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Chronique
Ainsi donc le président Wade a décidé, via Davos et Rfi, de prélever trois jours de paie sur le salaire des agents de la Fonction publique, en attendant de discuter avec le secteur privé. Cette manne financière devrait servir à aider nos frères et sœurs d’Haïti, frappés par un terrible tremblement de terre. Voilà qui est très généreux ! On le sait, la magnanimité du chef de l’Etat est légendaire voire proverbiale. Ceux qui fréquentent les couloirs et allées du Palais de la République disent en savoir quelque chose. Pourquoi vous pensez à Alex Segura ? Il n’est pas visiblement le seul à avoir bénéficié des largesses de Me Abdoulaye Wade. Mais cette étonnante générosité doit être évaluée, contrôlée, nous allions dire, auditée pour reprendre le vocabulaire de la semaine consacré aux non moins étonnantes révélations des audits commandités par l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP).
Que l’on nous comprenne bien. Il n’est nullement question ici de rejeter l’idée de soutenir Haïti. Loin s’en faut ! Ces populations méritent à bien des égards d’être secourues, elles sont plus que sinistrées. Au-delà de la race que nous partageons, nous avons en commun, et c’est plus important, des êtres tout simplement des humains. Aucun problème du point de vue des principes. Cependant, il nous semble malvenu de vouloir utiliser la nécessité de cette aide à des fins de propagande internationale qui ferait fi de nos capacités et de nos urgences prioritaires bien locales. Le Sénégal n’a pas les moyens d’aider efficacement Haïti qui a enregistré plus de 100 mille morts. « Def loo meun wakh loo meun boo teuddé nélaw », dit bien l’âge wolof, qui signifie littéralement que pour être tranquille, il faut dire et faire ce que l’on peut. Les quelques petits milliards ponctionnés sur les maigres salaires des fonctionnaires et éventuellement sur les autres travailleurs du privé ne vont pas satisfaire les besoins d’Haïti mais risquent de fatiguer un peu plus les goor goor lu (crève-la-faim) sénégalais fortement secoués par la crise. Pis, ces derniers ont été pris au dépourvu par cette mesure unilatérale sous forme d’ukase qui a fait l’économie de toute forme de partage. Les Sénégalais dont on sollicite les poches auraient du être associés en amont. Président de la République ne veut pas dire Roi. On est en démocratie où les décisions sont censées se prendre après concertation des parties concernées. La discussion préalable aurait eu le don d’en faire une véritable décision nationale (sans fausse note) plus retentissante aux yeux des bénéficiaires. Mais c’est sous-estimer la science infuse qui règne en maître chez nous. Les 500 millions de FCFA votés au forceps par le Parlement suffisaient pour notre contribution symbolique. Il faut être atteint d’autisme sociopolitique pour ne pas entendre la révolte des travailleurs, eux-mêmes sinistrés, toutes proportions gardées. Et puis pour épargner le « petit peuple », le Sénégal d’en haut devrait donner l’exemple en rognant sur ses nombreux avantages pour constituer la somme à donner à Haïti. Les caisses noires, fonds politiques et autres fonds spéciaux sont plus indiqués pour servir de ressources à la participation sénégalaise. Plus fondamentalement, des structures internationales plus habilitées et mieux outillées (Onu, Fmi, Banque mondiale…) existent pour voler valablement au secours de la pauvre île mémoire. Me Abdoulaye Wade est plus attendu sur la politique intérieure. Il sera avant tout jugé sur son bilan dans la gestion des affaires publiques sénégalaises et non sur une quelconque propension à occuper les devants de la scène médiatique internationale, au péril de nos maigres ressources nationales.
Faut-il en rire ou en pleurer ? Peut-être les deux à la fois. Mais encore plus, il faut s’en indigner, le dénoncer et travailler à son éradication. Parce que ce n’est pas sérieux. Quoi ? Le spectacle risible et désolant que nous offre actuellement la fratrie libérale. Les réunions dites d’information sur les procédures de placement de cartes en vue des renouvellements du PDS se transforment généralement en scènes de pugilat. Les quelques localités qui se sont réunies sans anicroches (Thiès, Bakel…) font figurent d’exception devant la règle générale des troubles.
C’est ainsi qu’on a pu suivre, entre autres, les incidents déplorables à Fatick où des responsables libéraux, qui occupent d’éminentes positions de pouvoir dans l’appareil d’Etat, se sont affrontés par militants interposés pour le contrôle du Pds local après la démission de Macky Sall. Ces agissements sont vraiment un mauvais exemple donné à la jeunesse en mal de repères. C’est à se demander ce que seront la vente proprement dite des cartes, les renouvellements des instances, le congrès et la prochaine campagne électorale si l’on y prend garde. Ces deux années à venir risquent alors d’être très houleuses dans le landerneau politique au détriment de la paix civile. Chaque responsable cherche coûte que coûte à occuper les devants de la scène pour bénéficier des probables privilèges que distribue l’autorité politique au sommet. Aucun moyen n’est épargné pour parvenir à cette fin. Le parti politique, simple cadre pour concourir au suffrage des citoyens afin d’améliorer leurs conditions de vie, se mue malheureusement en moyen de captation, voire de prédation des ressources publiques collectives, entreprise facilitée par la confusion des rôles entre le parti et l’Etat. Cette violence s’exporte également au-delà des frontières du parti. Ses promoteurs tentent d’éliminer réellement ou symboliquement l’adversaire ou de lui faire peur pour l’éloigner des sinécures dont on profite jusqu’à l’abus. C’est sans doute ce qui explique toute cette tension artificielle qu’on essaie d’installer dans le pays ? La tentative d’incendie au meeting du Ps à Thiès entre dans ce cadre d’intimidation et de terreur. Les auteurs et commanditaires doivent rigoureusement répondre de leurs actes pour que cela décourage tous les potentiels fauteurs de troubles, de quelque bord qu’ils soient. Les ressorts démocratiques que sont l’Etat (gouvernement), la justice, la société civile, les dignitaires religieux et traditionnels ainsi que la presse doivent, sans cruauté ni faiblesse coupable, faire barrage à ces dérives préjudiciables à notre commun vouloir de vivre en communauté. C’est le prix de notre accès à la quiétude et l’épanouissement de chacun et de tous.
Au seuil de ce nouvel an, nous formions le vœu- pieu, certainement- de bénéficier au Sénégal d’une pause politicienne en 2010. Mais c’était sans compter avec la forte propension de notre classe politique à se dépenser sans compter pour l’accessoire au détriment de l’essentiel.
Sinon comment comprendre que l’adversité politique tienne lieu de justification d’actes aussi criminels qu’un incendie à un meeting du Ps. Sous prétexte que ces opposants étaient venus verbalement attaquer le chef de son camp, on se laisse aller à des légèretés d’une gravité extrême, qui auraient pu provoquer un drame voire une tragédie aux conséquences incalculables. Le Parti socialiste visé a rué dans les brancards en menaçant de rendre désormais coup pour coup. Inutile de dire que la loi du talion et de la vendetta risque ainsi de régner au grand dam de la paix sociale. On a annoncé par la suite un véhicule incendié dans l’enceinte du siège du Pds, acte que des libéraux attribuent à des socialistes. Il y a quelques semaines également, le cortège de Macky Sall avait essuyé des jets de pierres dans la banlieue de Dakar. Tout cela est bien dérisoire et à l’antipode des véritables enjeux qui astreignent les Sénégalais dans leur écrasante majorité. Il faut, au plus vite, fermer cette boîte de pandores au risque de semer l’escalade d’une violence aux contours explosifs. Le Chef de l’Etat est interpellé au premier chef pour condamner ce dérapage. Les signes d’apaisement qui provenaient de lui suite à l’incident malheureux avec l’Eglise cristallisaient un espoir qui est visiblement en train de céder la place au scepticisme et à l’incrédulité. Le président doit donc mettre le holà à ces agissements sordides qui n’honorent pas le Sénégal en permettant à la justice de tirer au clair cette affaire pour ne pas en faire un nouveau contentieux politique. La justice a besoin d’exercer dans la sérénité et l’indépendance à l’abri de toutes les formes de pressions qu’elles soient politiques, économiques ou sociales. C’est cette exigence citoyenne que le Bâtonnier a voulu rappeler. Malheureusement, son confrère et non moins président de la République l’a mal pris en réagissant de manière violente et colérique. Provoquant une réplique de l’ordre des avocats qui soutient son chef. La corruption protéiforme, tout comme la violence, est un mal qui sape les fondements de toute institution d’où la nécessité de l’éradiquer. Avec le sulfureux feuilleton Segura, le Chef de l’Etat aurait dû éviter la polémique qui donne l’impression qu’il cautionne ceux qui prennent des libertés avec la transparence. Force doit rester au droit et non au tortueux qu’il se nomme violence ou corruption.
Le Président Abdoulaye Wade adopte depuis quelques jours une posture qu’il n’aurait jamais dû abandonner. La hauteur. C’est tout à son honneur. A quelque chose malheur est bon serions-nous tentés de dire pour reprendre l’adage populaire. Il a fallu le retentissant coup de semonce du clergé catholique pour le ramener à la raison. Il fume avec les dignitaires de l’Eglise le calumet de la paix, accepte les conditions de l’opposition sur la revue du code électoral avant de convier à la réconciliation les éditeurs de presse.
Cette attitude présidentielle est à saluer en ce sens qu’elle démontre que le conflit permanant est sans issue. Certes, la contradiction est une donnée essentielle en démocratie mais elle doit être gérée en vue d’une bonne cohabitation. Même les guerres les plus acharnées finissent autour de la table négociation. L’histoire est remplie de cessez-le-feu et d’armistices symbolisant une trêve ou simplement la fin d’un conflit. Le Chef de l’Etat doit donc poursuivre cette démarche pour ne pas donner l’impression de faire dans la diversion. Déjà, beaucoup de gens doutent de la sincérité de cette « subite » attitude de Maitre Wade. Ils la considèrent comme un stratagème pour détourner momentanément l’attention. Il lui incombe donc d’administrer la preuve de sa bonne foi. En ne posant aucun acte qui puisse brouiller ce signal visiblement positif. C’est ainsi qu’il doit donner davantage de gages après avoir pris des engagements le 31 décembre dernier sur le processus électoral. Car c’est ce terrain qui est encore le plus explosif. Les contradictions y sont les plus vives. Nombre de conflits armés naissent d’élections troubles. Il doit notamment ordonner à son ministre de l’intérieur à faire preuve de plus d’esprit consensuel. Sa lettre de mission ne doit pas être à faire coûte que coûte gagner son camp. Le Président Wade gagnerait également à réfréner l’ardeur guerrière de son ministre conseiller chargé des affaires politiques Serigne Mbacké Ndiaye. Il est paradoxal de se déclarer cheville ouvrière du dialogue politique et en même temps appeler les marchands ambulants à se rebeller contre l’autorité du Maire de Dakar Khalifa Sall qui veut assainir la capitale où règne, convenons-en, la pagaille. C’est de l’antijeu. La sortie du ministre de l’énergie contre le leader de l’Afp sur l’origine prétendue de sa fortune est aussi à ranger dans ce cadre. Moustapha Niasse n’a-t-il pas été Premier ministre du patron de Samuel Sarr ? Pourquoi attendre autant d’années pour le «dénoncer » ? Si ses allégations sont avérées, qu’est-ce qui l’empêcherait de saisir la justice habilitée à connaître de cette présumée affaire d’enrichissement illicite ? Le dernier hors-jeu que nous signalerons provient de l’audience ratée du Président Wade avec les imams de Guédiawaye. Une rencontre torpillée par la mauvaise défense de l’entraineur national. Des libéraux lui ont malheureusement fait comprendre que ces dignitaires religieux étaient de vulgaires politiciens encagoulés. Dommage que l’autorité suprême ait pu être dribblée à ce point par des adeptes et experts de la manipulation. C’est un tacle irrégulier qui donne du reste raison aux pessimistes. On aurait vraiment pu s’en passer. Comme la Coupe d’Afrique des Nations de foot (Can) aurait dû s’épargner la fusillade cabindaise contre l’équipe du Togo. La politique, comme le sport d’ailleurs, est un jeu mais trop sérieux pour être laissée entre les mains d’aventuriers et de rebelles qui cherchent les coups d’éclat. Quand (Can) on espère que le dérisoire foute (foot) le camp, l’instinct de survie jaillit. Chasser le naturel, il revient au galop. Abdoulaye SYLLA Syllaye@gmail.com
Le Sénégal est vraiment un cas spécial. C’est comme s’il n’y avait pas suffisamment de dossiers importants qui méritent ce florilège d’énergies dépensées pour alimenter la polémique stérile sur le monument de la renaissance africaine. Pas un seul jour sans qu’une nouvelle déclaration ne vienne s’ajouter au « débat » national sur la statue géante du président Wade.
Politiques, religieux, société civile et médias ont fini d’en faire leurs choux gras au détriment des nombreuses urgences sociales et économiques qui mériteraient plus d’attention. La plus grosse part de responsabilité dans cette diversion est cependant imputable au Chef de l’Etat qui a réussi à installer cette grosse controverse à l’honneur du monument. D’abord, en procédant de manière unilatérale et «sans débat» à sa construction. Ce qui aurait pu nous épargner cette discussion sur le tard quasiment sans effet. Il a mis presque tout le monde devant le fait accompli. Non content de cela, il a trouvé nécessaire de s’attaquer ensuite à l’intelligence de certains imams coupables d’avoir critiqué son bijou artistique. Il récidivera en convoquant maladroitement Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, El Hadji Maodo Malick Sy et Jésus Christ pour justifier la fameuse statue. Les premières cités par Wade pour n’avoir «jamais» rien dit à l’époque sur le monument à l’effigie du gouverneur Faidherbe tandis que le dernier est, note-il, adoré par les catholiques dans les églises alors qu’il n’est pas Dieu. Cette dissertation politico-théologique a eu le don de déclencher une levée de bouclier monstre du clergé et de la chefferie confrérique après celle des imams. Quelle opportunité y avait-il ; pour un chef d’Etat, à discourir sur la divinité ou non de Jésus et sur les prétendus comportements de Maodo et Bamba à l’égard de la sculpture représentant un colon. Depuis lors, et bien avant même, le pays ne bruit que de ce monument. Des torrents de salive et d’encre se déversent quotidiennement sur la «sculpture des mamelles» sans qu’il y ait une once de lucidité pour dire : ça suffit, on a mieux à faire ! Au moment où le Sénégal dépasse plus de 14 milliards de FCFA pour ériger une statue pompeusement dédiée à la renaissance africaine, le monument de l’obélisque de Colobane, signe de notre indépendance, se meurt. Il est mal entretenu et le jardin qui le jouxte a perdu une bonne partie de sa clôture depuis plusieurs mois sous une totale indifférence. Avant de clamer la renaissance africaine, bien solitaire et sénégalaise, il vaudrait mieux accorder plus de respect au monument de l’indépendance qui ne fait l’objet d’attention qu’à l’approche du défilé du 4 avril. Du côté des contempteurs de Wade et de son monument également, les priorités ne manquent pas. Après avoir suffisamment dénoncé son érection, ne vaudrait-il pas mieux pour eux de s’intéresser davantage à d’autres sujets sur lesquels leur responsabilité n’est pas moins engagée ? par exemple, la lutte contre la mendicité, la pauvreté, le proxénétisme, l’alcoolisme, la pédophilie, les gains usuriers, l’analphabétisme, l’obscurantisme, la morbidité, la criminalité. La liste est longue de maux qui sollicitent désespérément leurs mots et actes autant que ceux de l’Etat. Décréter la trêve des futilités est une sur priorité pour se retrousser les manches au moment où le taux de croissance économique fond comme du beurre au soleil. S’il y a quelque chose qui mérite qu’on érige un monument à sa gloire, c’est bien le culte du travail et de la responsabilité qui ont décidément très peu d’adeptes et de militants chez nous. |
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