucune étude préalable ne justifiait cette précipitation.

Il nous faut rompre avec la gouvernance par le spectacle, les effets d’annonce et autres effets de manche. Frapper les esprits, c’est bien mais ne pas les endommager, c’est encore mieux.
Ces dernières années, nous avons eu droit à une inflation de projets dont le lien est difficilement identifiable. Reva en 2007, Goana en 2009 et révolution rurale en 2009 sans oublier les programmes maïs, manioc et bissap auparavant. Ce matraquage de projets est déroutant. Les résultas sont difficilement quantifiables. Cela pose le problème de la planification qui nécessite l’évaluation de la stratégie mise en place, en ce qui concerne le domaine agricole. La navigation à vue est préjudiciable à notre économie sociale qui dépend grandement du secteur primaire. La place historique de l’arachide doit être redéfinie pour dissiper cette inquiétude qu’on veut tuer la filière pour des objectifs flous.

La question aérienne et celle agricole nous montrent que le meilleur style de gouvernance est celui de type horizontal et participatif. Prendre le temps de partager la réflexion, d’échanger avant de se prononcer ou de prendre une quelconque décision. Cela évite le recours systématique à la dissolution de ses « solutions » isolées et ainsi avoir de bonnes résolutions.

Point n’est besoin de faire la fine bouche. Les recommandations issues de cette réflexion participative, technique et populaire sont pertinentes. En ce sens qu’elles ambitionnent de rectifier la trajectoire erratique prise par notre barque nationale après une décennie de gouvernance libérale laborieuse. Un coup de barre est plus que nécessaire. Les « dix commandements » de la charte de gouvernance démocratique sont bien à propos. Reste maintenant à savoir si les « commandants de bord » actuel et à venir les suivront pour espérer arriver à bon port.


Le président des assises nationales, Amadou Mahtar Mbow
Le président des assises nationales, Amadou Mahtar Mbow
En réalité, le Sénégal souffre moins de l’existence de bons textes que du déficit de volonté de les appliquer avec le seul souci du bien-être citoyen. Les meilleures lois avec les pires hommes ne produisent rien de bon. Le Royaume uni n’a pas de constitution écrite et ne s’en porte pas plus mal. Tout est question d’animateurs qui insufflent une vie aux consensus. Les nombreuses révisions constitutionnelles de conservation du pouvoir depuis l’indépendance montrent que le Sénégal traîne plus un déficit d’hommes politiques intègres et désintéressés que de quincaillerie institutionnelle.
Pour le cas précis du document des assises, il est néanmoins à déplorer la reculade sur la limité d’âge pour les candidats à la présidence. Autant il y a un plancher (35 ans), autant un plafond serait utile, eu égard à l’expérience actuelle. Empêcher les membres de la famille du Chef de l’Etat de pouvoir directement lui succéder et biffer la borne supérieure de l’intervalle d’âge ressemble à du « deux poids, deux mesures » et à une réglementation à la tête du client. Des motivations financières ou personnelles ne doivent pas prospérer dans la fixation des règles. La loi doit être erga omnes, c’est dire, générale et impersonnelle. C’est dur mais c’est la loi.

Un autre enseignement à tirer des Assises est l’inefficacité du boycott. L’opposition avait manqué le coche en boudant les législatives de même que la majorité a perdu en boycottant ostensiblement les assises. Leurs promoteurs ont été bien inspirés en allant à l’écoute des couches populaires et bénéficier ainsi de leur confiance aux dernières élections locales. Mais attention à l’opportunisme machiavélique de la fin justifiant les moyens.

Le mieux aurait été pour le pouvoir d’y participer même de manière détachée et critique ou à tout le moins faire dans l’indifférence. Mais la démarche hostile et d’intimidation a requinqué les participants.
En démocratie, la politique de la chaise vide n’est pas payante comme celle de l’inaction. C’est ce que semble avoir compris le nouvel hôte de l’Hôtel de la capitale, Khalifa Sall.

Le maire de Dakar, Khalifa A. Sall
Le maire de Dakar, Khalifa A. Sall

Trésor moral du maire de Dakar.

Il faut vraiment tirer le chapeau au nouveau « khalife » de la mairie de Dakar pour son acte courageux. Khalifa Sall ne mérite pas la lapidation outrancière dont il fait l’objet, y compris dans sa famille politique, suite à sa déclaration de patrimoine. Rien ne l’obligeait à poser cet acte louable si ce n’est un devoir civique de transparence exigé par les hautes fonctions qu’il occupe. Tout le monde connaît la nature colossale du budget de la mairie de Dakar (environ 40 milliards) et des risques inhérents de gestion clientéliste et d’enrichissement personnel. Pour se prémunir contre ces éventuels accusations, il a jugé nécessaire de décliner ses avoirs afin que nul n’en ignore. C’est tout à son honneur. Il faut être doté de trésors éthiques pour être à la hauteur. Les spécialistes de la critique facile- qu’est-ce que ces modèles de vertu attendent pour en faire de même- parlent de tape-à-l’œil et de manoeuvre politicienne ou lui demandent simplement de clamer l’origine de ses biens. Question visiblement intéressante mais fondamentalement secondaire. A moins de faire l’objet d’une procédure judiciaire, il ne lui incombe pas de justifier la provenance de ses richesses. Des instances habilitées et dispositions légales (non encore abrogées malgré une certaine désuétude) existent à cet effet. Notamment la commission nationale de lutte contre la corruption, son notaire chargé de conférer l’authenticité de son acte, le Forum Civil, représentant Transparency International et la loi contre l’enrichissement illicite. Mieux, les audits de l’alternance, malgré leur caractère tendancieux, l’ont épargné contrairement à nombre d’anciens barons du défunt régime socialiste. Et puis la richesse en-elle même n’est pas un délit. En conséquence, il faut objectivement lui accorder un préjugé favorable qui ne signifie nullement un chèque en blanc. Mention assez bien, peut mieux faire.

Il devra être sanctionné par ses mandants positivement ou négativement à l’aune de sa gestion actuelle, comme l’ambitionne, pour les journalistes la nouvelle instance d’autorégulation.

La secrétaire générale du SYNPICS, Diatou Cissé Badiane
La secrétaire générale du SYNPICS, Diatou Cissé Badiane

Tribunal moral de la presse

Les médias sénégalais ont décidé de prendre le taureau de leur image par les cornes de l’action éthique. Le Synpics (syndicat des journalistes) de concert avec le Cdeps (patronat de presse) et l’Etat a installé le Comité d’observation des règles d’éthique et déontologie (Cored) pour assainir ses rangs, dangereusement envahis ces dernières années par des pratiquants peu orthodoxes. C’est une œuvre de salubrité publique nécessaire pour l’émergence d’une presse de qualité. Une presse qui va s’abreuver aux sources complémentaires de la liberté et de la responsabilité pour produire un service frappé du label « juste et vrai », seul gage de crédibilité sur le marché de la citoyenneté.

Il est urgent que les différents acteurs de la presse s’approprient de manière effective ce code d’honneur pour continuer à mériter de la confiance du public, leur seule raison d’être. Ce ne sera pas du tout facile. La presse, pour avoir joué, un rôle crucial dans l’avènement important d’un pilier important de la démocratie, l’alternance, est condamnée à tenir son rang de vigie citoyenne pour sa viabilité. C’est une question de patrimoine social.

Le Cored a déjà un chantier brûlant sur lequel il doit apporter des solutions courageuses : la guerre insensée des sondages. Les médias se tirent dessus au mépris des règles élémentaires de convivialité. Le sondage n’est qu’une photographie symbolique instantanée de la réalité et est sujette à caution comme la photographie matérielle ou numérique l’est face au montage. Par voie de conséquence, il n’est pas opportun de prendre les sondages pour ce qu’ils ne sont pas et être des jouets manipulables des instituts de sondages d’opinion. Les sondages ne sont pas une science exacte car travaillant sur une matière extrêmement volatile qu’est l’opinion. Avez-vous déjà rencontré un sondeur ? Il est urgent d'affiner les méthodes de sondage par l'introduction par exemple de la médiamétrie plus technique et moins vulnérable à la contestation.

Plus fondamentalement, les journalistes s’appellent confrères et consoeurs mais font fi de la confraternité. L’éthique de la différence ne le recommande pas.

Bref, après les déclarations de bonne intention et les pétitions de principes, le Sénégal dans ses différents compartiments, doit marcher maintenant vers les assises de l’action éthique. Vaste chantier que ne faciliteront pas une certaine vice-présidence et un agenda d’auto- succession en action !

Abdoulaye SYLLA
syllaye@gmail.com

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