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Chronique
Le Sénégal est un pays qui carbure politiquement 12 mois sur 12. Tout ou presque politique ou politisé au sens étroit du terme. Certes, il était compréhensible que 2009 soit une année de bouillonnement électoral au regard des enjeux qui étaient notamment liés aux élections locales. L’opposition sortait d’un boycott des élections législatives après avoir subi une défaite contestée à la présidentielle de février 2007. Requinquée par les locales, elle avait une carte maîtresse à jouer pour reprendre l’initiative.
Le pouvoir, de son côté, sonné par la perte de plusieurs grandes localités, une première depuis 2000, ne pouvait que sonner la remobilisation en battant le rappel des troupes. C’est ainsi que Wade a lancé son appel aux retrouvailles libérales marquées par le retour au bercail de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. Une réconciliation qui tarde encore à se concrétiser par une station politique ou administrative au sommet pour le maire de Thiès. Ce qui augure, entre autres raisons, d’une année qui va battre encore au rythme des convoitises politiques autour du poste encore vacant de vice-président de la République. Le dernier « léger réaménagement » gouvernemental est aussi un pion de ce dispositif de réparation effrénée des échéances électorales. El hadji Amadou Sall, un avocat, ancien porte-parole du Président Wade au bagout avéré et éprouvé, est nommé au poste stratégique de ministre d’Etat en charge de la justice. L’opposition n’est pas en reste avec ses tergiversations sur la lancinante question de la candidature unique ou plurielle. Le Président Wade a réussi à en faire une question existentielle pour la coalition Benno Siggil Sénégal en déclarant prématurément sa candidature. Une façon de sommer ses principaux challengers à se déterminer pour résoudre une fausse équation ou à la limite insoluble du fait des contradictions latentes mais sérieuses qui menacent l’unité d’actions. Toutes choses qui font que 2010 risque encore d’être une année politiquement très dense alors qu’elle pouvait être utilisée comme un répit en attendant l’année pré-électorale 2011. L’activité économique et sociale pour laquelle la politique était censée travailler va nécessairement en pâtir. Les écuries politiques bandent les muscles oubliant les préoccupations légitimes des populations qui se demandent en fin de compte l’utilité de la politique. Une catégorie en net déphasage avec la dure réalité quotidienne. Le chômage reste endémique, la pauvreté est galopante, le pouvoir d’achat s’amenuise continuellement, les eaux inondent encore certaines localités, les coupures de courant se conjuguent malheureusement au présent. Pendant ce temps, la santé et l’éducation sont encore un luxe pour de nombreuses couches populaires. Ce serait un joli cadeau offert au Sénégal d’en bas par le Sénégal d’en haut de marquer une pause politicienne en cette nouvelle année qui s’annonce sous de mauvais auspices politiques. Utopie tout cela, dira-t-on ! Ce serait trop beau. Mais il est permis de rêver et de former des vœux de nouvel an. Déwénati ! syllaye@gmail.com
Le déficit de crédibilité dont fait l’objet l’activité politique est souvent imputé, à raison d’ailleurs, au président de la République. Sa posture de premier gouvernant en charge de la conduite des affaires publiques rend prédominants les actes qu’il pose. Mais ses opposants ne sont pas exempts de reproches et lui facilitent également la tâche dans leurs comportements.
Le dernier congrès de And Jëf organisé par Landing Savané et ses camarades en est un exemple patent. Il renforce la mauvaise image de ce qu’est malheureusement la politique sous nos cieux et ailleurs du reste. Trois décisions majeures en sont sorties : confirmation de l’ «exclusion» de Mamadou Diop Decroix, annulation de l’exclusion des membres de Yoonou Askanwi dirigé par Madièye Mbodj et adhésion à la coalition Benno Siggil Sénégal. Trois mesures qui se résument à une radicalité sur le tard vis-à-vis de Wade, qui est devenu un « danger » dont il faut débarrasser le Sénégal, selon Landing et ses amis de AJ. Mieux vaut tard que jamais, diront ses partisans et nouveaux alliés. Mais un bref rappel des faits peut accroître le scepticisme quant à la crédibilité de cette nouvelle posture. Il y a environ deux ans, Madièye Mbodji et ses partisans de Yoonou Askanwi défendaient corps et âme une certaine cohérence de leur parti envers Wade et sa gestion en refusant la capitulation et la soumission. Ils ont été sévèrement réprimés et chassés d’AJ comme des malpropres sans autre forme de procès. La démocratie interne pouvait attendre. Ses lueurs s’étaient fanées en leurres. En 2007, le candidat à la présidence de la République Landing Savané, après 7 ans de compagnonnage avec Wade, disait selon des termes rapportés par la presse qu’on pouvait être avec des voleurs sans être un voleur. Malgré ce jugement sans concession, il est revenu réoccuper « sa » place dans l’alternance avant d’en être éjecté de nouveau. AJ, hébergé le week-end dernier par le Ps, était connu pour sa constance et son opposition à tout entrisme compromettant pendant le régime socialiste. Il a, semble-t-il, perdu son identité après l’Alternance. Aujourd’hui, l’histoire donne raison à Madièye et compagnie qui ont compris à un moment qu’il fallait retourner aux sources qui faisaient d’AJ un parti qui compte malgré sa représentativité électorale moyenne. Leurs contradicteurs (Landing et Decroix) sont en pleine contradiction pour cet entêtement injustifié. Ce jeu de yoyo politique ne peut que dérouter voire fourvoyer ceux qui le suivent. En fait, la politique est considérée comme un jeu, voire un jouet. Les positions changent au gré du vent. Le brillant journaliste politique, Mame Less Camara disait à peu près ceci : « en algèbre, quand on change de terme, on change de signe ; en politique aussi, les acteurs changent de discours en changeant de position (pouvoir- opposition). Belle analyse politico-mathématique ! Certes, nous ne prônons pas une rigidité dans les postures et opinions, la réalité et le contexte changent, mais ils n’autorisent pas tous les retournements de veste. Un zeste de rigueur n’y gâcherait rien. Un Sénégal nouveau, c’est possible mais ne soyons pas dupes en pensant que le départ de Wade en est la seule condition. C’est l’erreur commise sous Diouf. Na dem : qu’il parte ! Nous devons davantage investir dans les infrastructures invisibles que sont l’éducation, les valeurs qu’on a tendance à assimiler à du détail alors qu’elles surdéterminent nos rapports avec les ressources et les urgences. La culture politique doit donc évoluer vers l’éthique et la responsabilité pour se substituer au seul intérêt immédiat, personnel, clanique et partisan qui domine présentement. Un appel à la citoyenneté vive. Du sommet à la base ! Un énorme chantier qui mérite tous les sacrifices !
Décidément au Sénégal, on aime jouer avec des allumettes au bord d’un baril de poudre ou danser au bord du précipice. Autrement dit, les dangers sont sous-estimés. Ces griefs, nous les portons contre la classe politique, au premier chef : le Chef de l’Etat et son camp. Comment comprendre tous ces feux qui s’allument en même temps, troublant la paix sociale.
Les imams et quelques associations musulmans se sont bruyamment fait entendre pour protester contre les propos peu amène du président de la République traitant les imams qui critiquent le Monument de la Renaissance africaine d’ignorants qui ne s’informent pas. Piqués au vif, ils ont rué dans les brancards pour apporter la réplique au tout connaisseur Wade. Ils ne l’ont pas raté dans leurs sermons du vendredi nonobstant le respect dû à son rang. Ensuite, c’était autour de représentants du clergé catholique qui se sont sentis offensés pour avoir été qualifiés, à la limite, d’ingrats, par Me Wade, lors de la pose de la première pierre de la mosquée mouride Massalikoul Djinane de Colobane. Avouons que ce n’était ni opportun, ni le cadre pour tenir de tels propos aux antipodes de la courtoisie. L’opposition, la société civile et la presse en ont aussi pris pour leurs grades. Le ministre d’Etat chargé de l’Intérieur, Bécaye Diop, au lieu de renouer les fils du dialogue avec les partis de l’opposition n’a pas jugé utile d’entendre leurs doléances lors de l’ouverture de la revue du code électoral. Ce qui a créé, avec les propositions-décisions de la coalition Sopi, un boycott de la coalition Benno Siggil Senegaal, empêchant ainsi la réalisation du consensus. Le même ministre d’Etat, homme fort de la Place Washington, ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il est parti à Touba pour menacer les journalistes de ne pas donner les résultats proclamés par les bureaux de votes avant 22 heures. Et pourquoi 22 heures, dans la nuit noire ? La levée de bouclier politico-médiatique l’a poussé à faire machine arrière pour « préciser » sa pensée de simple citoyen. Sous l’alternance, on adore le dédoublement fonctionnel quand ça arrange pour se sortir d’une passe difficile. La tension a même dépassé nos frontières jusqu’à Paris où de jeunes gens de la société civile et de l’opposition ont été brutalisés pour avoir essayé de manifester devant la résidence de l’ambassadrice du Sénégal où se trouvait le président Wade. Peut-on en tant que démocrates refuser le jeu de la démocratie qui autorise aussi ces servitudes. Ceux qui ne sont pas d’accord peuvent bien le signifier en respectant la loi et le règlement. On aurait dû simplement appeler la police française pour les déguerpir quand ils ont commencé à jeter des œufs. Cela aurait permis d’éviter la bataille rangée et l’écoulement du sang Tout cela constitue des germes qui sont un terreau fertile pour tous les extrêmes. Il nous faut nous ressaisir. Quelle que soit la nature des contradictions, il faut les gérer de manière civilisée et responsable. En utilisant la force de l’argument au lieu du facile et risqué argument de la force. Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com
On ne cessera jamais de le dire, le président Abdoulaye Wade est un numéro bien spécial, pour paraphraser l’ancien président de la Banque mondiale James Wolfensohn. La dernière fin de semaine en a été une illustration parfaite. Le Chef de l’Etat, bille en tête, a osé déclarer : «Les imams ne savent rien. Ils ne s’informent pas». C’était en réaction à la critique acerbe de plusieurs imams contre «son» monument de la renaissance africaine. Wade, on l’ignorait, sait tout.
Le fin journaliste Mame Less Camara disait aux premières heures de l’alternance que le locataire du palais apprenait même aux mécaniciens comment serrer des boulons. Cela lui avait valu une convocation à la Division des investigations criminelles. Le téméraire Talla Sylla qui l’avait repris et amplifié dans son tube Ablay abal Niou s’en sortira le corps martelé. Pour en revenir à sa lourde charge contre les préposés aux sermons, Wade aurait pu se limiter à défendre sa statue sans entrer dans des considérations qu’il maîtrise passablement offensant au passage ce pilier aussi important que constituent les imams au sein de l’islam et la société. Qu’est-ce qui l’empêchait de dire : c’est votre opinion, j’ai la mienne que je fonde sur des arguments religieux ou profanes ! Mais ce serait trop demander à notre atypique président de la République qui aime tant se distinguer. C’était le cas aussi à la cérémonie de pose de la première pierre de la Grande mosquée Massalikoul Jinaane sise à Colobane. Devant le Khalife général des mourides, Wade relayé par la presse, réaffirme : «Je suis le plus grand talibé de tous les temps. Celui qui aura fait ce qu’aucun autre n’a fait pour la confrérie mouride». En tout cas, difficile de lui ravir la palme en matière de déclaration fracassante. Il ne s’arrête pas en si bon chemin de la grandiloquence, pour dire le moins. «Je peux rester au pouvoir aussi longtemps que je veux avant de le transmettre à qui je veux», a laissé entendre Abdoulaye Wade. Il essaiera de se rattraper pour atténuer l’onde de choc de ses propos en précisant que s’il choisit quelqu’un pour lui succéder, il le présentera au khalife de Touba qui lui prodiguera des prières pour que son bien aimé dauphin ait ce qu’il voudra. Le «Maître du Sénégal» fait décidément peu de cas de ses concitoyens qui délèguent, en réalité, le pouvoir. Wade se considère à la limite comme le premier substitut du peuple. Il lui suffit juste, dans son entendement, de vouloir avec bien sûr les prières du guide mouride pour léguer tranquillement le témoin à la personne qu’il souhaite. Avait-il oublié ce procédé facile, le 22 mars dernier, quand il conduisait à la défaite ses partisans à la débâcle dans de nombreuses grandes localités ? En attendant la réponse et 2012, le président Wade devra sérieusement faire face aux interpellations sur les scandales qui éclaboussent, à tort ou à raison, son régime et qui ont maintenant franchi les frontières. Pourquoi pensez-vous au Fmi à Washington, à New York et à la France ? Le peuple sénégalais note tout dans son petit carnet avant de taper là où ça fait vraiment mal. C’est un avis sans frais pour toute la classe politique ! Abdoulaye SYLLA syllaye@gmail.com
Et si c’était la CENA elle-même, en tant qu’organe, qui dérangeait le chef de l’Etat ? Et non son président dont Me Wade a exigé et obtenu la démission. On a beau retourner le sujet dans tous les sens, on a du mal à trouver les raisons d’une telle demande incongrue et inélégante du Président de la République. Le président du CENA est nommé pour un mandat irrévocable de 6 ans. Et le jeu de la démocratie aurait voulu qu’on le laisse jusqu’au terme de ce mandat, en 2011. C’est-à-dire un an avant l’élection présidentielle la plus proche.
On voit bien que Me Abdoulaye Wade aurait bien pu attendre 2011 et en ce moment, il aurait eu toute la latitude de ne pas le reconduire et personne n’aurait trouvé matière à commentaire. Que cache donc cette précipitation ? Est-ce vrai donc comme l’ont fait remarquer nos confrères du journal Le Quotidien que le président de la République est de plain pied dans une course contre la montre. En outre Me Abdoulaye Wade qui a créé, contre vents et marées, la Commission électorale nationale autonome – l’opposition voulait une commission indépendante – sait pertinemment que le président de l’organe n’a pas les prérogatives d’imposer ses décisions à tous les autres membres. Par ailleurs l’argument de Me Wade selon lequel, le président de la CENA est contre son parti, le Pds, ne tient pas la route. Toutes les élections qui se sont tenues depuis 2007 et supervisées par cet organe, ont été remportées haut la main par les libéraux et leurs alliés. Notamment la présidentielle, où on a vu Wade élu dès le premier tour. Même pour les locales où l’opposition a gagné du terrain, en s’imposant dans les villes les plus importantes du pays, le Pds est vainqueur sur le total des voix. Est-ce à dire donc que le chef de l’Etat reproche à la CENA de s’être évertuée à faire convenablement son travail ? Et puis, on se souvient bien que c’était l’opposition qui s’était montré très hostile à l’égard de Moustapha Touré, quand le chef de l’Etat a porté son choix sur lui. L’argument des opposants étaient que la femme de celui qui venait d’être nommée président de la CENA était militante du Parti démocratique sénégalais. Wade l’a maintenu malgré tout. Qu’est-ce qui explique donc ce désamour soudain ? Cela fait beaucoup de questions dont une seule personne détient les réponses. Me Abdoulaye Wade. Seulement avec lui difficile d’avoir les vraies réponses aux questions qu’ont lui posent. Le problème avec Me Abdoulaye Wade, c’est cet écart qu’il y a entre le discours qu’il tient et les actes qu’il pose. Par exemple, quand il dit qu’il ne va pas organiser une élection présidentielle anticipée, on a bien du mal à ne pas croire le contraire au vu de la réalité de la situation sur le terrain. Une situation qui laisse apparaître que le Président a son propre agenda bien différent de celui de la République. Et avec un peu de suspicion, on est en droit de croire que Me Abdoulaye Wade n’a nullement l’intention d’attendre 2012 pour appeler les Sénégalais aux urnes. Autrement comment comprendre qu’il ait déjà lâché ses troupes qui sont en train de battre campagne… jusqu’à la Mecque ? Comment comprendre l’urgence dans laquelle le code électoral est en train d’être révisé ? Pour la première fois, on devrait peut-être arrêter de scruter la lune, mais plutôt regarder le doigt qui le désigne. En d’autres termes, à force de se concentrer sur 2012, l’opposition risque fort de se faire surprendre par Me Abdoulaye Wade, qui, décidément a toujours plusieurs coups d’avance sur ses adversaires politiques. D’autant qu’il a réussi à les distraire en leur imposant un débat stérile et inutile sur la candidature unique de Bennoo Siggil Senegaal. Et au moment où ces derniers perdent leur temps dans des discussions à l’issue connue d’avance – c’est-à-dire que Bennoo ne s’entendra pas sur une candidature unique – lui continue à déplacer tranquillement ses pions sur l’échiquier. Et la démission du président de la CENA est encore une fois un de ces coups dont le maître détient le secret et qui entre bien dans le plan dont il est le seul à connaître les objectifs. Aujourd’hui que Moustapha Touré a démissionné, il faudra bien trouver un autre président pour la CENA. Et même si cela sera Farba Senghor, Cheikh Tidiane Sy, Me Ousmane Ngom ou même Karim Wade, rien ne dit que Me Wade obtiendra la CENA qu’il veut tant que les autres seront en place. A moins qu’il n’ait déjà tout prévu dans son agenda. |
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